Luc Chatel, nouveau ministre de l’Education nationale, est devenu la risée du monde enseignant… pour les nombreuses fautes d’orthographe truffant un dossier de presse ! Sans doute n’en est-il pas directement l’auteur mais avouez que ça la fiche plutôt mal, de surcroît venant d’un tel ministère. L’Express lui décerne un bonnet d’âne.
Il est toutefois hostile selon Le Figaro à la simplification «massive» ! de l’orthographe souhaitée par François de Closets qui selon ce que j’ai lu récem-ment sur «20 minutes» La simplification de l’orthographe en question s’avouerait «nul en orthographe»… Il a même commis un bouquin sur ce sujet : «zéro faute» ! que je m’abstiendrais de lire… Je n’ai ni temps ni argent à perdre avec ce style de conneries et pour ma part j’avoue sans fard (phare, far, fart ?) qu’il me gonfle les nichons depuis son «Toujours plus»… de «fotes» ?
Il y a encore pire : un certain Bernard Fripiat – auteur dramatique belge – qui a le signalé culot de se prétendre «coach en orthographe» ! et qui pour sa part préconise une simplification à la hache : avec notamment «une suppression des accents ou des doubles consonnes à l’écrit»… A l’oral, j’ai du mal à imaginer ce que cela pourrait donner !
Ce doit être la dernière histoire belge à la mode et là, j’ai carrément pouffé de rire et je glousse encore en tapant sur mon clavier !
Ce n’est nullement le fait qu’il soit belge qui pose problème : en effet, Maurice Grevisse, auteur du remarquable «Bon usage» de la grammaire française, était lui aussi né outre-Quiévrain…
Tout cela au seul nom de la vitesse : «Les nouvelles technologies ont changé le rapport à l’orthographe. Aujourd’hui, avec Internet, tout le monde doit aller vite et cela engendre des erreurs fréquentes» prétend-il, Aller toujours plus vite… dans le mur ! du «çon», of course… merci au Canard enchaîné !
Savoir prendre le temps – de vivre - sera sûrement une reconquête de l’intelligence sur la connerie de ce siècle technocratique où les humains sont soumis à l’aune de l’argent-roi… Entre «Droit à la paresse» de Paul Lafargue et «Du bon usage de la lenteur» de Pierre Sansot. Je lis ça et là que le Parti socialiste n’aurait pas renoncé au productivisme. Il le faudra pourtant ! Pour le bien des hommes autant que celui de la planète.
Est-il vraiment raisonnable de nous imposer de travailler comme des fous pour produire toujours davantage des choses qui doivent avoir nécessairement une durée de vie la plus brève possible – le «jetable» constituant le must… mais hélas ! trois fois hélas ! dans ce système c’est tout autant le personnel qui est devenu éminemment jetable… - pour le plus grand profit des propriétaires d’usines et leurs actionnaires… Sortir de cette spirale infernale. Stop la connerie !
On prétend aujourd’hui mener 80 % d’une classe d’âge jusqu’au niveau bac et je lisais dernièrement qu’on avance jusqu’à 70 % au niveau de l’université… Tant pis pour l’enseignement technique, méprisé et dévalorisé une fois de plus… Nombre de «cols blancs» n’en seront que plus prolétarisés, cela s’affichera sur leur fiche de paye et se ressentira dans leurs conditions de travail.
Je ne sais plus où j’ai lu en diagonale quelque chose sur la prétendue «aristocratie ouvrière» qui tiendrait du mythe. Je regrette, mais je l’ai rencontrée quand j’étais infirmière en usine pendant 6 ans. Des ouvriers très qualifiés, bien payés et fiers de leur travail – au temps où «la belle ouvrage» signifiait encore quelque chose – et qui aspiraient à se cultiver. De là, les mouvements d’éducation populaire et l’œuvre culturelle des Comités d’entreprises : bibliothèques d’entreprise, sorties au théâtre, etc…
Il n’y avait personne pour qualifier l’orthographe de «science des ânes» et sûrement pas les instit’ ! Les dictées, fort nombreuses, étaient corrigées avec la plus grande sévérité. On ne nous passait rien, surtout l’année du certif ! Tout comptait : les fautes dans un mot, celles d’accord, les divers accents, les points sur les «i»… La grammaire – j’aimais l’analyse logique – et l’appren-tissage progressif de la conjugaison complétaient admirablement l’enseignement du français.
Je ne regrette nullement d’avoir été éduquée à si bonne école ! Moi, qui n’étais nullement un foudre de travail et plutôt dilettante, j’aimais trop lire et écrire pour être paresseuse en français. Et je suis quasi certaine que c’est la fréquentation assidue des livres, des journaux et des dictionnaires qui m’a permis de me guérir seule d’une malencontreuse tendance à la dyslexie, vraisemblablement due à ma gémellité…
Il faut arrêter de niveler tout par le bas ! Dire et redire que l’école n’est pas un «lieu de vie» - il y a des récréations pour cela et certaines matières plus ludiques que d’autres - mais un lieu de travail et d’apprentissage rationnel des connaissances. La notion «d’efforts» demandés aux élèves n’est pas un gros mot.
Nous en discutions jeudi soir avec des ami(e)s autour d’un filet mignon de porc au maroilles. Une des personnes présentes, documentaliste dans un collège dans une banlieue que l’on qualifiera pudiquement de déshéritée, disait que le jour de la rentrée, donnant les manuels aux élèves qui avaient choisi l’option «latin», elle fit à l’un d’entre eux l’éloge de cette matière, lui disant en substance que connaître l’origine d’un grand nombre de mots permet d’acquérir une bien meilleure orthographe en dépit des nombreuses difficultés de la langue française, qu’analyser la structure des phrases facilite ensuite grandement l’apprentissage de la grammaire et celui des langues étrangères d’origine latine et - cerise sur le gâteau ! – rend beaucoup capable de réfléchir par soi-même.
Il paraît que l’enseignante en fut ravie. Cette amie souhaiterait que l’enseignement du latin redevint matière obligatoire en 6e. Cela contribuerait, pense-t-elle, à l’égalité des chances. Comme tout ce qui contribue à éveiller la curiosité et l’intelligence des élèves. Cela va dans le même sens que les propos tenus naguère par Angélique Ionatos, véritable amoureuse de la langue française qui disait sur Radio-Aligre, entre autres choses, l’importance pour les jeunes de s’approprier la langue française et l’étymologie des mots que nous utilisons…
Je dirais pour ma part que c’est sans doute, à l’instar de la philo, une «arme portative» contre toutes les entreprises destinées à nous décerveler pour vendre «notre temps de cerveau disponible» aux Coca-Cola et consorts…
Ceci dit, même si Richelieu qui créa l’Académie Française le 13 mars 1634 aurait bien de quoi se retourner dans sa tombe, il est évident qu’une langue – sauf une fois «morte» ! – n’est pas figée et qu’il serait aussi stupide que vain d’en vouloir fixer une fois pour toutes les canons. Le français du XVIIe siècle n’était plus celui utilisé lors de l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui prescrivit le 10 août 1539 que tous les actes judiciaires et notariés seraient écrits en français et non plus en latin.
Je ne suis absolument pas versée en «vieux français» et serais bien en peine de décrypter un ancien grimoire. Quelques textes explicitent heureusement le sens des mots tombés en désuétude ou l’acception de l’époque d’un mot encore courant de nos jours. Il m’arrive parfois de ressusciter des mots, des locutions ou des tournures qui ne sont plus usitées, parce qu’elles me plaisent par leur joliesse à l’oreille ou par ce qu’elles suggèrent mieux.
Amoureuse du Solognot qui a bercé mes oreilles pendant mon enfance et ma jeunesse, je ne peux que défendre les langues régionales proprement assassinées par le jacobinisme et la volonté de tout uniformiser. Comme si l’on ne pouvait maîtriser en même temps la langue française et la langue de son «pays» ! A ce compte-là, pourquoi reprocher aux Français d’être nul en anglais ? Comme si tout n’était pas un «plus» !
Alllez dire cela aux Espagnols qui parlent souvent aussi bien, pour certains d’entre eux la langue nationale que le Basque ou le Catalan.
Une langue vraiment vivante est en perpétuelle évolution. Bien sûr, je m’insurge contre l’invasion à tout va des anglicismes – ou bien plutôt des américanismes ! – qui ne sont que le reflet de la globalisation mercantile et technocratique, une sorte d’atroce pidgin, langue véhiculaire que certains nomment «globish» - mot-valise pour global et english… où la culture n’a aucune part. Je pense bien évidemment à l’expression utilisée par Bernard Cassen dans un article du Monde diplomatique d’avril 1994 : Parler français ou la «langue des maîtres» qui n’est sans doute nullement hostile à l’anglais, sa femme l’enseignant, ce me semble… toute la différence résidant dans la différence entre la langue de Shakespeare – et d’auteurs modernes – et celle qui combine les barbarismes de Wall Street, de Silicon Valley et de l’idéologie de marché.
Je pense sans forfanterie plutôt bien toucher ma bille en argot. Et je suis loin d’être systématiquement hostile au verlan, que j’utilise quand un mot me plait ! De même que certains mots ou expressions du langage des cités me paraissent des plus savoureuses, preuve indéniable d’une sacrée imagination qu’il serait bien dommage de vouloir tarir.
Je suis tombée avec délices il y a quelques années dans un ouvrage emprunté à la bibliothèque de Montmorency… J’en ai malheureusement oublié le titre ainsi que le nom de l’auteur et je ne risque pas de le trouver sur internet : le site des bibliothèques de la communauté d’agglomération est un affreux traquenard où j’ai tourné en rond sans pouvoir accéder au catalogue en ligne comme avant !
C’est un dictionnaire qui donne l’origine de toutes les expressions, signale comment un mot s’est formé et ensuite déformé – le verlan du verlan et autres aphérèses (chute d’une partie d’un début de mot) ou apocopes (chute de la fin d’un mot) – du vrai nanan pour mémé Kamizole.
Je ne me piquerais certainement pas d’être férue en linguistique même si cela m’intéresse au plus haut point. Mes connaissance sont bien trop parcellaires. Néanmoins, pour le peu que j’en connais j’eus la curieuse impression d’assister en temps presque réel à la naissance d’une langue et de voir se dérouler un procès de formation que les linguistes tentent de reconstituer à grands coups d’hypothèses – y compris anatomiques - s’agissant de langues plus anciennement formées.
Mais le vrai problème avec ces langages parallèles, réside dans ce fait cruel que pour ces jeunes il n’est pas un «plus» mais hélas ! trop souvent l’expression d’un «moins», à savoir qu’ils ne maîtriseraient bien souvent qu’à peine 400 mots de notre vocabulaire, selon plusieurs études que j’ai lues.
Or, pouvoir parler et être compris est un élément bien évidemment essentiel de la «communication» au vrai sens du terme de mise en commun et d’échanges interactifs. Ne disposer que de 400 mots crée une sorte de «ghetto linguistique» qui redouble celui des cités de relégation sociale et ethnique. D’où les violences comme seules formes d’expression à l’encontre de ceux et celles qui ne les comprennent pas. Lire à cet égard l’opinion de Barbara Lefebvre «Des barbarisme à la barbarie» parue dans Le Monde au moment de l’assassinat d’Ilan Halimi… CQFD.
Et permettez moi de douter que les mauvais flics – ceux qui ne savent que cogner – aient un meilleur bagage moral, intellectuel et linguistique que leurs victimes ou leurs proies préférées. Le clash est donc inévitable. Quant à la barbarie des deux côtés du ring, c’est égalité aux points (poings ?) mais avantage indéniable à celui qui a la force régalienne pour lui. Ou victoire par KO debout.
Même si je me revendique puriste, je suis loin d’être parfaite et susceptible comme tout un chacun de faire des fautes d’orthographe ou de syntaxe, sans oublier les inévitables fautes d’inattention et de frappe. Au point d’être effrayée quand je me relis pour la correction de voir certaines énormités sorties de mes petits doigts.
J’essaie néanmoins d’écrire du mieux possible, de travailler mes phrases et mon style, d’éradiquer autant que faire se peut tout ce qui alourdirait les phrases. Par plaisir et goût également de «la belle ouvrage»… «Cent fois sur le métier remettre l’ouvrage» me répétait mon père, à la suite de Nicolas Boileau…
Nul hasard donc si une de mes rubriques s’appelle «défense et illustration de la langue française» et j’avouerai humblement que lorsque je l’ai créée, j’attribuai fort à tort cet intitulé à Boileau alors que c’est celui du manifeste écrit par Joachim du Bellay…
Comme il est évident qu’il ne m’est pas sorti tout armé du têtiau, j’y vois en toute modestie la preuve que la culture est bien «ce qui reste quand on a tout oublié»… J’espère seulement que l’Ami Alzheimer ne viendra pas tout effacer !