En ce moment, pratiquement tous les fabricants d’ustensiles de cuisine proposent leurs versions de pôeles écologiques. Sans PTFE* (polytétrafluoroéthylène), sans PFOA (acide perfluorooctanoïque d’ammonium), nouveau revêtement, réduction de CO2, caution ONG… Forcément, étant donné que notre travail chez Tout allant vert est de répérer des produits écolos pertinents… cela nous interpelle!
Est-ce une vraie révolution? En quoi ces nouvelles poêles sur le marché sont-elles écologiques? Le sont-elles vraiment? Quand on creuse le sujet, on s’aperçoit surtout que rien n’est révolutionnaire de fait, les modes de production n’ont pas changé, ni l’approvisionnement.
Alors que penser de ces nouvelles poêles estampillées écologiques que, désormais, tout le monde commercialise? Est-ce vraiment une nouveauté? Pour l’instant, nous avons décidé chez Tout allant vert de ne pas les référencer. Voilà pourquoi!
Les modes de fabrication ? L’approvisionnement?
Rien de neuf pour l’approvisionnement semble t-il. L’approvisionnement vient d’Asie pour une bonne partie (et le reste d’Italie pour d’autres gammes), vous verrez sur certaines marques, c’est bien écrit « Produit conçu et développé en France. » ou directement « Fabriqué en Chine » (faites un test en grande surface).
Le plus gênant n’est pas que cela soit fait en Asie (pour certains produits, l’Asie est quasi incontournable comme l’informatique ou l’électronique), c’est plutôt que ce n’est pas indiqué clairement par certains fabricants. Cela gâcherait ou relativeserait peut être en effet l’argumentaire « réduction de l’émission de CO2″ qui est avancé par quelques uns.
Les modes de fabrication ne semblent donc avoir guère évolués. Mais alors qu’ont-elles biens d’écolo ces poêles? (à part un aspect visuel très agréable et un packaging « vert » qui attire l’oeil).
Quand on y regarde de plus près, la communication porte essentiellement sur l’aspect sans PTFE, sans PFOA et si l’on zoome dessus, cela porte sur le revêtement de la poêle.
Une démarche cohérente?
Certaines entreprises proposent à côté de « ces poêles vertes » les fameux produits décriés comme mauvais pour la santé: PTFE, PFOA, revêtement Téflon … alors réel engagement, opportunisme ou anticipation?
Ainsi certaines entreprises ont dans leurs gammes la déclinaison totale : celles bonnes pour la santé … et celles « moins bonnes pour la santé ». Ce manque de cohérence nous choque. Un des fabricants d’ustensiles de cuisine propose:
Proposer une gamme allant de « meilleure pour la santé » … »à moins bon pour la santé », cela fait vis du client un peu, « avec ou sans toxiques »? Nous comprenons la stratégie commerciale qui est de diversifier l’offre. Mais en terme d’image, cela donne plutôt l’impression de surfer sur la vague verte par opportunisme et pas un réel vrai engagement des fabricants. Le changement ne se fait pas du jour au lendemain, certes… mais il y a une forte dissonance qui apparait au grand jour.
Première gamme de produits
Deuxième gamme de produits
Autre gamme de produits, tout cela sur le même site du fabricant.
Cautionnement ONG? Un plus ou un moins?
Pour l’une des ONG qui cautionne une de ces marques, cela peut être considéré comme une réussite, un pied dans la porte… comme qui dirait. Si cela arrive à provoquer un réel changement dans l’entreprise par ce soudain « manque de cohérence » ou que le succès escompté du partenariat permet par la suite d’aller plus loin…pourquoi pas?
Par contre, si l’ONG est utilisée comme « argument commercial » pour le lancement d’une gamme « supplémentaire » et que, de toute façon, le fabricant aurait lancé sa gamme avec ou sans cette ONG, on peut se poser des questions? En terme de communication, c’est clairement un avantage compétitif d’avoir le logo d’une ONG. Alors à mettre au regard de savoir si cette action a permis d’influencer le marché en poussant les concurrents à développer ce type d’offre? ou bien est ce que tous les fabricants allaient-ils faire quand même?
Au regard des informations que nous avons trouvé, ces poêles ne semblent pourtant pas se démarquer d’autres sur le marché.
Vrai engagement ou anticipation de la réglementation?
Aux Etats-Unis, le PFOA devrait être diminué d’ici 2010 pour être interdit en 2015. La fin du Téflon est prévue en 2015. selon la société Dupont, qui anticipe la décision de l’agence gouvernementale américaine l’EPA d’interdir le PFOA pour 2015. Alors réel engagement de nos fabricants ou simple anticipation de la réglementation?
La vraie révolution: le revêtement en céramique
Qu’en est il donc réellement de cette révolution « verte » criée sur tous les toits?… Poêle écologique… la façon de fabriquer, les matières premières pour l’ustensile, le colorant, le vernis, les processus de fabrication éco-efficaces?…. non en fait seul le revêtement a changé. C’est un revêtement à base de céramique. Des fournisseurs de revêtements (Weilburger, Thermolon, …) proposent désormais cette technologie à base de céramique. C’est donc accessible à tous et ne demande aucun changement dans sa façon de faire, faut juste changer de founisseur. De ce fait, tout le monde propose déja sa « poêle » plus verte!
Les avantages du revêtement céramique
La vrai révolution se trouve donc en fait dans le type de revêtement en céramique.
Ainsi selon un fabricant:
« Les PFOA sont une substance chimique utilisée dans le processus de fabrication des revêtements antiadhésifs traditionnels. Ils ne sont pas présents dans le produit fini et ne présentent donc aucun risque pour la santé du consommateur. Ces substances chimiques peuvent toutefois dégrader l’environnement ainsi que la santé des salariés lors du processus de fabrication. Les PFOA ne sont pas nécessaires dans la fabrication du nouveau revêtement en céramique. On dit parfois que si vous surchauffez par accident un revêtement antiadhésif traditionnel, les substances chimiques PTFE présentes dans le revêtement peuvent se disséminer dans l’air. Un revêtement en céramique ne contient pas de PTFE. »
Concernant un revêtement (le Céramica), selon un fabricant, la réduction de CO2 se fait grâce à l’application de nouveau revêtement qui nécessite une température moindre (200°c) à son application. Anne de Cap-Fémina, d’après ses sources nous indique cependant que « l’application de revêtement céramique sur des poêles [...peut cependant] impliquer de chauffer les fours à des températures beaucoup plus élevées que le revêtement classique ; » Bref, c’est donc bien ce revêtement qui fait toute la magie de l’aspect « écologique » (réduction de CO2) selon certains ou pas.
La magie des mots: De revêtement céramique à …. écologique… à revêtement céramique
Et hop, un petit coup de nouveau revêtement, et voilà! La poêle « écologique » est là. Et tous les fabricants de poêles traditionnelles communiquent maintenant sur leurs « poêles écologiques », enfin quand on y réfléchit… « poêles avec revêtements écologiques », en fait « revêtements plus sains », euh non… « revêtements sans PTFE, sans PFOA » et puis et finalement poêles « à revêtement à base de céramique ».
Le revêtement en céramique: une vraie nouveauté ou du plat réchauffé?
Exemple: ici on commercialise pourtant les mêmes produits avec la même technologie mais sans l’argumentation « écolo ».
Alors le revêtement en céramique, du « réchauffé » servi différemment?
Selon Anne, ces poêles à revêtement de céramique existent bien déja depuis plusieurs années. Et en effet, quand on regarde la communication de certains fabricants sur ce type d’ustensiles de cuisine, beaucoup communiquent avec « poêles à revêtement en céramique » (à ne pas confondre avec les poêles en céramiques, ce qui est complètement différent). D’autres font le choix de communiquer haut et fort avec les termes « poêles écologiques » ou « green », « vert »… Donc oui vous pouvez trouver les mêmes poêles avec les mêmes revêtements mais sans tout le marketing derrière…
Durée de vie de ce revêtement en question?
Autre question soulignée par Anne de Cap-Fémina, quid de la durée de vie de ces revêtements, qui seraient moins anti-adhérents (et donc nécessité de mettre plus de matières grasses) mais surtout dont la durée de vie serait aussi moindre:
« revêtement à base de céramique …matière minérale. Quand vous nettoyez votre poêle verte à l’eau, le revêtement à tendance à partir sur le long terme. La détérioration se fait plus vite, il est donc nécessaire de changer sa batterie de cuisine plus rapidement. Donc, vous consommez plus et polluez plus. »
En effet, sur ce nouveau type de poêle, la durée de vie du revêtement fait la durée de vie de la poêle.. Après, vous avez les mêmes risques de contamination des aliments qu’avec les ustensiles de cuisine traditionnels.
Ces informations semblent être confirmées par d’autres sources, qui indiquent que le revêtement partirait complètement après environ en moyenne 800 usages (de 1 à 3 ans en fonction de votre usage).
PTFE, PFOA versus nanoparticules céramiques?
Outre-atlantique (Etats-Unis, Canada), autre débat qui commence: il « serait » possible que des nanoparticules céramiques soient utilisées pour faire ce revêtement. Hors les nanoparticules sont encore sujets à débat en terme de santé.
Comme l’indique le blog de la Vie Verte: (traduction)
Il y a encore peu d’études toxicologiques sur les nanoparticules crées par l’homme mais il semble que les nanoparticules pourraient être plus toxiques que leurs équivalents plus grands issus du même composé, notamment à cause de leur mobilité et leur réactivité plus forte. C’est important [..] car ces nanoparticules peuvent facilement voyager dans le corps et passer le système immunitaire de notre corps. De taille de 70 nanomètres, les nanoparticules peuvent s’inscruster dans les tissues du poumon, à 50 nm elles peuvent aller dans les cellules. A 30nm elles peuvent passer la barrière du sang dans le cerveau.
L’utilisation des nanoparticules restent à démontrer. Pas d’éléments ne permettent d’affirmer aujourd’hui que les fabricants utilisent les nano-technologies. Alors évitons les conclusions hâtives. D’autant que plusieurs brevets américains montrent que différentes techniques existent en terme de revêtement céramique.
Cependant un communiqué issu d’un producteur de revêtement montre que l’utilisation des nano-particules comme alternatives au Téflon est bien envisagé et est en cours d’études (partenariat privé-public) par exemple au Danemark (Article en PDF ici ) donc il faut rester vigilant (tout en évitant de tomber dans la paranoïa).
Sur les blogs outre-atlantique, le débat fait déja rage notamment à propos du revêtement à base de céramique Thermolon: Jessicah de Plenty Magazine affirme que la technologie du Thermolon utilise des nanoparticules. Thermolon se défend et évoque une erreur marketing en ayant lancé son produit avec les mots: « ceramic-based hybrid polymer nano-composite non-stick technology » parce que cela faisait plus « high-tech » et « in » (repris sur tous les sites web et distributeurs, mis dans les communiqués de presse ici ).
Kristin Wiedermann, bloggueuse US, indique que Thermolon communiquait avec ces termes jusqu’à ce que la polémique éclate et conclut dans son article qu’il n’y a aucun moyen de vérifier la véracité des dires des industriels, notamment car aucune traçabilité n’est requise (à défaut d’une sorte de directive REACH pour les nanoparticules).
OK. De notre côté, nous pouvons le concevoir. Ce n’est pas la première fois que les spécialistes du marketing abusent de mots tendance comme par exemple « écologique », « développement durable ». Cela est tout à fait envisageable pour le mot « nano ». Laissons le bénéfice du doute et restons vigilants.
Les concurrents à la recherche de la petite bête: on en profite!
Des fabricants traditionnels de revêtement (pro-PTFE) se défendent à coup de communiqués. Ainsi Whitfort, fabricant américain pro-PTFE, nous fait profiter de ses informations. OK bon, on lit que pour eux le PTFE n’est pas dangereux… OK ca décrédibilise tout de suite. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Si on fait le tri, on y trouve des informations intéressantes:
- 1°) A une époque où le mot « nano » faisait tendance et innovant, ce fabricant reconnait déja la présence de nanoparticules chez ses concurrents… et alors? c’est pas les premiers et apparemment les revêtements traditionnels en utilisent déja et puis il y en a déja dans les peintures pour la maison ». Tout cela pour dire qu’eux aussi sont à la pointe! (et na! et gloups! pour nous). C’est tout une question de taille des particules.
- 2°) Le revêtement en céramique s’en va très vite (permettant l’aluminium ensuite de contaminer les aliments). Whitford constate des dommages après 11 cycles contre 60 à 65 cycles pour le revêtement traditionnel (après des tests en interne). Exagéré ou pas? dans tous les cas, Double info: le revêtement dans les deux cas s’en va! et c’est pire quand ca passe au lave-vaisselle, apparemment!
- 3°) Whitfort reproche d’utiliser le mot « eco », « bio », « green » car mot tendance. Sous-entendu que pour eux c’est du « greenwashing » (surtout au regard que ce n’est pas une nouveauté).
- 4°) En effet, les poêles sans PTFE ont toujours existé sur le marché mais ont été considérés comme des poêles de moindre qualité et moins chers, réservés à un usage particulier. Pour Whitford, si l’on fait comme un fabricant qui se dit « écolo », de nombreuses autres poêles peuvent avoir cette appellation « verte ». Pour Whitford, il faut comparer ce qui est comparable et notamment en terme de tenue et de qualité anti-adhésive, de résistance et durée de vie dans le temps. Alors les poêles traditionnels, certes sont pas parfaites selon Whitford mais elles ont une durée de vie plus longues. Il faut comparer à durée de vie égale.
Sur cette image, microphoto du revêtement après 11 cycles (test interne de Whitfort). Le revêtement s’écaille. Bon ils n’ont pas non pris de photo concernant leurs propres produits/revêtements pour comparer.
Dans ces aveux, on reconnait qu’il y a un truc pas clair à la fois dans les ustensiles PTFE/PFOA et ceux en revêtement en céramique à l’heure d’aujourd’hui.
Whitfort indique bien qu’il ne cherche pas à décrédibiliser le revêtement en céramique mais a souhaité simplement faire le point sur la technologie: avantages et inconvénients. D’ailleurs, l’entreprise reconnait les avantages du revêtement en céramique et qu’il planche même dessus en vue d’en produire une de meilleure qualité et avec une meilleure tenue. Ainsi il affirme que lorsque ce sera le cas, il la commercialisera. Une façon de dire qu’il reste toujours dans la course.
Sources: Fichiers PDF: GreenPan and all the noise about, 2007 ainsi que « If todays coating buzzwords confuse you, you are not alone »)
Conclusion
Dans le monde des ustensiles de cuisine, il est clair que se passer de PFOA et PTFE est une sacrée avancée.
Plus sains sur la partie PFOA/PTFE, aujourd’hui rien cependant ne permet d’affirmer que ces produits sont totalement sans risques sur le long terme (à défaut de recul, comme avec le téléphone portable). Il faut se rappeler une époque où le « Téflon » était considéré un matériau révolutionnaire. Tout le monde s’en faisait une joie. La vigilance reste de mise.
Ne jetons pas non plus immédiatement le discrédit sur le revêtement en céramique qui selon Whitford pourrait être amélioré. Ici, le débat porte plutôt sur la communication qui est faite autour de ces poêles et leur réel valeur ajoutée sur le marché. Ainsi nous découvrons qu’au final, ces poêles ne sont pas si nouvelles que cela et que certains la vendent déja (sans tout l’argumentaire et la communication sur l’aspect vert).
Autre point : la durée de vie des ces produits? Si c’est pour s’en racheter chaque année? Quelle pertinence en terme écologique? L’analyse doit être globale (et rappelons le, seul une analyse de cycle de vie/éco-conception le permet) et non pas partielle!
Le principe de précaution nous invite non pas à l’inaction (comme certains le croit) mais à faire plus d’études sur ces sujets (le vrai principe de précaution est un principe d’action): c’est à dire plus de recherches, plus d’études toxicologiques, éco-toxicologiques, sur la santé et toujours plus d’innovations!…
Le débat ne doit pas à se résumer « ancienne technologie » qui est clairement plus nocive versus « une nouvelle technologie » qui a fait table rase des problèmes précédents. Il faut également veiller à ce que ces nouvelles technologies n’apportent pas avec elles de nouveaux problèmes.
Que faire? Jessica A. Knoblauch dans son article de 2008, pour elle, les valeurs sûres restent les ustensiles de cuisine en fonte (d’ailleurs c’est ce que nous avons retenu) ou en verre (avec quelques précautions!). . Rien à signaler sur le revêtement inox. Si vous craquez quand même, achetez au moins en connaissance de cause, pesez les plus et les moins. Chaque type d’ustensile a ses avantages / inconvénients (poids, encombrement, fonctionnalités) et est plus moins adapté à un type de cuisson (rapide, longue, etc…). Un bon point de départ pour bien comparer ces poêles serait de savoir le nombre de lavages avant que le revêtement se retire…
Voilà, nous avons livré le travail de nos recherches sur le sujet, d’après les informations que nous avons pu trouvé. Maintenant vous en savez plus sur ces ustensiles de cuisine beaux et « écolos »? (à vous de le décider!) Achetez en connaissance de cause et surtout restez vigilants.
N’hésitez pas à faire parvenir vos informations, à contribuer au débat, n’hésitez pas à réagir. Nous sommes preneurs d’informations et de touts éléments, qui puissent être constructifs et améliorer les connaissances sur le sujet.
Plus d’informations,
- Le PFOA sur Wikipedia
- Le PTFE sur Wikipédia
- Article d’Anne de Cap-Fémina: Les poêles vertes?
- Conseils du Ministère Canadien pour l’achat de batteries de cuisine en français
Articles en anglais (Derrière Greepan, c’est la technologie Thermoflon qui est discuté)
- Communiqué ACCOAT en anglais: Les céramiques pour dégager le Téflon des poêles? (Février 2009)
- La vie verte: Safety in cookware: PTFE vs nano-ceramic coatings?
- Is Greenpan cookware really green? Plenty Magazine 09/2008
- Is Greenpan safe alternative to toxic Teflon?
- Is Greenpan Cookware safe or not?