USA, 2009
Réalisation: Kathryn Bigelow
Scénario: Mark Boal
Avec: Jeremy Renner, Anthony Mackie, Brian Geraghty
Résumé: Irak, de nos jours. Le sergent machin intègre une unité spécialisée dans le déminage. Véritable tête brûlée dopée à l’adrénaline, il ne tarde pas à s’attirer les foudres de ses deux coéquipiers qui n’apprécient guère ses prises de risques inconsidérés. Bon an mal an, les trois hommes finissent tout de même petit à petit par apprendre à se faire confiance, dans un pays ou la mort peut surgir à chaque instant…
Kathryn Bigelow. Un nom quasi inconnu pour le spectateur moyen, mais célébré par une bonne tranche de la communauté cinéphile. Car l’ex femme de James Cameron, si elle a pratiquement disparu des écrans depuis quelques années, n’en est pas moins la réalisatrice des excellents Point Break, Aux Frontières de l’Aube, et surtout Strange Days, l’un des meilleurs films de science fiction des années 90. Alors voir la plus burnée des réalisatrices américaines s’attaquer pour son grand retour au sujet épineux de la guerre en Irak laissait présager du meilleur. Et le résultat est à la hauteur de l’attente, The Hurt Locker s’avérant ni plus ni moins que le meilleur film jamais réalisé sur le conflit irakien.
Rarement film de guerre n’aura en effet été aussi immersif et proche de ses personnages. On vit littéralement aux côtés de ces trois soldats, on tremble avec eux, on rit et pleure à leurs côtés, grâce à un style sur le vif ici totalement cohérent et maitrisé (non, Bigelow n’utilise pas la camera à l’épaule pour suivre la mode). Dans The Hurt Locker, chaque sortie en dehors du camp est une aventure hasardeuse au cours de laquelle on risque de laisser sa peau, chaque personne croisée peut sortir un téléphone ou une arme à feu pour déclencher une bombe, le corps d’un enfant peut être rempli de plastic. La tension est permanente et Bigelow ne relâche jamais la pression. Comme ces trois soldats, on en vient à scruter le décor pour découvrir un ennemi potentiel, à se demander s’il faut presser la gâchette ou non, à sursauter au moindre mouvement suspect. Les scènes de déminage sont impressionnantes de réalisme et toutes différentes, et certains passages feront date (le déminage de la voiture, la découverte des bombes « en étoile » enfouies dans le sable). En milieu de film, la réalisatrice se permet même de réaliser la meilleure scène de duel de snipers jamais projetée sur un écran de cinéma (même Jean-Jacques Annaud n’a pas fait aussi bien avec Stalingrad). Une scène âpre et réaliste, dans laquelle le spectateur ressent physiquement les longues heures que les personnages passent allongés à se guetter, où chaque coup de feu échangé est à la fois une possible délivrance et un danger mortel, où les quelques secondes passées à recharger le fusil semblent être des heures. Du très grand art.
Mais The Hurt Locker est avant tout un film sur des hommes. Des soldats dont on ne saura finalement que peu de chose sur la vie en dehors de la guerre. Seule une émouvante scène de beuverie (oui, une scène de beuverie peut s’avérer émouvante) viendra apporter un léger éclairage sur leur vie de civils et leurs espoirs. Ces trois hommes, parfaitement incarnés par des acteurs peu connus, ne se définissent que par leur rapport à leur mission. Le jeune bleu Owen Eldridge (Brian Geraghty) est rongé par le fait d’avoir hésité à presser la gâchette et ainsi entrainé la mort de son supérieur, et ne rêve que de repartir du front. Le sergent JT Sanborn (Anthony Mackie) est un soldat expérimenté et prudent, qui fait passer la sécurité de son équipe avant tout et a bien du mal à s’accommoder de la présence du sergent James (une scène le montre d’ailleurs hésitant à éliminer celui-ci pour le bien de l’unité). Quand au dernier protagoniste, il s’agit donc du sergent William James (Jeremy Renner), un homme incapable de vivre en dehors du champ de bataille (son retour à la vie civile à la fin du film est un fiasco). Sur le terrain, c’est une tête brûlée dopée à l’adrénaline, mais aussi un héros ayant désamorcé plusieurs centaines d’engins explosifs, et il est incapable d’abandonner ce job qui donne un sens à son existence. Au travers de ce personnage, Bigelow pose la question toujours pertinente et d’actualité de la réintégration à la vie civile de ces hommes faits pour le champ de bataille. Une thématique qui n’est pas sans rappeler celle du récent John Rambo.
Seul petit bémol néanmoins, le film finit par légèrement s’enliser sur la dernière demi-heure, celle-ci s’avérant peut-être un peu trop longue. Mais il s’agit d’une scorie qui n’enlève rien aux qualités de ce film exceptionnel. Kathryn Bigelow est de retour et elle frappe très fort. Vivement la suite !