Le Portrait de Dorian Gray - Oscar Wilde
Le Livre de Poche - 288 pages.
"Au centre de la pièce, fixé à un chevalet droit, se dressait le portrait en pied d'un jeune homme d'une extraordinaire beauté physique, devant lequel, à peu de distance, se tenait assis le
peintre lui-même, Basil Hallward, celui dont, il y quelques années, la disparition soudaine a, sur le moment, tant ému le public et donné lieu à d'étranges conjectures."
Or Dorian Gray, jeune dandy séducteur et mondain, a fait ce voeu insensé : garder toujours l'éclat de sa beauté, tandis que le visage peint sur la toile assumerait le fardeau de ses passions et
de ses péchés. Et de fait, seul vieillit le portrait où se peint l'âme noire de Dorian qui, bien plus tard, dira au peintre : "Chacun de nous porte en soi le ciel et l'enfer."
Et ce livre lui-même est double : il nous conduit dans un Londres lugubre et louche, noyé dans le brouillard et les vapeurs d'opium, mais nous ouvre également la comédie de salon des beaux
quartiers. Lorsqu'il parut, en 1890, il fut considéré comme immoral. Mais sa singularité, bien plutôt, est d'être un roman réaliste, tout ensemble, et un roman d'esthète - fascinants, l'un et
l'autre, d'une étrangeté qui touche au fantastique.
Lorsque Le Portrait de Dorian Gray est publié en 1890, le roman choque par son immoralité. Il dresse en effet le portrait d'êtres individualistes sans aucune morale ni compassion.
"Parce que influencer une personne, c'est lui imposer son âme." (page 59).
"Mais l'homme le plus brave d'entre nous a peur de lui-même." (page 60).
"Il sentait que le temps était vraiment venu de faire son choix. Ou bien l'avait-il déjà fait ? Oui, la vie avait décidé pour lui, la vie et la curiosité infinie qu'il ressentait pour elle.
Jeunesse éternelle, passions sans fin, plaisirs subtils et secrets, joies insensées, péchés plus insensés encore : tout cela serait à lui. C'était le portrait qui porterait le fardeau de la
honte, voilà tout." (page 153).
Le tableau permet à Dorian Gray d'être face à lui-même, de se voir tel qu'il est réellement. Il est le reflet de la noirceur de son âme, de son être.
Ce roman à la fois fantastique et philosophique critique l'hypocrisie de la société victorienne, le culte de l'individualisme, l'égoïsme.
"La société, du moins la société civilisée, répugne à croire ce qui pourrait porter préjudice à quiconque est riche et fascinant. Elle sent d'instinct que les manières ont plus d'importance
que les moeurs, et, selon elle, il vaut beaucoup mieux disposer d'un bon cuisinier que d'une morale à toute épreuve." (page 192).
Le bien comme le mal est en chacun de nous. Libre à chacun de choisir sa propre voie.
"Les livres que le monde appelle immoraux sont les livres qui lui montrent sa propre honte." (page 270).
Un roman à méditer !