Poursuivons notre réflexion entamée vendredi soir sur la « République ». Il va de soi qu'une France réconciliée avec sa république aurait besoin d'une nouvelle devise, l'actuelle (Liberté, Égalité, Fraternité), dévoyée, ne semblant plus inspirer un dessein à la France du XXIe siècle.
La Liberté est la seule des trois valeurs de l'actuelle devise républicaine qui ne souffre aucune discussion. Fruit d'un processus plus de vingt fois séculaire, allant de la cité grecque et du droit romain aux révolutions issues des Lumières, en passant par le christianisme et ses Réformes, luthérienne, calviniste et tridentine, la liberté individuelle est l'acquis le plus précieux de la civilisation occidentale. Sa vocation universelle, son invocation par tous les mouvements d'émancipation sous les dictatures du Tiers-Monde, justifient qu'elle continue à être proclamée comme la valeur première d'une démocratie libérale digne de ce nom. Elle doit même être réaffirmée sur les plans économique (la social-démocratie, fiscalement spoliatrice, étant liberticide à cet égard), intellectuel (les lois « mémorielles » liberticides, et toutes les lois visant à lutter contre les prétendues « phobies », doivent être abrogées sans ménagement), et spirituel (les persécutions contre les catholiques, en France, doivent être combattues ; à l'inverse, les prétentions de l'islam à faire fi de la laïcité dite « républicaine » doivent se voir opposer un refus sans appel).
La liberté étant égale pour tous les individus, elle comprend donc l'égalité, si l'on entend par celle-ci l'égalité en droit d'individus libres. La notion impossible à objectiver d'« égalité des chances » doit être abandonnée : sujette à l'interprétation arbitraire du pouvoir politique, elle conduit, de fait, ce dernier à privilégier une catégorie de la population par rapport à une autre, sous prétexte de compenser par ce biais une inégalité de départ. Elle introduit de plus une inégalité entre ceux qui savent profiter des failles du système de redistribution sociale et ceux qui ne le savent pas. Cette inégalité, au contraire de celles fondées sur le talent, le travail et le mérite, est illégitime. La définition beaucoup trop élargie donnée à l'égalité justifie qu'elle soit rayée des frontons des édifices publics. En effet, la liberté suffisant à garantir l'égalité, sa mention sur les bâtiments de l'État est, au mieux, redondante. Au pire, et c'est ce qui se passe, elle occasionne une inégalité entre les fonctionnaires, élus, leurs clientèles, et les autres, asservis au nom de l'égalité.
Quant à la « fraternité », proclamée lors de la Révolution de 1848 et l'instauration de la Deuxième République, elle est une non-valeur, politiquement s'entend. Ce n'est pas à l'État, ni à ses dépendances, d'assurer la fraternité entre les hommes. Toutes ses tentatives pour assurer le « vivre-ensemble » (comme la loi dite « SRU » portant obligation aux communes de France d'accueillir 20 % de logements sociaux sur leur territoire) se retournent contre la volonté du législateur. Si la fraternité, et sa version contemporaine, la solidarité, sont choses désirables, et louables, elles ne font pas une politique. Lorsqu'elles sont imposées par la contrainte étatique, outre qu'elles suppriment ces dispositions naturelles chez les individus, elles les dressent les uns contre les autres, en les forçant à vivre avec ceux qu'ils n'ont pas choisis.
Aux valeurs dévoyées de l'égalité et de la fraternité, doivent se substituer celles de la Justice et du Progrès, toutes deux étant indissociables de l'exigence de liberté.
La Justice, c'est la garantie pour l'individu d'être protégé dans son intégrité et sa propriété, et que toute atteinte à celles-ci est réprimée très sévèrement par l'État. Comme la liberté, dont celle des uns s'arrête là où commence celle des autres, la justice doit être restreinte à la définition donnée plus haut. La notion douteuse de « justice sociale », impossible à objectiver, doit être abandonnée. Spolier un individu d'une partie excessive du fruit de son travail pour le donner à un autre, moins talentueux, moins travailleur, moins méritant, n'est pas juste, mais injuste.
Le Progrès, intellectuel, scientifique, technologique et humain, accaparé par de prétendus progressistes qui sont en réalité réactionnaires, doit être réapproprié par ses authentiques défenseurs. La crise de civilisation que traverse l'Occident depuis plusieurs décennies ne doit pas être imputée au progrès, ni même au progressisme vrai. Elle est la manifestation d'une régression de la civilisation occidentale en-deçà des valeurs qui la fondent. Aussi n'est-il d'aucun secours de se complaire comme certains dans la délectation morbide sur les « ravages de la modernité » ou les « affres du progrès ». Il est au contraire temps pour les hommes de bonne volonté qui savent bien que l'ordre, la sécurité ainsi que la perpétuation des acquis du passé ne sont en rien incompatibles avec la projection dans l'avenir, mieux, qu'ils en forment la condition, de renouer avec la tradition humaniste qui avait naguère placé sa foi dans le progrès.
Roman Bernard