Après avoir surfé sur une popularité impressionnante, Barack Obama se retrouve confronté à plusieurs difficultés en interne et sur la scène extérieure.
Délits d’Opinion a rencontré Pierre Toullec, Président de l’Association des Amis du Parti Républicain, qui était intervenu durant la campagne1
Délits d’Opinion : La cote de popularité de Barack Obama s’affaiblit et le mois d’août fut particulièrement rude avec notamment de nombreuses critiques sur la forme et sur le fond. Peut-on parler, 9 mois après son arrivée au pouvoir, de la fin de l’état de grâce et de l’Obamania ?
Pierre TOULLEC : Non on ne peut pas parler de la fin de l’état de grâce du Président Obama aujourd’hui. Cet « état de grâce» s’est terminé dès les cent premiers jours. Trois décisions fondamentales ont créé une première désaffection avec l’opinion : la fermeture de la base de Guantanamo Bay, le plan de relance de 787 milliards de dollars et la mise en place d’un budget fédéral avec un déficit s’élevant à 12,9% du PIB Américain. Rappelons que dans l’Union Européenne, si un État membre dépasse 3% de déficit, Bruxelles est censée mettre ce pays sous tutelle budgétaire.
Ces trois premières décisions fortement impopulaires n’ont pas directement entaché sa popularité. Cependant, elles ont « consommé» le « droit à l’erreur» que les Américains étaient prêts à lui accorder. Dès lors, le lancement d’autres politiques fortement impopulaires a entamé sa popularité. Il est trop tôt pour dire si cela va durer. Il est à noter que Barack Obama est aujourd’hui bien trop impopulaire seulement neuf mois après son arrivée au pouvoir. Le Président Bush n’a atteint le faible chiffre de 50% d’Américains le soutenant que vers la fin de l’année 2003. Et depuis trente ans, aucun président n’a connu une telle chute de confiance en aussi peu de temps. Pire, Barack Obama conserve toujours le soutien de tout juste 50% de ses concitoyens.
Mais ses politiques sont, elles, impopulaires. Une majorité d’Américains ne croient pas à ses mesures pour lutter contre la crise, s’opposent à la fermeture de Guantanamo, et seuls 40% d’entre eux soutiennent aujourd’hui son projet de réforme de santé.
Aujourd’hui, les Américains restent attachés à la personnalité de Barack Obama mais s’opposent à sa politique. Ceci crée un cap important d’environ 10% des électeurs qui apprécient le Président mais qui ne soutiennent pas ses réformes.
Délits d’Opinion : Le début de mandat de Barack Obama a été marqué par de nombreuses tentatives de réformes tous azimuts. En outre, son omniprésence dans les médias comprends selon les analystess un risque de saturation de l’opinion : ne risque-t’il pas de s’éparpiller et trouvez-vous, à ce niveau, la comparaison avec Nicolas Sarkozy pertinente ?
Pierre TOULLEC : Les raisons de sa chute dans l’opinion sont diverses, mais il n’est pas réellement possible de la comparer à celle de Nicolas Sarkozy. Certes, Barack Obama a voulu se lancer sur nombre de sujets en même temps. Cependant, ce n’est pas le nombre de réformes qui gênent. C’est plutôt la nature de ces réformes. De manière générale, les Etats-Unis sont un pays de centre-droit. Et l’opinion a montré clairement une volonté de rester dans ces politiques de centre-droit mises en place au cours des vingt-cinq dernières années.
Ainsi, la politique de Barack Obama est directement mise en cause. Les réformes ne reçoivent le soutien que d’une minorité de la population. Dans le même temps, sa personnalité reste appréciée. A l’inverse, en France, les politiques mises en place par Nicolas Sarkozy restent populaires. En revanche, son comportement et sa personnalité, en particulier au début de son mandat, ont très rapidement déplu à l’opinion Française. La comparaison entre leurs deux mandats n’est donc pas réellement pertinente.
Délits d’Opinion : Certaines de ces réformes concernent des domaines particulièrement capitaux de la politique américaine : la nouvelle vision de la politique étrangère, la fermeture de Guantanamo, la mise en place d’une couverture santé… Comment l’opinion publique américaine a-t-elle accueilli la volonté d’Obama de s’attaquer à des symboles aussi forts ?
Pierre TOULLEC : L’opinion publique souhaitait qu’un nouveau président s’attaque à ces sujets. Le problème pour Barack Obama est qu’il a fait une campagne 2008 moins à gauche qu’il ne l’est réellement. Il y a quelques jours, un journal Américain affirmait que le problème du Président était qu’il s’était fait élire comme un Républicain de centre droit qui pratique une politique de gauche dure.
Le fait que Barack Obama se soit attaqué à ces sujets a donc été pris positivement par les Américains. Cependant, lorsqu’ils ont vu ce que la Maison Blanche leur proposait, ils ont rapidement déchanté.
Délits d’Opinion : Élu avec l’aide notamment des jeunes, des afro-américains et des latino-américains, Barack Obama bénéficie-t-il toujours dans ces catégories de la population d’un soutien ou s’est-il coupé de sa base électorale depuis son arrivée à la Maison Blanche ?
Pierre TOULLEC : On peut dire sans trop de risques de se tromper que la plus forte base électorale de Barack Obama lui est restée fidèle. Pour les jeunes et les Afro-Américains, la surprise n’est pas de taille. De manière générale, « la jeunesse» resta plus favorable à la gauche, la majorité des citoyens de tous pays passant progressivement à droite avec l’âge. Winston Churchill avait résumé ce phénomène d’une phrase satirique et très polémique, « Si à vingt ans vous n’êtes pas de gauche, vous n’avez pas de coeur. Si à quarante vous n’êtes pas de droite, vous n’avez pas de cerveau.» C’est une tendance que l’on peut remarquer aussi bien en France qu’aux Etats-Unis.
Pour les Afro-Américains, il s’agit ici d’une tendance historique. Jusque dans les années 1930, le Parti Démocrate continuait à favoriser une politique favorable au retour de l’esclavage. Puis, jusque dans les années 1970 – 1980, cette population fut majoritairement de droite en conséquences de la politique d’apartheid promue par les élus de gauche. Ainsi, Martin Luther King était un affilié Républicain et c’est le gouverneur Démocrate de Géorgie qui l’a envoyé en prison. Aujourd’hui, les Afro-Américains sont clairement ancrés à gauche. Ceux-ci resteront ancrés dans le camp Démocrate pour les prochaines années.
Enfin, les Latinos-Américains sont une population clairement conservatrice. Cependant, Barack Obama a su faire les bons gestes pour s’attirer leurs bonnes faveurs. En particulier, en nommant Sonia Sotomayor à la Cour Suprême des Etats-Unis, il savait que les Républicains seraient dans l’obligation de s’opposer d’une manière unie à sa candidature. Sonia Sotomayor est en effet elle-même une femme radicalement engagée et dévouée à la gauche dure. Mais leur opposition, bien que construite et structurée, a été très mal perçue par les Latino-Américains.
Propos recueillis par Olivier