Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI, a reproché aux dirigeants du G20 le manque de clarté sur leur stratégies de sortie de crise, et la lenteur de la mise en œuvre d'une régulation de la finance mondiale. Christine Lagarde, présente à une réunion préparatoire du prochain G20 avec ses collègues occidentaux, a souri sur LCI: elle aussi pense que la régulation est urgente. Un peu plus tôt dans la journée, elle s'était exclamée: "Haro sur les bonus". Un cri symbolique, mais vain et surjoué.
Echec en avril
En avril dernier, Nicolas Sarkozy n'avait pas de mots assez forts pour souligner le succès de son action auprès de ses collègues du G20 à Londres. A l'écouter à l'époque, la chose était faite, réglée, sauvée. La régulation des paradis fiscaux et autres excès de la finance mondiale allait enfin être mise en œuvre. Six mois plus tard, le constat d'échec est saisissant.
Nicolas Sarkozy fait semblant de reprendre son bâton de pèlerin.
Les divergences franco-américaines
Si l'on observe avec un peu d'attention les divergences franco-américaines, on réalise assez facilement que la position française est loin d'être si louable et responsable. on nous présente assez complaisamment un président français, fidèlement secondé par la chancelière allemande, qui veut enfin débarrasser le monde des excès de rémunérations des traders. Les Etats Unis de Barack Obama n'auraient pas le courage d'assumer la décision nécessaire de plafonner les bonus bancaires. La réalité est tout autre.
En France, Nicolas Sarkozy sur-joue l'indignation contre les bonus annoncés de quelques-uns de ses amis. En fait, il n'a d'abord demandé aucun plafonnement de bonus, ni de revenus, même pour des établissements bancaires. Les recommandations françaises - nous l'avons déjà dit sur ce blog - ne sont qu'inspirées de celles de la FSA britannique... avec 15 jours de retard pour cause de congés présidentiels.
Ensuite, la récente enquête de Laurent Mauduit, publiée par Marianne le 29 août dernier, montraient combien les relations entre Michel Pébereau et le président français étaient étroites. Le patron de BNP-Paribas est un proche conseiller de l'ombre du Monarque de l'Elysée. Concernant les bonus, Sarkozy agite un chiffon rouge. Les traders, comme les paradis fiscaux, sont de parfaits boucs-émissaires de la crise économique. Par ailleurs, Sarkozy tente également de faire croire que la France agit quasiment seule contre tous et que l'administration Obama n'aurait pas le cran de le suivre.
En fait, dès son entrée en fonction, le président américain est allé bien plus loin que Sarkozy en décidant de plafonner à 500.000 dollars la rémunération annuelle des dirigeants d'entreprises renflouées par les pouvoirs publics. Pour mémoire, François Pérol, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy nommé à la tête des banques populaires et des Caisses d'Epargne, deux établissements aidés par l'Etat, touche 530 000 euros par an. En mars, la Chambre des représentants a voté la taxation à 90% certains bonus des entreprises aidées par l'Etat. Mais le Sénat a reporté l'examen du texte.
Effectivement, Obama lutte aussi contre ses propres lobbies nationaux pour imposer une réglementation sur les bonus ou la régulation boursière. Récemment, le Congrès américain a accordé une faible latitude au Président Obama pour franchement plafonner les bonus. Enfin, les Américains défendent l'instauration de règles prudentielles plus fortes, comme par exemple le niveau de fonds propres qu'un établissement doit avoir en regard de ses dettes.
Le compromis du G20 Finances
Finalement, les ministres des Finances du G20 réunis samedi 5 septembre à Londres sont parvenus à un compromis : "Nous continuerons à mettre en oeuvre avec détermination nos mesures de soutien financier et nos politiques budgétaires et monétaires expansionnistes, (...) jusqu'à ce que la reprise soit assurée". Ils ont notamment émis une recommandation collective pour davantage de transparence dans le calcul des bonus, et un étalement de leur versement. Ils ont promis également "d'explorer les approches possibles d'une limitation du bonus en relation avec le risque et les performances de long terme".
Ce compromis est exactement ce que Sarkozy, quoiqu'il en dira plus tard, souhaitait. Lors de son dernier "coup de gueule", le 25 août dernier devant des représentants du secteur bancaire, le président français ne s'est pas engagé sur un plafonnement des bonus. Il a juste évoqué qu'il pourrait aller jusqu'à le demander lors du prochain G20.