Je me suis livré ce samedi à une comparaison des premières pages de Libération et du Figaro. Le premier de ces quotidiens titre « Taxe carbone : Ça chauffe à droite », sur une photo montrant face à François Fillon, notre Président, dans une de ses attitudes favorites, celle du Grand Sachant, l’index levé. Le second journal a choisi d’écrire : « Taxe carbone : Sarkozy déterminé à convaincre les Français».
Il faut reconnaître que ces titres sont l’un et l’autre exacts. Mais il faut également constater qu’ils résultent de visions faites à travers des lunettes bien différentes. Libération illustre son propos avec une photo montrant notre Président semblant sermonner son Premier Ministre. Le journal a l’honnêteté de préciser l’origine de cette photo, prise en mai de cette année. Le rédacteur de ce titre a cédé au plaisir de rapprocher carbone et chauffage, ce qui fait que ce titre n’est pas aussi exact que je l’affirmais un peu plus haut. En effet, si Nicolas Sarkozy vient une fois de plus de contredire François Fillon, celui-ci s’est empressé d’affirmer sans honte que leur accord était parfait. Il nous démontre ainsi la souplesse de son échine et la minceur de son pouvoir. Si quelque chose s’est réchauffé, c’est l’amour que se portent les deux têtes de l’exécutif.
Le titre du Figaro s’emploie à célébrer l’excellence de notre Président. C’est un homme déterminé, qui parle vrai, toujours haut et fort, aussi bien au G 20 que devant Poutine ou Kadhafi, et qui n’impose jamais rien. Son seul but dans l’existence est de convaincre et il sait déployer toute son énergie au service des Français. Gloire à lui au plus profond des cieux !
Cette présence obsédante des titres, qu’il convient de maintenir aussi brefs et percutants que possible, a des conséquences fort dommageables. Lorsque nos gouvernements en viendront à mettre en place une contribution sur l’eau, appellera-t-on celle-ci la taxe oxygène ? Certainement pas. Pourquoi donc n’avoir pas appelé la taxe dont on débat actuellement taxe gaz carbonique ? Le carbone se présentant sous forme de graphite ou de diamant, s’agirait-il plutôt de lever une contribution pour doter tous les écoliers de France de crayons ou bien veut-on taxer la détention de diamants ?
Cessons de plaisanter. Je relève dans l’argumentation qui préside à l’instauration de cette contribution une contradiction flagrante. L’objectif est d’inciter les Français à changer de comportement. Sa mise en place entraînant mécaniquement une hausse des prix, on prétend protéger les plus faibles pour que ceci soit indolore. Ce n’est pas conséquent. Parlons brut : pour que les gens changent, il faut que cette taxe fasse mal. On nous garantit veiller à ce qu’elle ne fasse pas mal. Résultat : les gens ne changeront pas et elle ne sert à rien, sinon à augmenter un peu les rentrées fiscales.