Un dimanche matin tu te lèves, il fait beau, peut être une dernière fois avant longtemps.
Alors, tu cherches des asics de compet', ton short, ton tee shirt, et surtout ton soutien gorge de compet', parce que t'as très envie de courir vite, et donc tu ne veux pas entendre parler de tes oeufs aux plats.
Tu sors, les Fratellis à fond dans les écouteurs. Tu cours vite. Au bout de 3 minutes, ton corps est passé de 37° à 45°. C'est bon. Tu accélères.
Allègrement, tu cours sans te soucier de rien. Tu enchaines les foulées sur le bitume, et tu commences à dépasser tous les coureurs que tu apercevais au loin. C'est bon.
Tu croises sur le parvis de la grande bibliothèque trois femmes en tenue de course. Elles sont à l'arrêt, et elles discutent. Peut être sont elles en train de décider de leur itinéraire. Mais tu sais qu'elle ne vont pas courir très vite, parce qu'elle ont des longs pantalons de jogging moletonné, avec des gros sweat shirts moletonnés. Tu sais que tu ne peux pas courir comme ça avec un si grand soleil. A moins de kiffer le hamam. En un clin d'oeil, elles sont loin derrière.
Une avenue à l'ombre. Tu sais que tu peux accelérer sans passer à une température corporelle de 56°, alors tu fonces. Tu te sens des ailes. Tu es fière de toi. Tu trippes courir. C'est bon.
Et c'est à ce moment là, juste quand tu te sens aussi forte que Leonardo sur la proue du Titanic... que tu vois du mouvement rouge sur ton rétroviseur interne gauche.
C'est un homme. En un clin d'oeil, il t'a dépassée, toi et tes ailes di Caprio. Ce qui te scie, c'est qu'il n'a même pas l'air de courir. Il est tellement fluide, qu'on dirait qu'il marche, tranquilou. Déjà 50 mètres d'avance sur toi.
Piquée au vif que tu es, tu accélères. Mais ton cerveau à déjà calculé tout seul la formule mathématique qui te prouve que tu ne pourras jamais le rattrapper. 150 mètres d'avance. Mais c'est pas possible, il marche sur l'air.
Plus rien n'existe, que l'homme en rouge qui court devant toi. Il devient de plus en plus petit.
Tu te dis que s'il tombe sur un feu rouge, tu pourras peut être lui grapiller quelques mètres. Mais non. Les petits piétons verts s'allument à sa commande.
Tes poumons sont en feu. Déjà, tu ne le vois plus. Il est trop loin. Tu abandonnes. T'as la rage. Tu ne baisses pas l'allure pour autant. C'est bon.
La déception rouge est de courte durée, parce que sur ta droite, le long du quai où tu cours, il y a un yacht de plaisance, l'Orca. Et tu cours sur la berge aussi vite que lui glisse sur l'eau. Tes ailes reviennent, et tu vois le clin d'oeil de di Caprio qui t'encourage dans ta tête.
Tu dépasses le yacht. Tu n'y connais rien en marine, mais tu te dis qu'il doit être à 20 noeuds parce que ça sonne bien, et que tu viens de le dépasser. C'est bon. Le rouge n'est plus ton souci.
T'es sur le chemin du retour, t'as bien couru, t'es presque arrivée. Et là, tu repasses devant le bâtiment T4 de la grande bibliothèque. Tes lèvres sont sèches comme le désert. Et pourtant, intérieurement, tu éclates de rire. Les trois coureuses en jogging moletonné sont encore là, au même endroit. Toujours aussi fraiches et sèches. 40 minutes après ton premier passage. Mais lol.
Lol. Ce sera ta pensée de fin, pendant le rituel du sprint final, à la Bolt. C'était bon.
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