Les contrastes étaient presque harmonieux...
Au quotidien…
Déwo fut la dernière convive à arriver sur les lieux de l’invitation. Là, il y avait une telle sérénité chez certains convives autour de leur premier repas du jour, que Déwo abrégea les salutations d’usage pour ne pas troubler l’instant.
Le jeûne de ces convives les avait séparés des autres, qui eux, étaient installés dans le jardin.
Debbo quitta discrètement les « suiveurs de Dieu », leur quiétude et le salon où l’odeur de la soupe semblait se mêler à celle du Paradis.
Elle pénétra dans le jardin. Il n’y avait aucune odeur de l’Enfer. Il y avait juste des braises dont les étincelles pétillaient sur le visage du beau jeune homme de 70 ans dont on fêtait l'anniversaire.
Pour une fois celui qui aimait faire des surprises a été surpris et pris dans les mailles du filet de sa fille de 11 ans et de son épouse, qui voulaient lui faire une surprise. L’épouse, une peule du Fuuta Toro à l’allure d’un peuplier de la forêt de Fontainebleau où elle redoute toujours de se perdre, était secondée par sa cousine, ses deux belles-sœurs et une voisine blonde dont le bronzage en ces temps ensoleillés, pourrait leur faire concurrence. Toutes s’étaient mobilisées pour marquer ce teddungal d’un soir.
Sous l'étreinte d'une dame « au ventre et au cœur propres », soucieuse du sort de l’humain, Déwo eut sincèrement du mal à l’imaginer en Enfer plus tard.
Les jeunes dansaient sur la musique de Michael Jackson. L’ambiance était si endiablée que certains adultes n’hésitèrent pas à mêler leurs pas de wango à ceux magiques du roi de la pop.
La musique, assourdissante, masqua une discussion entre un philosophe et une amérindienne qui soulignait les failles de notre monde.
La voix d’un écrivain voulant faire croire que la musique traditionnelle de son Fuuta inconnue était meilleure que celle de Michael Jackson, s’y noya.
Quelqu’un invita à danser la militante dont une grimace dédaigneuse transformait le visage. Il voulait sans doute la distraire de l’information relayée partout concernant son président de pays qui aurait dépensé une somme scandaleuse pour ses vacances. Elle fait mieux de se défouler, car elle aura encore de quoi s’indigner sur ceux dont on dit « ko kessi mum kadi kiidi mum haaleede » (leurs agissements du moment empêchent de relater leurs agissements précédents.)
Si la musique empêcha l’homme du soir d’entendre Déwo lui souhaiter de « vivre encore longtemps jusqu’à bercer dans ses bras, les futurs enfants de sa fille », elle éloigna ce dernier de la discussion entre ceux qui, dans leur culture, vénèrent la vieillesse, et ceux que ce mot fait frémir comme s’ils écoutaient une certaine chanson sur LES VIEUX.
Il continua de profiter de son moment de bonheur tout en couvrant de prévention et de tendresse une veuve de son ami dans sa réserve digne.
Ayant négligé d’appliquer le dicton : « ko fadataama fof faddum » (tout ce qui ne t’attend pas, attends-le), Déwo manqua le dernier train.
C’est ainsi qu’un couple ami qu’elle n’avait pas revu depuis longtemps se proposa de la ramener. Déwo se gêna de déranger ces amis qui évitent de fréquenter Paris et ses environs, préférant leur tranquille campagne.
Sur le chemin, elle insista pour que le couple vienne un de ces jours déjeuner chez elle. Le couple usa de la même insistance pour ne pas l’entendre. Comme pour dire que leur acte était sincère et ne demandait pas de contrepartie.
Même si par son invitation, Déwo voulait simplement leur « rendre » à son tour le teddungal.
Pouvaient – ils seulement mesurer ce que leur geste désintéressé représentait aux yeux de Dewo ?
Cette fois, Déwo ne scruta pas comme d’habitude la route bordée par la forêt, pour y surprendre une biche ou un sanglier. Elle écouta le couple évoquer les douceurs de la province et des villages de France. Des villages médiévaux, classés parfois patrimoine mondiale de l’humanité, qui lui firent un peu oublier ceux du Fouta si défigurés aujourd’hui.
*** Avant de repartir, une jeune cousine toujours généreuse, avait encore une fois chargé Déwo de délicieux mets, qui la changeront des siens faits à la va vite.
Safi
Teddungal : Geste généreux et chaleureux envers quelqu’un