Suppression du juge d'instruction

Publié le 05 septembre 2009 par Patjol
Le Président de la République l'ayant demandé, la commission Léger préconise de supprimer la fonction de juge d'instruction dans son pré-rapport.
Rappelons ce qu'est un juge d'instruction : C'est un magistrat qui ne juge pas. Il instruit les enquêtes les plus importantes (5 % des enquêtes), c'est-à-dire qu'il dirige et oriente l'enquête des policiers ou gendarmes. Il constitue donc le dossier qui servira de base au jugement à venir. Mais il prend aussi des décisions sur la situation des personnes concernées par l'enquête (liberté plus ou moins totale, détention provisoire, ...) et plus globalement sur tout ce qui peut porter atteinte à leurs libertés individuelles (perquisitions, écoutes téléphoniques, ...).
La direction qui avait été prise jusque-là pour corriger cette trop grande responsabilité reposant sur une personne était de faire prendre les décisions par 3 juges au lieu d'un. La collégialité de l'instruction, c'était l'intention d'une loi de 1985, qui n'a jamais été appliquée, puis d'une loi récente qui tirait les leçons du désastre judiciaire d'Outreau.
Mais c'est une solution plus radicale qui semble finalement choisie : La suppression de la fonction de juge d'instruction. Il resterait alors un juge de l'enquête et des libertés qui prendrait les décisions relatives à la liberté des personnes mises en cause, mais l'enquête à charge et à décharge serait confiée au parquet, donc à d'autres magistrats.
La défense bénéficierait de droits accurs : rôle plus important de l'avocat lors de la garde à vue, période qui se retrouve d'ailleurs réduite à six heures pour tous les délits passibles de moins d'un an de prison, limitation de la détention provisoire (enfin ! Ca, c'est vraiment une bonne chose)
Jusque là, tout va bien. Ca ne me pose aucun problème, cette solution ayant largement montré sa viabilité et même sa pertinence dans de grandes démocraties. Mais là où il y a un problème, c'est que le juge d'instruction est un magistrat indépendant. C'est un magistrat qu'on dit "du siège", et il ne relève pas hiérarchiquement du ministère de la Justice, donc du pouvoir politique. Et pour certaines affaires impliquant des élus, de hauts fonctionnaires ou des responsables de grandes entreprises, cette indépendance est indispensable à la conduite d'une véritable enquête à charge et à décharge.
Or, a priori rien n'est prévu pour assurer une telle indépendance aux membres du parquet qui seront chargé d'instruire des enquêtes. Ce n'est pas la première fois que cette voie est sérieusement envisagée en France. En 1987, par exemple, la commission Delmas-Marty a préconisé la suppression du juge d'instruction et son remplacement par le parquet pour conduire les enquêtes. Mais ils posaient en préalable la condition de renforcer les garanties statutaires de l'indépendance du parquet. C'est à mon avis une condition essentielle à la réalisation de cette réforme, au moins pour les affaires politico-financières.
L'avenir nous dira quelle solution est retenue. Pour l'instant, la réforme n'est pas tranchée dans les détails.