USA, 2009
Réalisation: Judd Apatow
Scenario: Judd Apatow
Avec: Adam Sandler, Seth Rogen, Leslie Mann, Eric Bana, Jonah Hill, Jason Schwartzman
Résumé: Comique renommé, George Simmons (Adam Sandler) mène apparemment une vie de rêve: il possède une gigantesque maison à Los Angeles, couche avec toutes les femmes qu’il désire, ses films cartonnent… Mais le jour où son médecin lui apprend qu’il est atteint d’une forme très rare de leucémie quasi incurable, George s’aperçoit qu’il n’a peut-être pas fait les meilleurs choix dans la vie. Il décide donc de recontacter son amour de jeunesse, Laura (Leslie Mann), tout en revenant aux spectacles d’improvisation qui ont fait sa renommée. C’est au cours d’une de ces improvisations qu’il rencontre Ira Wright (Seth Rogen), un jeune homme bien décidé à percer dans le métier. Convaincu du potentiel d’Ira, et afin de tromper sa solitude, George le prend comme assistant.
Roi de la nouvelle vague comique américaine, producteur et scénariste de génie, Judd Apatow est aussi un très bon réalisateur, comme il l’a déjà prouvé en livrant les excellents 40 Ans, toujours Puceau et En Cloque, Mode d’Emploi. Deux ans après son dernier essai, sort enfin son nouveau bébé en tant que réalisateur, Funny People. Avec ce troisième opus, Apatow continue sa dissection de la psyché masculine, sujet sur lequel il excelle. Apres les premiers émois sexuels dans 40 Ans toujours Puceau et le stress de la paternité dans En Cloque Mode d’Emploi, il s’attaque cette fois-ci logiquement à la crise de la quarantaine. Et comme toujours, il choisit d’aborder son sujet à travers un personnage d’ado attardé refusant de vieillir, personnifié cette fois par Adam Sandler. Tous deux s’étaient déjà croisés à de nombreuses reprises, notamment lorsqu’Apatow avait écrit l’excellent Rien que pour vos Cheveux pour Sandler, mais c’est la première fois que le réalisateur dirige le comédien. Et il lui offre un très beau rôle, peut-être le meilleur de sa carrière. Dans la peau de cette star solitaire et égoïste cherchant quelqu’un à qui se raccrocher alors qu’il a repoussé tous ses proches, Sandler est excellent et fait montre d’une très grande justesse de jeu. De quoi faire taire tous ses détracteurs ne voyant en lui qu’un comique lourdingue star de comédies américaines débiles. A ce propos, le film se permet une hilarante mise en abime de la carrière de Sandler, son alter ego George Simmons s’étant comme lui fourvoyé dans quelques gros navets bien puants (on appréciera au passage les cameos d’Owen Wilson ou Justin Long, dans les extraits ou sur les affiches des films en question). Aux côtés de Sandler, on retrouve l’acteur fétiche d’Apatow, le génial Seth Rogen, dans son rôle habituel de bon copain pas finaud mais avec un cœur d’or. Mais encore une fois, le réalisateur a la bonne idée de jouer de cette image (Ira base la plupart de ses sketches sur le fait qu’il n’est qu’un mec banal) et proposer un personnage beaucoup plus fouillé qu’il n’y parait, sorte de Jiminy Cricket humain de George Simmons. Autour d’eux gravitent aussi énormément d’acteurs de la sphère Apatow : Jonah Hill, Jason Shwatzman (excellent en acteur raté star d’une sitcom ringarde), Leslie Mann… Une solide troupe complétée par la présence d’Eric Bana, inattendue dans ce genre de film, qui n’hésite pas à tourner en dérision ses origines australiennes.
Encore plus que les deux précédentes réalisations d’Apatow, Funny People propose des personnages extrêmement crédible et humains, qu’il est difficile de lâcher une fois le film terminé. George Simmons reste quasiment jusqu’à la fin du film un sale égoïste ne pensant qu’à son propre bonheur en se fichant totalement des conséquences de ses actes sur la vie des personnes qui l’entourent. Il se sert d’Ira et le jette lorsque celui-ci tente de l’empêcher de commettre une erreur irréparable, il séduit son ex petite amie au mépris de la vie de famille de celle-ci, il refuse d’annoncer sa guérison pour conserver l’affection des gens, bref, il ne pense qu’à lui. Mais étonnamment, on ne peut s’empêcher de se prendre petit à petit d’affection pour lui et de le prendre en pitié. Et c’est ça toute la magie du film, réussir, grâce à son rythme volontairement lent et à ses petites scènes anodines (le job basique d’Ira, le diner de Thanksgiving qui rappellera certainement des souvenirs à de nombreuses personnes, les retrouvailles entre George et sa sœur…) à nous émouvoir et nous donner envie de faire ce voyage avec ces personnages. Seule la partie romantique est légèrement ratée et arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, mais on saura gré à Apatow de ne pas être tombé dans la facilite consistant à faire du personnage d’Eric Bana un immonde salaud pour justifier la romance entre Leslie Mann et Adam Sandler.
Néanmoins, Funny People risque fort de diviser les fans d’Apatow. Car si le film réserve quelques moments hilarants et de franche rigolade (la scène chez le médecin, les scènes impliquant Johan Hill et Jason Schwartzman, la baston entre Sandler et Bana), ainsi que des scènes d’impro géniales, force est de constater que le film est plus une comédie douce amère qu’une grosse déconnade bien grasse. Le spectateur s’attendant à éclater de rire toutes les deux minutes en sera donc pour ses frais, mais celui qui se laissera prendre au jeu passera deux heures d’émotion.
Avec Funny People, Judd Apatow livre une œuvre très intime, peut-être son film le plus personnel, au risque de s’aliéner une partie du public. Mais les personnes acceptant de partager le voyage avec cette troupe d’acteurs formidables ne le regretteront pas…