« L’orthographe, disent ceux qui n’en ont pas, est la science des imbéciles. Ça tombe bien, j’en suis un. »
J'emprunte cette citation à Pakounta, commentateur régulier du Pélicastre jouisseur. Un autre commentateur, Guillaume, chez Fromage Plus, écrivait que « l’orthographe est peut-être la science des ânes, mais d’ânes qui ont au moins celle-là et qui, s’astreignant à ses règles, respectent leurs lecteurs. »
« Respect ». Un terme dont Maxime Zjelinski me disait hier qu'il est aussi dévoyé que « citoyen » ou « République ». Les racailles de banlieue ne cessent de le revendiquer à leur seul profit, ce que les policiers sont sommés d'accepter par leur ministre de tutelle, trop heureux de pouvoir se refaire ainsi une virginité politique.
Dans le même temps, l'homologue de Brice Hortefeux au ministère de l'Éducation nationale, Luc Chatel, n'a pas cru devoir « respecter » les journalistes. Il leur a remis un dossier de presse truffé de fautes. Lesquels journalistes, s'ils s'amusent des erreurs de ce ministre qui réduit la qualité de l'éducation au prix des fournitures scolaires de rentrée, ne croient pas davantage devoir « respecter » leurs lecteurs en relisant leurs articles publiés sur papier ou sur écran. Au bout de la chaîne de l'irrespect de l'orthographe, une victime muette puisque n'ayant plus personne pour la défendre: la langue française.
Puisque l'orthographe est la « science des imbéciles », « des ânes », pourquoi, tout simplement, ne pas la réformer ? De nous demander François de Closets, partisan de l'euthanasie des vieilles personnes et des langues mortes. Comme je suis nul en orthographe tout en écrivant bien, nous dit M. de Closets, je vois pas pourquoi je devrais la respecter.
Et de proposer une réforme de l'orthographe, qui devrait réussir le tour de force de libérer le français de la tyrannie de l'Académie française, grâce à... une réforme venue d'en haut, ignorant tout de l'ordre spontané qui a fait que, sans autorité étatique, avec le temps, s'est imposé un consensus sur les règles de l'orthographe, que l'Académie française n'a fait qu'avaliser. Libérer la langue française, oui, mais sans elle, et si nécessaire contre elle. Bien sûr, les mots utilisés pour justifier cette « réforme » sont rassurants : il ne s'agit que d'harmoniser une langue écrite dont les exceptions sont plus nombreuses que les règles. Mais il y a tout lieu de penser que les réformateurs auto-proclamés de la langue française ne soient pas aussi sincères que ceux-ci, qui eux proposent une réforme « par le bas » :
La lang françèz apartièn à çeu qi la parle é si çeu qi la parle adopte une manière sinple de l'écrire é la propaje, çètte norme s'inpozera d'èlle-mème. L'administrasion, le sistème d'éducasion et la soçiété en jénéral devron s'ajusté.
Pluto qe d'atendre vènemen é pasivemen une "réformète" parçièl de l'ortograf inpozé par une qelqonqe otorité, prenon possession de notre lang, en nou-z apuiyan sur une norme sinple é présize qi s'apren en 15 minute.
Écrivé fonolojiqeman dè mintenan, non par ignorançe ou néglijençe, mè parçe qe vou conèssé la nouvèl façon d'écrire le françè, la norme Ortograf.
Voilà ce à quoi certains réformateurs voudraient que la langue française ressemble.
Si les MM. de Closets ne sont pas aussi nihilistes que ceux-là, ils mettront le doigt dans un engrenage qu'il leur sera difficile d'arrêter. Si l'orthographe change trop souvent, et qu'elle est décidée par une autorité étatique illégitime, le consensus sur ses règles sera brisé, laissant chacun seul juge de sa fantaisie orthographique. Pour avoir voulu faciliter la communication, la réforme de l'orthographe la compliquera.
Là où l'ordre auto-organisé, polycentrique, avait été source de consensus, l'ordre vertical, monopolistique, est facteur de chaos. Là où la libre communication des hommes permet leur bonne entente, la recherche obsessionnelle de la bonne loi pour les faire vivre ensemble aura tôt fait de les jeter les uns contre les autres. Il y aurait beaucoup de leçons politiques à tirer des vertus de l'ordre auto-organisé cher à Arendt et Hayek, des leçons qui iraient dans le sens d'une plus grande libéralisation.
Une libéralisation qui ne serait, en fait, qu'un aveu d'humilité par ses promoteurs.
Plutôt que de prétendre réussir à élaborer l'orthographe idéale dans le cadre d'un aréopage de vieux sages sujets comme les autres hommes à l'erreur, mieux vaut laisser les interactions des individus déterminer, au cours du temps, la bonne orthographe.
Roman Bernard
LES COMMENTAIRES (2)
posté le 15 septembre à 07:38
Bravo pour le texte plein de bon sens. Je pense que c'est "l'usage" dans le temps qui fait une langue... orale.Pour ce qui est del'écrit, il y a des règles à observer pour lui garder sa beauté, sa spécificté.
Au moment où la langue française est mise à mal, comme les langues régionales qui, souvent en sont l'essence, il serait bon que l'on soit un peu plus respectueux envers Elles., en cette semaine du Patrimoine.
Pour en revenir à l'auteur du livre, je dis souvent, du fait du nombre de livres dans lesquels il a fait "passer" un vent de réformes : lorsque j'entends parler François de CLOSETS j'ai envie de "tirer la chasse-d'eau"...
posté le 15 septembre à 07:36
Bravo pour le texte plein de bon sens. Je pense que c'est "l'usage" dans le temps qui fait une langue... orale.Pour ce qui est del'écrit, il y a des règles à observer pour lui garder sa beauté, sa spécificté.
Au moment où la langue française est mise à mal, comme les langues régionales qui, souvent en sont l'essence, il serait bon que l'on soit un peu plus respectueux envers Elles., en cette semaine du Patrimoine.
Pour en revenir à l'auteur du livre, je dis souvent, du fait du nombre de livres dans lesquels il a fait "passer" un vent de réformes : lorsque j'entends parler François de CLOSETS j'ai envie de "tirer la chasse-d'eau"...