Je me permet de reproduire cet edito du Monde de ce soir car il dit en peu de mots l’essentiel sur le PS et sur l’enjeu des prochaines semaines”
“C’est une scène prise sur le vif à l’université d’été du Parti socialiste à La Rochelle, samedi 29 août. Devant les militants, un haut responsable du parti évoque la question des inégalités “redevenue déterminante”. Il réclame “pour les plus hauts revenus la création d’une tranche supérieure d’impôt sur le revenu”.
Celui qui parle est ancien ministre du budget, ancien premier ministre, ancien ministre de l’économie et des finances. En matière de chiffres, sa parole est d’or. En outre, le contexte le sert : en pleine crise économique, voir les bonus des traders exploser énerve forcément.
Mais voilà qu’un militant l’interpelle et casse son effet : “Comment peut-on dire cela, maintenant, de façon crédible, alors que, lorsque la gauche était au pouvoir et toi notamment au ministère de l’économie, nous avons fait le contraire en baissant les impôts ?” L’interpellé - Laurent Fabius - a beau se justifier, il a perdu son auditoire.
A partir de quand la parole d’un homme politique commence-t-elle à se dévaluer : lorsqu’il a trop duré, trop parlé, trop agi ou agi dans trop de directions différentes ? La question n’est pas anodine. Elle est au coeur du processus de rénovation, maladroitement entamé par Ségolène Royal en 2007, repris aujourd’hui par Martine Aubry pour tenter de redonner au Parti socialiste l’attractivité qu’il avait à ses débuts.
Les analystes qui auscultent régulièrement le fonctionnement du principal parti d’opposition ont diagnostiqué depuis 2002 une triple crise : de projet, de leadership et d’alliances. Ils n’ont peut-être pas suffisamment insisté sur un autre aspect important : l’écart entre le dire et le faire, les mots et la pratique. Pendant la campagne présidentielle, le message de Nicolas Sarkozy - ode au travail, exaltation de l’ambition individuelle, prime à l’audace - collait au personnage. C’était du Sarkozy 100 %. Le candidat incarnait son projet. Il était authentique.
Lorsqu’on écoute Daniel Cohn-Bendit, ex-leader de Mai 68, défendre ses convictions écologiques, on retrouve cette même cohérence : en quarante et un ans, le discours de “Dany le Rouge” a verdi mais son rapport au politique, sa façon d’en faire sont restés conformes au personnage. Il n’a pas vieilli. Au PS, un fossé s’est creusé entre les beaux discours - parité, égalité, renouvellement, changement - et les réflexes quasi pavloviens de conservation du pouvoir.
L’élu socialiste a perdu de sa fraîcheur. Il ressemble de plus en plus à un professionnel de la politique, avec défense des acquis, préservation des mandats, discours de circonstance et volonté de durer coûte que coûte. Pour toutes ces raisons, la limitation du cumul des mandats voulue par la première secrétaire est la mère des batailles, une façon radicale de renouveler les têtes, les discours, les réflexes. Les élus l’ont compris, ils freinent des quatre fers.
Bon courage Martine !
Courriel : fressoz@lemonde.fr. Françoise Fressoz