Depuis 2008, la France multiplie les mesures et communications relatives à la gouvernance de l’internet. S’appuyant sur le concept de « souveraineté numérique », plusieurs pistes de réflexions ont été engagées pour permettre à la France de garantir la maîtrise de ses réseaux et systèmes d’informations par des moyens techniques, politiques et organisationnels.
Au sens large, la gouvernance peut être entendue comme un ensemble de transactions par lesquelles des règles collectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en œuvre et contrôlées. La Gouvernance de l’internet implique immédiatement une idée qui serait de donner au cyberespace – réseau sans frontière d’envergure mondiale – une ou plusieurs autorités régulatrices.
Il n’existe pas aujourd’hui un mais une foule de paradigmes de gouvernance ayant une action efficace sur la Toile. La traduction de cette affirmation implique l’idée de multirégulation qui est au cœur de la démarche française d’encadrement de la Société de l’information depuis 1998. En effet, cette démarche axée sur la diversité donne une mission régulatrice à l’ensemble des acteurs de l’internet. Ainsi, la gouvernance de l’internet ou e-gouvernance concerne-t-elle aussi bien l’ICANN pour la gestion des noms de domaines, les récentes tentatives onusiennes pour donner une voie plus juste au développement de la Société de l’information dans le monde, les juges créateurs de normes au travers de leurs jurisprudences, les Etats, mais également les communautés d’acteurs du cyberespace qui défendent l’idée de liberté attaché au réseau.
La notion de gouvernance confrontée à la réalité du cyberespace est donc amputée d’une partie conséquente de sa substance tant il apparaît qu’une gouvernance unique et de dimension purement politique ou institutionnelle est impossible.
Reste donc à donner une légitimité, une direction ou une raison d’être à cette gouvernance dont le bras agissant se révèle être la multirégulation.
C’est ainsi que 10 ans après la parution de la réflexion du Conseil d’Etat « Internet et les réseaux numériques » qui lançait la piste de la multirégulation, la France a choisi de se doter d’un Livre Blanc sur la Sécurité et la Défense Nationale, document notamment à l’origine de l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI). Cette Agence, créée par le décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009 et qui vise à prévenir et lutter contre les cyber-menaces a notamment pour mission de :
- détecter et réagir au plus tôt en cas d’attaque informatique, grâce à un centre de détection chargé de la surveillance permanente des réseaux sensibles et de la mise en œuvre de mécanismes de défense adaptés aux attaques ;
- prévenir la menace : l’agence contribuera au développement d’une offre de produits de très haute sécurité ainsi que de produits et services de confiance pour les administrations et les acteurs économiques ;
- jouer un rôle de conseil et de soutien aux administrations et aux opérateurs d’importance vitale ;
- informer régulièrement le public sur les menaces : le site Internet gouvernemental de la sécurité informatique, lancé en 2008 par le SGDN, sera développé pour devenir le portail Internet de référence en matière de sécurité des systèmes d’informations
En 2008 toujours, le Gouvernement Français a décidé la création d’un Secrétariat d’Etat à l’Economie Numérique chargé de fixer les standards et les politiques à destination de la Toile toute en créant des partenariats public-privé dans lesquels une place importante est donnée aux industries du logiciel et des matériels informatiques.
Cette nouvelle impulsion régulatrice s’inscrit dans un cadre global à plusieurs échelons. Ainsi, la « souveraineté numérique » lancée comme objectif prioritaire par la France n’aura-t-elle vocation à voir le jour que dans une concertation mondiale dont le premier échelon sera bien entendu l’Europe.
A ce titre, observons que le Parlement Européen vient de voter une résolution envisageant la tenue d’un Forum sur la Gouvernance de l’Internet local en lien direct avec le Forum de l’Internet organisé sous l’égide de l’ONU au niveau international.
Si la voie de la multirégulation au niveau international apparaît aujourd’hui comme la seule voie de régulation possible pour le cyberespace, il convient de ne pas oublier que l’histoire récente a montré que les méthodes de régulation, globales notamment, peuvent être en crise elles-mêmes : soit qu’elles deviennent vite dépassées par l’évolution du contexte, soit que les responsables défendent des objectifs ou interprétations divergeant – comme pour la crise actuelle des politiques d’environnement -, ou lorsque les méthodes d’appréciation des risques sont défectueuses, faute d’information adéquate ; ou encore que la coordination des interventions est difficile.
Pour réduire les risques d’échec des méthodes de régulation, les acteurs du Web ont spontanément développé des pratiques d’autorégulation comme des codes de bonne conduite, des labels, des systèmes d’audit et de notation, souvent en association avec les régulateurs officiels. La place de l’autorégulation s’accroît sans cesse au même rythme que la responsabilisation nécessaire des acteurs du Web. Toutefois, pour être efficace, cette autorégulation doit être associée à des règles publiques claires qui en précisent l’orientation générale formant ainsi le concept de multirégulation.
En définitive, le concept de « souveraineté numérique » s’inscrit dans un besoin toujours plus pressant d’innovations conceptuelles et opérationnelles en vue de parvenir à une régulation efficace du cyberespace. Au cœur de cette problématique reste figée la problématique de définition d’une doctrine d’un ordre public global, de la création de processus d’interactions politiques et d’information susceptibles d’entretenir un consensus international. Or, dans ce contexte, un rapide aperçu de la situation mondiale permet laisse supposer que les solutions politiques, juridiques ou économiques aux difficultés de gouvernance de l’internet n’en sont qu’à leur début.
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Sources :
- Domaine Info, Arnaud GARRIGUES « La souveraineté numérique : un modèle Française de gouvernance de l’internet » ; www.domainesinfo.fr
- Conseil d’Etat, « Internet et les réseaux numériques », 1998, la Documentation Française.
- Stéphane ASTIER, « Vers une régulation éthique de l’internet », 2004, Thèse disponible à la Faculté de Limoges.
- Site de l’ANSSI : http://www.ssi.gouv.fr/site_rubrique7.html
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