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Avec un peu de retard sur la France, sort la semaine prochaine sur les écrans allemands le docu-autobiographique de la cinéaste octogénaire. Agnès y raconte Varda. Loin de toute auto-célébration, la cinéaste signe avec “Les plages d’Agnès” un documentaire fantaisiste et touchant. 60 ans de vie artistique tracée dans le sillon de la Nouvelle vague, entre la mer du Nord, le port de Sète et la rue Daguerre. A l’occasion de la sortie du film, le cinéma Arsenal lui consacre une rétrospective exhaustive jusqu’à la fin du mois. Et accueille Agnès Varda ce soir, demain et dimanche à la fin des projections qui lui seront consacrées (Les plages d'Agnès ce soir, Pointe Rouge et Cléo de 5 à 7 demain, Documenteur et sans toit ni loi dimanche). Courez-y! “Peut-on reconstituer quelqu’un?” s’interroge Varda à l’aube de ses 80 balais. Oui, mais façon puzzle alors. Dans “Les plages d’Agnès” (“Die Strände von Agnès”), qui a reçu le César du meilleur documentaire, la cinéaste (Cléo de 5 à 7, Les glaneurs et la glaneuse, Sans toit ni loi...) se lance à sa propre poursuite, suivant les méandres d’une mémoire diffractée et vagabonde.Les plages servent de fil d’Ariane pour remonter la mémoire. Depuis celles de l’enfance, en Belgique, jusqu’aux plages de Noirmoutiers qu’elle a tant arpentées avec Demy, en passant par celles de Sète ou de la Californie période hippie. Son film débute ainsi, face à la mer et cheveux au vent mauvais du Nord. Sur le sable elle installe des dizaines de miroirs où son image se reflète, une fois, deux fois, dix fois, toujours changeante. Tel cette boule à facettes, son film dessine le parcours d’une femme de son siècle trop à l’étroit dans les cases, tour à tour féministe, photographe, cinéaste, documentariste, amoureuse des gens et de l’art. Née Arlette, dans une maison bourgeoise de Bruxelles, elle débarque dans le port de Sète, pendant la guerre, avec un bateau pour maison. A 18 ans, elle se rebaptise Agnès. Deuxième vie de voyageuse et photographe, d’étudiante en arts et de pêcheuse en mer, de cinéaste enfin. Agnès Varda sera de la Nouvelle vague et du cinéma d’auteur aux côtés de Godard, Truffaut, et Demy, le compagnon de toujours. Pour reconstituer le fil de sa mémoire qui ne flanche toujours pas, Varda déploie toute sa palette artistique. Collage, photographie, peinture, bricolent l’échafaudage d’une vie passée à explorer les genres et les formes, à côtoyer les petites gens et les artistes. Sur ces plages mémorielles on croise des marins et Jim Morrisson, les commerçants de la rue Daguerre et Godard, les veuves de Noirmoutiers et Gérard Philippe, ses enfants et ses chats. La balade se veut fantaisiste, tracée au gré des associations d’idées et des jeux de mots et nous jubilons à l’idée d’être embarqués dans la barque de cette vieille dame curieuse et fantasque qui n’a plus le cœur à se prendre au sérieux. Depuis le ventre d’une baleine géante reconstituée sur une plage de Sète, elle nous raconte ses rêves en technicolor. Tiens la voilà en bateau de pêche sur la Seine, devant la tour Eiffel. Puis au milieu de trapézistes plagistes. Ou à parler avec un Chris Marker transformé en chat de dessin animé. Pas encline à la nostalgie, elle évoque pourtant la douleur de vivre entourée de tant de morts. Demy, bien sûr, mais aussi, Jean Vilar, Truffaut, Noiret, Gérard Philippe. Varda verse une larme sur eux mais reprend vite le cours de ses facéties. La voilà qui encombre le 14e arrondissement de sable. Sur les pavés, la plage! Agnès s’amuse et nous réjouit. On sort de son film attendri et joyeux en se promettant d’aller arpenter son œuvre, comme on a si joliment feuilleté sa vie.
Jusqu'à la fin du mois 40 films, courts, longs, docus, vidéos.... Toute l'oeuvre de Varda à voir à l'Arsenal, au rez-de-chaussée du Musée du film, au Sony Center.