Magazine Photos
(...)
Je serais assis devant un feu de cheminée dévidant et filant. À côté, ma femme, lirait encore un livre ou quelque chose comme ça. J’aurais dans les mains une tasse de café - et sur les genoux, un chat.
En touillant mon café, je remuerais mes souvenirs.
Je penserais à ma première fois. Je penserais à Léna.
Ma femme me demanderait tu es là ? Tu penses à quoi ?
Je lui dirais je pense à toi. Elle ferait semblant de me croire.
Je repenserais au placard, aux persiennes ; au père de Léna dansant le cha-cha-cha et à la serviette trop courte de Manuella.
Pour avoir la paix, je lui dirais je monte je suis fatigué.
— D’accord, mais n’oublie pas tes cachets.
Je répondrais par un jeu de mot pas drôle. Par une blague de vieux :
— Où sont cachés mes cachets ?
Elle m’offrirait un léger sourire, pour me faire plaisir, en soupirant oh la la toi on te changera pas.
Je monterais dans notre chambre. M’allongerais sur le lit. Je fixerais le plafond. Les yeux dans le rétroviseur, je redévisagerais mes souvenirs. Les inoubliables. Les indélébiles. Ceux qu’on porte chaque jour. Ceux qui laissent des traces, des cicatrices. Ceux qui démangent comme des boutons de moustique. Ou qui réchauffent le cœur, et qu’on utilise comme des bouillottes, les soirs où il fait trop froid.
— ...
Ma femme m’appellerait d’en bas pour me demander une énième chose sans intérêt. Je ferais semblant de dormir et ne lui répondrais pas. À un moment donné, je…
— T’as l’air étrange, me dit brusquement Manon.
— Moi ?
(...)