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Comment élucider le poète, surtout lorsqu'il s'appelle Arthur Rimbaud ? Salah Stétié s'attelle à cette tâche impossible dans Rimbaud d'Aden. Pour approcher au plus près le poète, il prend un chemin détourné, celui du lieu. Michon parle du fils, Stétié de l'Aden, ce désert de l'exil pour l'homme qui tourne définitivement le dos à la poésie. Et c'est précisément dans cet envers que Stétié éclaire l'oeuvre de Rimbaud. Ce petit livre interroge le poète, relie la soif d'absolu du jeune homme de dix-sept ans, son échec et le désir "d'étreindre la réalité rugueuse".
Stétié, poétiquement, souligne que celui qui ne fait plus de littérature parle de celui qui en a fait:
"Il est, ce désert, paradoxal trop-plein qui tenta notre Rimbaud d'Aden, quêteur d'essence par excellence et qui, après l' avoir souvent rêvé et convoité, en fit l'irrécusable lieu/formule, le substitut de son poème et l renversement de son dit puis, le moment venu, l'instrument de sa passion et de sa mort." (p.33)
Une approche brève d'un écrivain sans partage. Ce qu'il nous dit de Rimbaud reste une leçon pour ceux qui le suivent et le suivront. Stétié n'oppose pas les deux périodes de la vie de Rimbaud, ne renvoie pas dos à dos le poète et le réaliste. Il montre au contraire à quel point ces deux "phases" ne sont que l'envers et l'endroit d'un même désir et d'un même échec. Après la poésie, le désert et le mouvement incessant du voyage: "il est là pour se déshabiller d'un rêve". (p.15)
Rimbaud d'Aden, Salah Stétié, Fata Morgana, 2004