La rentrée de l'eau publique à Cognac

Publié le 04 septembre 2009 par Pierre-Alain Dorange
Le comité de défense des Services Publics de Cognac a publié sur son blog un résumé de la procédure judiciaire qu'ils avaient intenté au SIEAAC de Cognac pour ne pas avoir respecté les procédures de sélection du délégataire fin 2007 pour la gestion de l'eau et de l'assainissement.
Après 1 an et demi de procédure, le tribunal administratif a débouté le comité mais aussi la société Véolia. Une sorte de match nul...
A lire sur le blog du comité pour les détails.

Puisque l'on parle de l'eau et du SIEAAC, l'actualité estivale du sujet avance un peu.

Rapport Annuel de Véolia
Le SIEAAC a publié son rapport annuel, qui reprend celui de Véolia.
Cette année Véolia annonce un déficit important de 162 517 euros, alors que le compte prévisionnel prévoyait un équilibre ! Que s'est-il passé ?


historique des volumes d'eau
prélevés, traités et vendus à Cognac.
Outre le fait que les comptes des délégataires, malgré un encadrement comptable précis, restent souvent très flous : les actions sous traitées à des filiales ne font pas partie des éventuelles recettes et restent dissimulées, il semble, au vu des chiffres, que cette perte provienne d'une baisse de la consommation totale (-100 000 m3, soit -6%). Or impossible à partir de ce document de déterminer d'où provient la baisse de consommation, en effet cette année il n'est donné dans le rapport aucun détail sur la répartition. Les années précédentes, les consommations étaient détaillées pour les usages domestiques, collectifs, municipaux et industriels... Cette année avec une baisse pourtant importante, aucun détail ou presque. Il ne reste plus que "domestiques et assimilés" et "autres"... C'est la catégorie "autres" qui enregistre la baisse (voir graphique)...
A coté on s'aperçoit que le rendement est à nouveau en baisse, ce qui induit malgré une baisse de la consommation, une hausse des volumes prélevés (+9%). Cette hausse provient des fuites sur le réseau et de la consommation propre de Véolia au niveau de l'usine de traitement, ceci induit une hausse des coûts de traitement et d'énergie consommée.

Selon le bilan publié (consultable au bureau du SIEAAC à la mairie de Châteaubernard) on note des variations non expliquées (manque de détails) et non prévues au bilan prévisionnel :
  • +24% sur la rubrique engins (achat d'un engin non prévu ?)
  • +34% pour le personnel (plus de personnel que prévu, avec pourtant moins d'activité ?)
  • +19% sur la rubrique télécommunications
  • +135% sur la rubrique analyses et contrôles !?
Tout ceci mis bout à bout amène une perte sur l'exercice 2008 de 64 949 euros pour l'eau et 97 568 euros pour l'assainissement.
Bien sur on ne trouve rien de très probant dans ces rapports pour expliquer réellement quoi que ce soit, juste des pistes :
  • diminution du volume facturé (économie des Cognaçais et/ou perte d'un gros client industriel ?) (-6%)
  • hausse du volume prélevé, donc traité (+9%), dû à une baisse du rendement
  • forte hausse des analyses (sans raison)
  • hausse des frais de personnel (sans raison)
  • hausse des télécommunications et de l'informatique (sans raison)
  • hausse des énergies (+18%), dont une part est due à la baisse de rendement
  • hausse des produits de traitements (+8%), dû à la baisse de rendement
Il en ressort que ce déficit n'est dû qu'en partie à la baisse de la consommation dont l'origine n'est pas déterminée, il conviendra à nos élus de bien surveiller cette situation et de bien analyser plus en profondeur afin de pouvoir répondre aux éventuelles demandes d'avenants de la part de Véolia.
Sur les aspects techniques les choses n'évoluent guère puisque presque tout est resté dans l'état de l'audit de 2006 :
  • pas de protection des puits de captage (rien depuis 2004)
  • cartographie très incomplète (une évolution est notée cette année)
  • maillage du réseau très faible, pouvant poser problème en cas d'incident majeur
  • réserves d'eau potable en diminution (en quantité et qualité), nécessitant de prévoir un approvisionnement alternatif pour l'avenir
Etude des prix de l'Agence de l'Eau Adour-Garonne
L'agence de l'eau Adour-Garonne (qui collecte les taxes sur nos factures d'eau à Cognac) a clôturé récemment son étude des prix 2008.
Il en ressort un prix moyen 3,40 euros/m3 sur l'ensemble du bassin (de Cognac à Toulouse en passant par Bordeaux et Biarritz) contre 3,24 euros / m3 l'an passé. En Charente la moyenne est de 3,57 euros/m3.
Pour les communes de plus de 5000 habitants la moyenne s'établit a 3,25 euros / m3.

Ce prix moyen est calculé pour une famille de 3 personnes utilisant 120 m3 par an et inclut la consommation d'eau, l'assainissement, les abonnements et les taxes. Il s'agit de la formule classique permettant de comparer les prix de la gestion de l'eau partout en France.


comparaison des prix de l'eau
à Cognac et dans le bassin
Ce prix à Cognac était de 2,78 euros / m3 en juillet 2008. Ce qui fait dire à l'opposition (dans le magazine municipal) que l'eau à Cognac est pas chère. Ce qui est vrai en moyenne...
Mais il ne faut oublier que la renégociation du contrat fin 2007 a permis une baisse spectaculaire de 22%. Cette baisse spectaculaire a été permise notamment par la pression publique mise sur le dossier par le biais des opposants à la délégation.
Ainsi en 2007 la situation était radicalement différente : 3,79 euros à Cognac, contre 3,18 en moyenne pour les communes de plus de 5000 habitants du bassin... Ainsi si l'on compare les prix moyens du bassin et le prix à Cognac depuis 1997 (l'historique des prix dont je dispose) on voit clairement que l'eau à Cognac a toujours été 20% plus cher que la moyenne du bassin, il n'y a qu'en 2008 que l'eau de Cognac devient moins chère de 8%... Ce qui représente, sur 11 années pour une famille, un déficit d'environ 722 euros. A supposer que le prix à Cognac n'augmente pas plus que la moyenne il faudra encore 21 ans pour rattraper le retard accumulé.
Le contrat avec Véolia expire dans 10 ans... L'analyse que fait l'opposition municipale de ce prix est donc particulièrement biaisé et évite soigneusement de regarder de près.
àcette même opposition ce qu'elles répondait en 2006 (alors qu'elle était majoritaire) lorsque les promoteurs de la régie leur opposaient des tarifs bien plus faible pour la régie et qu'ils rejetaient en expliquant que l'on ne peut pas comparer si facilement et que les situations étaient très différentes...
Des précautions aujourd'hui... oubliées ?
De même l'opposition municipale oublie les conclusions de cette étude du prix de la gestion dans notre bassin, qui met (encore) en évidence le moindre coût de la gestion en régie face à la délégation (-20%).
Concernant les prix de la gestion de l'eau en France, il convient de rappeler le dossier de l'IFEN portant sur 2004 (qui montre lui aussi un moindre coût en régie) ainsi qu'un article publié cet été par le magazine Que Choisir qui montre certaines évolutions récentes en faveur de la gestion en régie.


photo : Ian Haycox SPANC mon ami et difficultés au SIEAAC
En juillet la presse c'est fait l'écho de débats houleux au SIEAAC. Le sujet de la discorde : le SPANC.
Le SPANC, c'est le Service Public d'Assainissement Non Collectif, ce qui correspond aux logements qui ne sont pas raccordés au tout à l'égout et disposent donc d'une fosse septique la plupart du temps. La législation Française impose (dans le cadre de la loi de l'eau) qu'en 2012 au plus tard tous les gestionnaires de l'eau et de l'assainissement (SIEAAC à Cognac) doivent effectuer des contrôles obligatoires.
Ce service public obligatoire, qui est généralement facturé à l'usager, doit permettre de mieux surveiller la qualité des systèmes d'épuration individuels afin de lutter contre la pollution des sols et des nappes phréatiques.
Le SIEAAC a donc (encore) le choix entre gérer lui-même ce service (régie) ou déléguer ce contrôle à une société privée (délégation).
C'est là que le bât blesse à nouveau au SIEAAC. La municipalité de Cognac promeut une régie, alors que la majorité du SIEAAC (Châteaubernard, Merpins et Saint-Brice) ne conçoit qu'une délégation comme pour l'eau et l'assainissement collectif (délégué à Véolia).
Le SIEEAC dispose de peu d'habitations SPANC (environ 800) ce qui rend en effet plus délicat la création d'une régie (donc ici d'un poste d'inspecteur) pour si peu de contrôles. Toutefois le SIEAAC a commandité une étude sur le sujet. L'étude a indiqué que les régies voisines sont elles aussi très petites et ne pourront pas absorber 800 contrôles supplémentaires et que donc seul le choix de la délégation serait viable.
La ville de Cognac, précise quand à elle que le SIVOM du Cognaçais est soumis aux mêmes obligations que le SIEEAC et n'a pas encore fait de choix. Au vu de la taille du SIVOM et du nombre important d'habitations SPANC (zone essentiellement rurale) il existe une possibilité (non prise en compte par l'étude) qui serait de créer une régie en collaboration avec le SIVOM. Ce qui aboutirait probablement à un coût bien moindre qu'une simple délégation et surtout une maîtrise directe du service.
Le SIEAAC a rejeté la proposition de Cognac, ce qui a provoqué le courroux des délégués de Cognac, qui s'estime méprisé à longueur de temps par le SIEAAC.
Du coup la municipalité de Cognac a menacé de quitté le syndicat si sa voix n'était pas plus respectée, ce qui a obligé le maire de Châteaubernard à sortir du bois pour calmer la situation.
La situation est difficile, car il semble que Châteaubernard (qui a reçu la présidence du SIEAAC) soit en totale opposition avec Cognac sur la plupart des dossiers ce qui apporte des tensions fortes. De plus le président a une santé délicate qui réduit fortement son implication dans le syndicat laissant le champ libre au directeur à quart-temps (Christian Lavalette) qui a conservé une dent contre la nouvelle municipalité de Cognac qui l'a mis à la retraite lors de son élection en 2008. A cela s'ajoute la volonté de Châteaubernard de s'approprier un peu plus de SIEAAC en transférant les bureaux et désormais le siège social à la mairie de Châteaubernard.
Situation fort complexe donc qui aboutit à des crises récurrentes qui ne font pas avancer les choses et réduisent encore le poids des élus et limitent les débats constructifs... Ce qui laisse le champ libre aux administratifs et au délégataire pour la gestion au quotidien...
Espérons que rapidement les choses vont se décanter et permettre (enfin) à nos élus de travailler sur leurs dossiers.