A combien s’élève la population française en 1881 ? Ne cherchez pas plus longtemps, elle est évaluée aux alentours de 40 millions d’habitants. Et en 1900 ? Encore aux alentours de 40 millions d’habitants. Et en 1926 ? Toujours aux alentours de 40 millions d’habitants. Et en 1946 ? … Oui, vous avez deviné ! On soulignera juste un pic en 1936 à presque 42 millions d’habitants. Mais l’après guerre va marquer un changement : 43 millions en 1954, 46 en 1962, 50 en 1968 … Le taquet des 40 millions explose et la population va croître très vite. Comment expliquer ce phénomène ? On admet couramment que le nombre de naissance a explosé, ce qu’on a baptisé le « baby boom » … Mais voilà, ce n’est pas tout à fait exact. Alors, analysons les faits.
522 000 naissances en 1941 mais 870 000 en 1947 : effectivement, on relève une très forte hausse. Oui, mais … Inscrivons nous dans la durée. Il naît plus de 900 000 enfants en France en 1901 et 1902 : un record jamais atteint depuis. Jusqu’au début de la Grande Guerre, chaque classe d’âge (à quelques exceptions près) compte plus de 800 000 enfants, soit autant que les classes d’âge du baby boom. Ces dernières en effet n’ont que rarement dépassé les 870 000 (1949 et 1964). Bref : il est né en moyenne chaque année plus d’enfants de 1900 à 1914 que de 1946 à 1965 ! Voilà pour la réalité du « baby boom ».
La période 14-18 est, sans surprise, de faible démographie. Le nombre de naissance est divisé par plus de 2 (un record à la baisse : 384 000 naissances en 16). En 1920, on retrouve un nombre tout à fait comparable à celui d’avant la guerre. Cependant, la France va connaître à peu près 25 ans de déclin démographique. 1921 est la dernière année (avant 46) avec plus de 800 000 naissances. En 1933, on tombe en dessous des 700 000 et en 1940, en dessous des 600 000. Dans la réalité, la France a connu un « baby crash », dont l’après guerre marque la sortie.
Qu’est ce qui explique alors que la population ait cru aussi fortement à compter de 1946 ? L’augmentation du nombre d’enfants a bien été une réalité. En effet, on relève une très forte réduction de la mortalité infantile. Au début du XXeme siècle, les chiffres sont mal connus, mais il semble que plus d’un enfant sur 10 qui naît décède avant l’âge d’un an. Et plus tard, les enfants forment une population exposée. Notre hôte nous a proposés quelques billets sur Sainte Thérèse de Lisieux, née à Alençon en 1873. La famille de Thérèse, à l’instar de la plupart des autres familles françaises de l’époque, compte plusieurs enfants décédés en bas âge. Thérèse, elle-même, meurt à 24 ans de la tuberculose. C’est malheureusement à l’époque chose courante. En 1946, la mortalité infantile est de 77 pour mille et ne va pas cesser de baisser, très vite : 50 pour mille en 1951 ; 40 pour mille en 1954 ; 30 pour mille en 1959 … Nous sommes aujourd’hui à moins de 4 pour mille. Il faut voir ici les conséquences des progrès de la médecine et surtout de l’accès aux soins grandement amélioré par la généralisation de la Sécurité Sociale. L’augmentation des rendements de l’agriculture permet aussi une meilleure alimentation … Bref ! La croissance de la population est la traduction démographique des « trente glorieuses ».
Bien évidemment, ces progrès concernent toutes la population et l’espérance de vie s’accroît fortement : 40 ans dans la première moitié du XIXeme siècle, 50 ans au début du XXeme, 65 ans en 1946 (à comparer avec l’âge de départ en retraite fixé alors) ; 70 ans en 1952 ; 75 ans en 1966 ; 84 ans aujourd’hui. Ill s’agit des chiffres pour les femmes, les valeurs pour les hommes étant plus faibles (de 38 ans au début du XIXe à 78 ans aujourd’hui).
La démographie française aujourd’hui se porte plutôt bien. Il est né en 2007 plus de 800 000 enfants. Comme dans les premières années du XXe siècle. La comparaison s’arrêtera là cependant.