Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont envoyés hier une
lettre commune au président en exercice de l'Union européenne, le suédois
Fredrik Reinfeldt. Gordon Brown s’est joint à eux en envoyant, ce jour, une
lettre
similaire.
Cette lettre est importante car elle doit servir de "base" aux discussions
du Conseil européen extraordinaire du 17 septembre à Bruxelles, préparatoire au
sommet du G20 à Pittsburgh les 24 et 25 septembre.
Au premier abord, cette lettre de 4 petites pages est décevante, on en
attendait au moins 100 fois plus, compte tenu du sujet traité, rien de moins
que « l’architecture d’un cadre de régulation internationale pour le
secteur financier afin qu’il soit au service de l’investissement et de la
croissance. » !
Et effectivement une douzaine de grands principes y sont rapidement évoqués,
allant des règles de rémunération dans le secteur financier (l’encadrement des
bonus) jusqu’à la réforme de la « gouvernance et de la représentation au
FMI » en passant par les normes comptables, mais sans qu’aucune mesure
concrète ne soit proposée.
Même si on peut comprendre que Sarkozy et Merkel se soit limités à fixer une
feuille de route « politique » laissant ensuite le soin aux experts
de proposer les moyens pour la mettre en œuvre, on ne peut s’empêcher de se
dire que tout reste à faire et qu’à partir de telles orientations, pour peu
qu’elles soient acceptées par les autres membres du G20, on peut aboutir à des
résultats extrêmement différents selon les mesures d’exécution qui seront
adoptées.
Malgré tout, le fait que l’Allemagne, le Royaume-Unis et la France soient
d’accord sur ces principes est déjà, en soi, une excellente nouvelle.
Lorsqu’ils évoquent cette lettre, les médias font leurs choux gras de
l’encadrement des bonus, or parmi toutes les sujets abordés c’est probablement
le plus facilement compréhensible et le plus populaire, mais certainement pas
le plus important à mon sens.
En effet, au milieu des propositions intéressantes mais sans trop de
surprises, il y en a une qui aurait méritée beaucoup plus d’attention. C’est la
première fois, à ma connaissance, que des politiques de haut rang l’évoquent de
manière aussi nette sinon aussi « brutale ».
Le paragraphe le voilà :
« Le G20 doit traiter le problème de l’aléa moral créé par les
institutions financières de nature systémique. Les ministres des finances
devront examiner les moyens de renforcer les obligations de supervision pour
ces institutions afin de refléter le niveau de risque systémique qu’elles font
peser sur le secteur financier et comment ces institutions peuvent être
démantelées si nécessaire sans perturber le secteur financier dans son
ensemble. »
Pour la première fois, est exprimée clairement la possibilité de démanteler
une institution financière qui présenterait un risque systémique trop important
!...c’est le fameux « too big to fail » (trop gros pour qu'on les
laissent tomber) qui est en ligne de mire. Or c’est un point essentiel car, en
l’état, les banques internationales savent qu’elles sont trop grosses pour ne
pas être sauvées par les Etats en cas de coup dur, ce qui les met évidemment en
position de force, position dont elles n’ont déjà pas hésité à abuser (cf.
Goldman Sachs, Citi Group, Bank of America voire la BNP).
Certes d’autres moyens sont évoqués ici et là sinon pour brider ou du moins
sécuriser l’activité des gros établissements afin d’éviter de se retrouver dans
une situation critique, mais faire peser sur ces mastodontes, suffisants et
imbus d’eux même, l’épée de Damoclès d’un démantèlement et un excellent moyen
de les forcer à s’auto-contrôler un peu mieux.
Bien évidemment, cette proposition demande à être précisée notamment pour
définir dans quelles conditions une telle décision délicate, pourrait-être
prise, sachant que pour être totalement efficace cette menace doit être
crédible. Il sera intéressant d’en suivre les prolongements post G20 …s’il y en
a !