Une rentrée, ça sent le sapin. Le sapin des HB bien taillés, d’un surplus d’étagères, de la pâte à bois dont on fait les cahiers et l’office de septembre, bien sûr. Au bureau, le papier tricote son autosuffisance, une maille à l’endroit, une maille à l’envers. Dans ce parfum d’ardoise propre des résolutions, le recommencement entêté des possibles, la mode de rentrée, les grèves enseignantes, la grille des programmes, sous toutes ces châtaignes qui s’apprêtent à pleuvoir, on ressent une appréhension, l’angoisse de la redite, de la feuille morte, la contingence, le poids de l’obstination.
Et nous de choir, d’août en septembre, encore et toujours, chaque année, chassés de l’enclos où le destin attend, perché, où l’air se respire à la même température que l’eau se nage et où la pensée vit nue.
Comme mes pieds… Hâlés comme ceux d’une gitana, d’un vieux philosophe grec. Magnifiques dans des sandales d’août, au cuir durci par le soleil, affûtés par le vent de sel. Les ongles de marbre rose, la peau comme une écorce, des antiques, des pieds d’Arcadie… Mes pieds bientôt reclus en chaussures fermées, bleuis, mis au tombeau.
Dans les cœurs, dort un espoir encore mince, mais qui ne tardera plus longtemps à s’habituer, à y croire même, pour nous porter tout patiemment vers les lueurs sucrées de Noël. Plus loin, s’égaye déjà l’oiseau Tu-Tu du printemps, une joie sans logique blottie dans la gorge. Puis, au-delà, comme une idée vague dont l’horizon ne frémirait pas encore, nous accueille encore en vain la saison heureuse, la belle imbécile, où le cœur soudain s’ouvre tout grand, et attend de vivre enfin l’instant.
l’Anachroniqueuse