Depuis quelques semaines, une affaire de politique extérieure occupe les rédactions suisses : l'affaire Kadhafi. Je pense que rien n'est plus éloigné des valeurs et de la culture suisse que la manière dont les événements sont en train de se passer. Pour ceux qui auraient raté la première saison, voici un rappel.
Tout commence par l'arrestation d'Hannibal Kadhafi à Genève
En juillet 2008, le fils du colonel, Hannibal, et sa femme sont arrêtés à Genève suite à une plainte déposée par ses employés qui ont déclaré à l'époque avoir été battus. Le couple est alors arrêté par la police genevoise, et interrogé pendant deux jours. Le colonel Kadhafi, probablement peu habitué à la confrontation avec la justice, a, depuis ce moment, déclaré la guerre à la Suisse, en retenant en otage deux hommes d'affaires suisses en Lybie, et allant même jusqu'à menacer le pays d'attentats.
La Suisse dans une impasse politique malgré de difficiles compromis
Après un déplacement fin août en Libye et des excuses pour les conditions d'arrestation de son fils, le Président et Conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz est dans une impasse : les hommes d'affaires sont toujours en Lybie malgré un accord, et le président libyen devrait purement et simplement demander officièlement à l'ONU le démantèlement de la Suisse...
Dire que Hanz-Rudolf Merz a perdu la face est peu de chose... Le Conseiller fédéral, qui assure la présidence tournante du pays pour un an, aura été bien malmené par cette affaire, et est décrié dans son propre pays. La Suisse, si discrète habituellement, se retrouve au devant de la scène, et personne n'aime ça ici.
En se rendant en Lybie pour présenter les excuses au nom du pays, le Conseiller fédéral a tout fait pour éviter le conflit, qui est culturellement un échec en Suisse. Malheureusement, cette méthode semble être particulièrement innefficace avec un personnage comme Kadhafi, bien plus habitué à des rapports conflictuels... et politiques.
Hanz-Rudolf Merz et la Suisse n'ont pas choisi les bonnes armes pour lutter
Pour ma part, je ne jèterai pas la pierre à H-R. Merz : au nom du Conseil fédéral tout entier il fait ce qu'il peut. Ce qu'on peut en revanche lui reprocher, ce sont les méthodes utilisées : indéniablement, la Suisse n'a pas choisi les bonnes. Mais que faire face à un dictateur imprévisible capable de demander une chose aussi stupide que le démantèlement de la Suisse et le partage des régions entre la France, l'Allemagne et l'Italie. D'ailleurs, ce partage ne vous rappelle-t-il pas le partage de Berlin à la fin de la seconde guerre mondiale ? Sacré colonel, toujours dans le second degré...
Pourquoi la France n'a-t-elle pas connu le même traitement ?
Le plus étonnant, c'est que ce même fils - visiblement un type bien - a été condamné deux fois en France, une fois pour avoir battu sa femme enceinte en 2004, une autre fois en 2005 pour avoir demandé à ses gardes du corps de retenir les forces de l'ordre française qui tentaient de l'arrêter (après avoir pris en sens inverse à 140 km/h l'avenue des Champs Elysés).
Comment la diplomatie française s'est-elle sortie de cette situation ? Mystère. Mais peut-être que la classe politique suisse aurait dû demander conseil à la France. D'ailleurs, ça leur aurait permis de changer de sujet de discussion, le secret bancaire ça commence à devenir un peu lassant.
Vraiment pas de chance pour M. Merz : entre la crise économique, la crise majeure du secret bancaire et l'affaire Kadhafi, ce n'était vraiment pas l'année où il fallait être président.