Pas de duperie. À la faveur de la lente maturation estivale ponctuée par la poursuite effrénée des drames sociaux, nous avons donc assisté, incrédules, à une autre maturation non moins pernicieuse. Celle de la fameuse psychose de la grippe A, volontairement maintenue au sommet des préoccupations, comme si certains voulaient qu’elle chasse mécaniquement tous les autres sujets du moment, à l’heure où, par exemple, les portes des établissements scolaires, « principaux menacés » par la pandémie, allaient s’ouvrir… L’opération diversion aurait presque réussi sans la vigilance de nos concitoyens. Ainsi, depuis quelques jours, les premières sorties malhabiles et hésitantes du nouveau ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, se sont-elles soldées par un trouble évident chez les 850 000 professionnels, qui en ont pourtant vu d’autres…
Après, Luc Chatel peut citer autant qu’il le veut Jules Ferry (sic) ou évoquer autant son ambition d’une école « plus juste » en transformant les établissements en « lieux de vie » (re-sic), qui peut croire en sa sincérité ? Un récent sondage CSA montre d’ailleurs, sans surprise, que 79 % des Français estiment que les réductions de postes d’enseignants « auront un effet négatif sur la réussite scolaire »… Comment peut-il en être autrement ? Dans cet univers mental médiacratique qui est le nôtre, essentiellement articulé autour des batailles de communication sophistiquées, la véritable médiation avec la réalité ne reste-t-elle pas celle de la vérité, en particulier la vérité des chiffres et des exemples ? En l’espèce, le décalage se creuse chaque jour un peu plus entre les promesses populistes et la vraie vie, qui s’aggrave au rythme de projets libéraux menés au pas de charge. Aussi, face à ces nouveaux coups, le SNUIPP, dans le primaire, et le SNES, dans le secondaire, envisagent d’ores et déjà de mener une « action préventive » d’ici à la Toussaint. Toutes les initiatives collectives seront les bienvenues.
À ce propos. Tous les syndicalistes sont désormais prévenus. Le gouvernement a décidé d’accentuer sa guerre sans merci contre toutes les formes de résistance, comme en témoigne la condamnation révoltante à des peines de prison avec sursis, hier, des syndicalistes de Continental. La conclusion de ce procès, voulu pour l’exemple par le gouvernement et la direction du fabricant de pneumatiques, témoigne de l’esprit de répression du sarkozysme ambiant véhiculé à tous les étages de la société. Autant le dire, ni la grippe A ni aucun ministre ne nous détournera de l’essentiel.