A la frontière du Dauphiné et de la Savoie, un été 2009 au pays des « fayes » (fées) du Massif de la Chartreuse, un été consacré à savourer le temps qui s’écoule, tout simplement…
Un été pour contempler…
Il suffit juste d’être patient et de lever le nez une fois la nuit tombée.
Cette année, le ciel nocturne a une nouvelle fois dévoilé ses trésors pour l’émerveillement des petits et des grands : Cassiopée, Grande et Petit Ourse pour ne citer que les constellations de base, pluie d’étoiles filantes à saisir au passage et omniprésence de Jupiter.
La géante gazeuse était étonnamment visible dans le ciel de cet été 2009. Tous les 12 ans, cette planète « se rapproche » de la Terre et se montre très brillante et plus massive qu’à l’accoutumée.
Les régions montagneuses, proportionnellement moins peuplées que les plaines et le littoral, permet encore de bénéficier d’une obscurité propice à l’observation, accompagnés par les bruissements de la nature et, dans notre cas, par les cris d’un couple de chouette hulotte.
…délice de mes deux petits qui passent leurs soirées, serrés tout contre moi, à regarder le ciel, à reconnaître les constellations et à compter les étoiles suicidaires qui se jettent sur notre planète…
Les soirs de période où l’atmosphère est lourde et orageuse et où le ciel nuageux ne permet pas d’observation, il n’est pas rare que des charges électriques illuminent les montagnes dans un grand et étonnant silence nocturne où tout retient son souffle en attendant la foudre…
Tombera ? Tombera pas ?
Le spectacle est partout, simple, immuable mais, plongés dans notre vie trépidante quotidienne, nous l’avions oublié.
Un été pour se dépasser…
Trouver le bon rythme, se concentrer sur ses sensations.
Ici, il n’y a pas moyen de tricher, il faut savoir être humble.
Avancer, se motiver, en posant un pied devant l’autre, tendre vers son but de la journée.
Contempler et laisser les pensées venir à soi.
Etre la marche. Etre soi.
Charmant Som (1 867 mètres).
Un parcours aisé pour un adulte, moins évident pour une enfant de 6 ans peu entraînée mais qui permet d’amener ma fille, conquise par l’exercice, vers son premier sommet en toute sécurité.
Emerveillement d’Ysilde qui obtient sa récompense après une bonne marche : une vue magnifique sur la Chartreuse et les alpages, accompagnée par les vols délurés des Choucas.
C’est l’occasion de donner les premiers rudiments de marche en montagne (un peu de technique de montée et de descente) et de ne pas oublier le respect de l’environnement (nous ramassons les déchets laissés par des marcheurs indélicats).
« J’ai été courageuse, j’ai tout fait » me dit ma fille, si fier d’être une grande.
Oui et je te promets qu’un jour lorsque tu seras prête (et si j’assure encore un minimum), nous partirons
pour de grandes marches en altitude.
Un été pour s’enfoncer dans le ventre de la terre…
Grotte de Saint Pierre : la chaleur est terrible à l’extérieur mais une fraîcheur bienfaisante nous attend sous terre.
Nous partons pour une visite entre émerveillement et agréable frayeur.
Ici, tout prend des allures fantasmagoriques pour peu que le visiteur sache encore faire appel à son imagination d’enfant.
Là, la roche brosse le portrait d’une sorcière au nez crochu dont la longue chevelure raide s’enfonce dans les entrailles de la terre, et ici, nous découvrons une méduse minérale, plus loin, un drapé délicat s’échappe du plafond d’une salle-cathédrale.
Enfin, des fossiles aquatiques de 120 millions d’années, engourdis dans leur sommeil éternel, se laissent caresser.
Un été pour glaner et s’amuser…
Petit plaisir de la nature où nous cueillons nos ravissements gourmands : mûres gorgées de sucre et de soleil, petites pommes sauvages acidulées, noix (attention au brou qui tâche), noisettes en devenir (le petit germe à l’intérieur est succulent), menthe sauvage aux belles feuilles vertes et veloutées…
Et déjà, les promesses de l’automne : des châtaignes se mâturent dans leurs bogues au-dessus de nos têtes, les faines de Hêtres font de même (un sorte de noisette savoureuse, délaissée de nos jours).
J’apprends aussi aux lutins comment utiliser les feuilles d’arbres de type Robinier pour en faire des sifflets, choisir des branches fourchues pour faire des lance-pierres, songer qu’un arc peu naître d’une branche flexible de noisetier, et enfin, comment construire un barrage sur un petit cours d’eau, barrage qui sera impitoyablement balayé par les flots, n’est pas castor qui veut…
Un été pour écouter à la veillée …
Le Dauphiné et la Savoie regorgent d’histoires locales, faisant souvent référence à des mystères de la nature.
On parle encore du « sarvan », un petit génie protecteur des chalets avec qui il vaut mieux faire ami. Il suffit de lui laisser une assiette de lait sur le rebord de la fenêtre et il épargne les habitants du chalet de ses facéties (le folklore japonais évoque aussi un petit génie des habitations - un yôkaï - dont il faut gagner les grâces en lui laissant de quoi grignoter… autre culture mais point commun…).
Les « fayes » (fées) sont rattachées aux étrangetés inquiétantes de la nature telles les grottes ou encore les rochers aux formes surprenantes.
Diables et sorcières se voient de préférence confier l’occupation des gorges et des gouffres.
En Dauphiné, le Mont Aiguille, de part sa forme si insolite, est taxé de piste de danse nocturne pour créatures fantastiques…
Je ne pouvais pas rester en reste, et un soir où le tonnerre grondait et où les lutins étaient particulièrement excités, j’ai inventé l’histoire de Monsieur Orage.
En voici les grandes lignes car le récit a été développé à l’oral, au fur et à mesure de la narration.
« Il arrive, précédé des éclairs qu’il produit en ouvrant ses grands bras dont l’ombre couvre la vallée.
Il fait soudainement plus frais et le vent se lève.
Il cogne aux montagnes et aux portes des maisons, il gronde de sa grosse voix caverneuse et on l’entend en tremblant dans toute la vallée.
Malheur aux enfants qui n’ont pas été sages ou qui veulent le braver car il sait tout et il entre dans les maisons, il s’empare des petits présomptueux et les emportent au cœur des forêts de grands résineux.
Là, il les réunit et les transforment en ours ou en loups pour constituer une meute sauvage et toute dévouée qui le suivra dans ses longues marches à la recherche de nouveaux enfants pas très sages.
Alors, il faut se réfugier dans les maisons lorsque le tonnerre gronde, fermer portes et fenêtres et rester gentiment auprès de ses parents si on ne veut pas partir dans les bras de Monsieur orage. »
(Passé le premier moment où les lutins ont été saisis par cette histoire, ils en ont redemandé, s’amusant à se faire peur !)
Pour finir avec cette brève rencontre avec la région, une pensée pour quelques personnages illustres qui y ont vu le jour :
- Berlioz (1803-1869), le compositeur entre autre de l’opéra « Les Troyens »,
- Champollion (1790-1832), découvreur du décryptage des hiéroglyphes, fils d’un colporteur du Briançonnais,
- Frédéric Dard (1921-2000), Monsieur San Antonio, né à Bourgouin-Jallieu,
- Roger Frison-Roche (1906-1999), auteur de récits montagnards dont le célèbre Premier de Cordée,
- Joseph Opinel (1872-1960), qui n’a pas son couteau Opinel avec la fameuse main couronnée ?
- Abel Rossignol (1882-1954), le fondateur de la société Rossignol et des skis du même nom,
- Stendhal (1783-1842), grenoblois de naissance, auteur du Rouge et le Noir entre autre…