Hier Ségolène Royal s’est déclarée opposée à l’instauration d’une contribution climat-énergie. Est-ce également la position du Parti socialiste ?
La direction du Parti socialiste a voté à l’unanimité une position claire début juillet. Nous sommes favorables à une contribution climat-énergie. Elle doit encourager à changer de comportements, aussi bien ceux des particuliers que des entreprises. Elle doit inciter à modérer la consommation énergétique et stimuler le développement des énergies renouvelables. Mais nous considérons qu’il ne peut pas y avoir de politique écologique audacieuse et efficace sans une adhésion de la population, ce qui implique des mesures justes socialement. Ensuite, il nous semble que cette contribution doit être significative et toucher aussi les grandes entreprises, qui sont les principaux pollueurs, ce qui n’est pas le cas dans la proposition du gouvernement. Enfin, nous avons toujours dit que le produit de cette contribution doit être utilisé pour une redistribution sociale.
Justement, comment faudrait-il, selon vous, aider les ménages ?
Le Parti socialiste a toujours affirmé, contrairement au gouvernement, que le produit de la contribution doit être utilisé pour aider les familles les plus en difficulté. Une partie de cette contribution pourrait ainsi être utilisée par exemple pour le remboursement des 200 euros de TVA aux ménages les plus modestes.
Une deuxième partie de la contribution pourrait permettre d’accompagner ceux qui ont le plus de difficultés à réduire leurs factures énergétiques. Je pense aux ménages n’ayant pas accès aux transports en commun ou ayant un coût élevé pour se déplacer. Il pourrait y avoir une prise en compte d’une partie des coûts de transport via les plans de déplacement des entreprises. Enfin, des subventions pourraient accompagner les ménages qui investissent pour réduire leur consommation d’énergie, par exemple en isolant thermiquement leur logement.
Quel montant faut-il retenir, selon vous, pour la tonne de CO afin que cette contribution se montre efficace ?
Tous les spécialistes estiment que cette contribution ne sera réellement efficace que si l’on retient un coût de l’ordre de 32 euros la tonne de CO. Cela n’est possible que si l’on est juste socialement : il faut une redistribution immédiate pour les ménages les moins favorisés.
Christine Lagarde a assuré ce week-end que le produit de la contribution serait « intégralement redistribué » aux ménages. En quoi votre position diverge-t-elle finalement de celle du gouvernement ?
La position du gouvernement n’est pas très claire pour le moment, c’est le moins que l’on puisse dire ! Premièrement, on ne sait pas très bien quel type d’énergie le gouvernement prend en compte. Nous, nous pensons qu’il faut étendre cette contribution à toutes les sources d’énergie, y compris l’électricité. Si ce n’était pas le cas, il pourrait y avoir des effets pervers, comme le développement du chauffage électrique, dont on sait qu’il est, par ailleurs, très consommateurs d’énergies fossiles en période de pics. Ensuite, nous estimons qu’il faut toucher les pollueurs les plus importants. Le gouvernement n’est pas sur cette ligne, sous prétexte que les industriels sont touchés par les quotas européens d’émission de CO. Enfin et surtout, le plus grave est l’utilisation du produit de la redistribution : il y a autant de positions à droite que de personnalités qui s’expriment et elles sont toutes mauvaises ! Le 14 juillet, le président de la République avait déclaré que cette contribution servirait à compenser la suppression de la taxe professionnelle. Pas de redistribution donc. Ensuite, le 17 août, Christine Lagarde a estimé qu’une partie seulement de cette taxe servirait à compenser la suppression de la taxe professionnelle. Gilles Carrez, le rapporteur du budget, a déclaré quant à lui que cette recette devait servir à réduire le déficit public. Nous n’accepterons pas que la contribution ne soit pas intégralement redistribuée aux ménages.
Vous voulez « mettre sous tutelle » les entreprises qui licencient ou délocalisent, alors qu’elles sont rentables. Concrètement que proposez-vous ?
A la faveur de la crise, certaines entreprises ferment des établissements rentables, les vident de leurs savoir-faire, de leurs brevets, de leurs clients. Molex, Continental et Freescale en sont les cas les plus symboliques. Il s’agit d’un problème social, mais aussi d’un problème économique majeur. Il existe déjà des procédures au tribunal de commerce quand les créanciers ou les actionnaires considèrent que le patron prend des décisions aberrantes mettant en péril l’entreprise. Mais il n’y a pas de procédure sur saisine de l’administration du travail, du préfet ou des syndicats. Je propose donc que le tribunal de grande instance puisse faire l’objet d’une telle saisine. Il est déjà saisi quand il y a une procédure de licenciement.
Le traitement réservé par Bercy à 3.000 contribuables ayant dissimulé une partie de leurs revenus au fisc est-il vraiment comme le dit le PS une « forme d’amnistie » ?
D’abord, tant mieux si l’on s’attaque à la fraude fiscale, mais il faut le faire pleinement. Si le gouvernement a eu connaissance de 3.000 noms, qu’il aille jusqu’au bout. Nous serons très vigilants sur la façon dont cette procédure de régularisation a été ouverte. Les personnes concernées doivent payer les redressements, des indemnités de retard et des pénalités. Ce dernier point est crucial : l’administration fiscale peut fixer des pénalités qui vont de 0 à 80 %. Si cette procédure ne va pas au bout, il faudra saisir le juge. Ce que je dis, c’est que ce serait une forme d’amnistie de ne pas respecter cette procédure.