ça sonne comme le titre d’un magazine pour enfants. Mais c’est bien autre chose. Cette loi, car c’est de cela qu’il s’agit, est une mesure à ajouter à la longue liste de celles prises en toute hâte par le gouvernement. Son but n’est pas tant d’être efficace que de démontrer la volonté d’action et la réactivité de notre équipe dirigeante. Intéressons-nous un peu à ce texte fraîchement voté dans les remous d’une désapprobation quasi-générale.
HADOPI signifie (accrochez-vous) Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet.
Ce texte de loi vise à enrayer le téléchargement illégal (comprendre gratuit). Pour cela, il préconise une riposte graduée la Haute Autorité
- mails d’avertissement suite à un téléchargement illégal constaté.
- envoi d’une lettre d’avertissement recommandée avant la prise de sanction.
- suspension de l’abonnement internet avec obligation de continuer à le payer.
Pour les défenseurs du texte, comme Jean-François Copé invité chez Ruquier samedi dernier, le rappel à l’ordre suffirait à arrêter les comportements de téléchargement occasionnel de la plupart des internautes.
Peut-être, mais pour la CNIL (Commission Nationale Internet et Libertés) cette loi pose un problème juridique : celui de la proportionnalité entre le respect du droit de propriété et l’atteinte à la vie privée. De plus, ce seront des sociétés privées qui repéreront les contrevenants sur le web avant d’en informer l’HADOPI (vraiment, il est ridicule, cet acronyme). Or de telles enquêtes relèvent actuellement de la compétence judiciaire. Le texte de loi confie donc un pouvoir judiciaire à une autorité administrative.
Si l’on va plus loin dans l’analyse, cette loi crée une responsabilité du fait d’autrui, le terme utilisé étant “défaut de surveillance de son accès internet”. De plus, la riposte graduée nécessite un fichage des internautes commettant des infractions, sans possibilité de réparation du préjudice (même la Banque de France ne garde plus trace des impayés dès lors que les sommes dues sont remboursées). Mais il y a pire : comme ce sont les plaignants qui auront la responsabilité de mandater des entreprises privées pour traquer les contrevenants, la protection des oeuvres sera avant tout fonction des moyens financiers des artistes ou de leurs maisons de production. J’ai un trou là, c’est quoi déjà, une justice à deux vitesses ? “Ouf ! au moins cette loi ne coûtera pas d’argent au contribuable.” Détrompez-vous ! Lors des assises du numérique, le probable futur président de l’HADOPI a assuré être prêt à mettre en place un processus automatisé permettant l’envoi de 10 000 avertissements par jour. Ce qui reviendrait à 31 M€. Sans compter l’envoi de lettres recommandées. Sachant que sur un titre mp3 téléchargé légalement au prix de 0,99€, l’Etat empoche 0,16€ de TVA, il faudrait donc que les téléchargements de titres augmentent de 194 millions par rapport à ce qu’ils sont pour compenser cette dépense. Mais attention, les téléchargements sur itunes ne comptent pas : la TVA bénéficie au Luxembourg !!!
Dites voir, pour protéger les revenus des artistes et éviter l’asphyxie financière de la création, ne serait-il pas plus simple de commencer par augmenter le pourcentage perçu par les artistes sur les ventes de leurs oeuvres ? Et puisque les artistes sont des gens généreux, qui ne vivent “que pour donner le meilleur d’eux-mêmes”, ne serait-il pas naturel de prélever une sorte d’ISF aux têtes d’affiches, au profit des intermittents du spectacle ? Ce serait plutôt logique. Mais alors, on aurait pas fini de voir nos monstres sacrés filer en Belgique. Rien de nouveau sous le soleil de Cannes : le coeur à Gauche, le porte-feuille à Droite !
Jetez un oeil à ces articles. Il y aurait encore plus à dire...
l'express.fr
Numerama.com
D'ailleurs, ce matin 19 mai, on peut lire sur Le Monde.fr un article fort instructif sur les mesures complémentaires de la loi HADOPI mises en place dans le cadre de la Cybersécurité, décidément très à la mode. Ainsi, on apprend que LOPPSI (Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure) autoriserait les mouchards de toutes sortes (des chevaux de Troie en somme), alors que HERISSON (Habile Extraction de Renseignements d'Intérêt Stratégique à partir de Sources Ouvertes Numérisées) constituerait un véritable arsenal de surveillance à visée militaire. Le président a vraiment le numérique dans le nez. A croire que ça l'a vraiment traumatisé de se faire pirater le compte en banque en octobre dernier !