“Depuis la nuit des temps, le jeûne est utilisé pour faciliter la méditation.”
Celle qui l’affirme, c’est Sarah, une psychologue de 39 ans. Elle a vécu l’anorexie et se bat aujourd’hui pour faire évoluer le regard sur ce symptôme. Elle constate : “Il y a de plus en plus d’obèses et de personnes squelettiques. Mais ces personnes ne sont pas responsables de la dérive de notre société loin des valeurs humaines. Elles n’en sont que les témoins souffrants.”
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’après l’Etude Nationale Nutrition Santé, en 2003, 4 français sur 10 étaient en surpoids. En 2006, ils sont 5 sur 10. En 10 ans, le nombre d’obèses a doublé, la progression étant particulièrement préoccupante chez les enfants. Concernant l’anorexie, les chiffres sont beaucoup moins faciles à obtenir, car au delà de l’IMC (indice de masse corporelle), il faut considérer les restrictions alimentaires, l’hyperactivité et les vomissements volontaires qui amènent les personnes à un taux de graisse corporelle très bas et à des problèmes de santé comme l’oesophagite (irritation de l’oesophage avec saignements). Ce que les médecins s’accordent à dire, c’est qu’ils voient dans leur pratique de plus en plus de personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire et présentant un sous-poids dangereux pour leur santé.
Mais Sarah souligne : “L’anorexie est un symptôme, pas le coeur du problème. C’est révoltant de voir l’archaïsme des méthodes de traitement parfois utilisées pour soigner les personnes qui en sont atteintes. La France est le dernier pays d’Europe à pratiquer l’enfermement punitif.” En effet, les anorexiques sont fréquemment hospitalisées lorsque leur IMC descend trop. Alors commence un terrible bras de fer avec l’équipe soignante. Sarah se souvient : “On nous privait d’un maximum de choses. Et en fonction de notre prise de poids, on avait droit à des bons points. Plus un kilo, un coup de téléphone à la famille. Encore un kilo, une balade à l’extérieur. Moins un kilo, plus de sortie hors de la chambre.” Heureusement, la compréhension du phénomène avance.
Les psychothérapeutes ont désormais pleinement conscience que l’anorexique porte la problématique du groupe. Sarah précise : “Dans 90% des cas, les pères d’anorexiques sont totalement alexithymiques. Ils sont incapables d’exprimer leurs émotions. Cela peut paraître caricatural, mais soignez le groupe et vous soignerez l’anorexique.” Il faut donc remplacer la volonté de soigner l’anorexie par celle d’accompagner la personne qui en est atteinte dans sa recherche de réponses. Dans la plupart des cas, on ne peut rien faire pour changer la famille. Il faut aider l’anorexique à dépasser le mode de réaction à une réalité sociale et/ou affective inacceptable.
Sarah affirme : “Le symptôme aide la personne anorexique à ne pas devenir folle. La sous-alimentation amène le corps à une sorte d’hibernation. Elle inhibe la boucle thalamique, ôtant ainsi aux émotions toute leur violence. La méditation devient alors possible.” Et en attendant que la réflexion fasse son chemin, il est nécessaire d’accompagner le corps soumis à rude épreuve, pour éviter que les carences provoquent des dégâts irréversibles. Une activité sportive douce telle que la marche freine la progression de l’ostéoporose. La prise de compléments alimentaires comme des cocktails multivitaminés (Supradyne*, Bion 3*, Multivitamine Upsa*...) aide également à tenir le coup, à minimiser les risques d’infections opportunistes liés à la baisse de l’immunité.
Mais surtout, surtout, ce qui est indispensable à une anorexique pour survivre et se rétablir, c’est recevoir de l’affection. Pas de rejet ni de reproches. Si les anorexiques donnent du souci à leurs proches, c’est parce que leurs proches leur en donnent beaucoup. Dans notre société de surabondance, ces silhouettes fantomatiques dérangent. Mais face à leur souffrance, nous devons prendre nos responsabilités. Remettons un peu d’humanité dans ce monde qui leur donne la nausée.
Pour aller vers la compréhension des anorexiques, lisez Angélique. Sur son blog, cette jeune femme brillante explique l'anorexie vécue de l'intérieur. Et c'est très bien écrit.