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Merveilleuse, indomptable, insupportable et surtout incontournable, cette année, c’est sur TMC qu’Angélique nous a été pour la énième fois proposée en prime time. Datant des années 60, cette saga filmant Michèle Mercier sous tous les froufrous est au fil du temps devenue une véritable institution, une tradition dans les programmes télévisés estivaux.
Et pour qui sait la regarder, c’est une mine d’or aussi étincelante que les cheveux de l’héroïne. Pourquoi se fatiguer à tourner des Scary movie et autres parodies quand un vrai film tourné sérieusement en son temps, a vu avec les années sa saveur évoluer vers des notes très XVIIème degré ?
Pour ma part, je ne me lasse pas des fabuleux dialogues de Pascal Jardin : dans tous les films, la Marquise des Anges ne dispose que d’une seule et unique phrase pour insulter les méchants : “Vous êtes le personnage le plus immonde que j’aie jamais rencontré !” Puis sur un ton haineux pas surjoué le moins du monde (ou si peu), elle ajoute : “Je me vengerai !”
C’est que l’intello du film, ce n’est pas la Comtesse de Pérac mais son mari, le fameux Joffrey qu’elle pleurera dans les bras de nombreux amants et même de son cousin, le Marquis de Plessis-Bélières, avant d’apprendre de la bouche d’un Louis XIV tarte comme rarement dans l’Histoire du cinéma, que son amour, Joffrey de Pérac, Comte de Toulouse, pionnier dans la catégorie “boîteux irrésistibles” aujourd’hui dignement représentée par ce cher Dr House, n’est pas mort !
Angélique s’écrie : “Il est vivant !” Brillante déduction qui contribue à la réputation des blondes ! Comme à chaque fois qu’elle hausse le ton, la belle prend une voix de crécelle qui a sans doute inspiré Fran Drescher pour son personnage d’Une nounou d’enfer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle hurle souvent : quand on tue sous ses yeux un homme qui voulait la défendre, quand elle découvre un cadavre, quand on tente de la violer, quand elle découvre sur les bras de sa servante les effets de la nuisette empoisonnée avec laquelle elle vient de la fouetter sans pitié.
Mais le passage que je préfère, celui qui vaut à lui seul la saga complète, c’est celui où Joffrey, venu contempler Angélique pendant son sommeil, la sauve d’un assassin. Réveillée par le bruit des deux hommes qui se battent, elle voit le visage de son miraculé de mari. Celui-ci s’enfuit en boitant. Angélique l’appelle à pleins poumons, il s’arrête pour l’écouter avant de repartir en traînant sa patte raide. Elle continue de hurler : “Joffrey, Joffrey !” Il s’assoit un instant au bord du puy, comme pour l’attendre, en proie à la tentation de la serrer une dernière fois contre lui. Elle tarde un peu trop, la raison reprend alors le dessus. Joffrey descend dans le passage secret. Coconne s’époumone de plus belle. Le boiteux attend un peu avant de refermer la porte à clé derrière lui. Mais en déshabillé de soie et escarpins à plumes, Angélique met trop de temps à descendre dans le puy. Joffrey donne le tour de clé fatidique et laisse son épouse verser les larmes de tout son corps délicat, le nez collé contre le bois gonflé de la porte en demandant “Pourquoi ?” Parce qu’il faut que tu m’expliques comment tu fais pour mettre un quart d’heure à rattraper un grand invalide de guerre, Madame qui ne se démaquille jamais !
Car ça aussi, c’est un des mystères soulevés par cette fabuleuse saga en cinq épisodes, plus troublant encore que la découverte de la pierre philosophale à la fin de l’histoire : comment Angélique fait-elle pour dormir toute maquillée, les yeux ourlés de noir telle une biche et se réveiller sans ressembler à un panda ? Sans parler de la gueule des oreillers après une telle négligence ! Entrer dans de telles consédérations, c’est oublier qu’Angélique n’est pas humaine. Angélique n’est que beauté, grâce et pureté. Ainsi doit-on attendre le dernier film pour voir notre héroïne avaler une quelconque nourriture terrestre : du raisin, telle une déesse de l’Olympe, lovée sur une banquette de satin en attendant d’être offerte au sultan. Mais ce repas n’est qu’un prétexte pour dédaigner ostensiblement le serviteur qui vient lui signifier que son destin est scellé. Car qu’elle soit prisonnière, maltraitée, en danger, exhibée nue comme un vers devant un parterre de marchands, Angélique reste Angélique, hautaine envers qui la provoque et empotée quand il s’agit de se débattre.
D’aucuns diront qu’Angélique entretient le mythe de la princesse qui amène tant de femmes sur les divans des psychanalystes. Moi je dis qu’à ce point de caricature, les enfants d’aujourd’hui, même tous petits, ne peuvent s'y méprendre.
Aussi ne boudons pas notre plaisir. Savourons ce charme surané, ces dialogues nian-nian, cette musique omniprésente assénée avec lourdeur à chaque gros plan de l’héroïne poseuse et accessoirement, l’apparition, ici ou là, de figurants et de seconds rôles devenus depuis, des acteurs connus et reconnus : Jean Rochefort évidemment, mais aussi Jean Lefèvre, Jean-Pierre Castaldi ou encore Michel Galabru, rien que ça.
Au passage, je vous fais profiter d'une vidéo à peine caricaturale d'une scène d'Angélique. Je suis tombée dessus en cherchant une vraie scène à ajouter à mon particle et je me suis bidonnée comme une loutre !
TÊTES DE CONS/ ANGELIQUE
par teleTOC