Vous prenez les musées lausannois, une ou deux agences de « com » et d’événementiel, la Banque cantonale vaudoise, vous mettez le tout dans un shaker, vous agitez vigoureusement pendant plusieurs minutes et vous obtenez un cocktail explosif, un concept branché, follement hype et tendance dont tout l’état d’esprit se résume en un seul slogan :
« Sortez de la crise, entrez dans vos musées »
Formidable, magnifique, extraordinaire ! Après avoir servi à encourager les gens à jeter leurs vielles bagnoles pour en acheter des nouvelles, à voler pas cher avec des compagnies low-cost, à acheter des crèmes anti-rides ou à contracter des assurances, la crise va enfin servir une noble cause : la promotion de la culture et, accessoirement, de la BCV.
C’est beau, non ?
C’est beau, c’est le modèle de communication de la Nuits des musées, mais c’est surtout une vue de l’esprit pleine de symboles à l’image de ceux qui sont véhiculés par la « bourse des valeurs culturelles » ou la « carte de crédit culturel illimité ».
Bourse, valeurs, crédit, illimité … art. Drôle de cocktail.
Un cocktail du deuxième degré, très conceptuel, qui nous promet « le plus grand plan d’enrichissement culturel jamais osé » avec « 100% d’intérêt culturel ».
Super ! Du musée, on va pouvoir s’en mettre plein les mirettes, en bouffer jusqu’à la nausée ou, au moins, jusqu’à s’en faire péter la sous-ventrière. Du musée à donf au moins autant que les transactions des traders fous qui se sont goinfrés de pognon encore et encore.
Le pied, l’extase, le nirvana.
Mais ce n’est pas tout, on aura en plus la joie infinie de se joindre à la procession de ceux qui se taperont une bonne dizaine de musées dans la nuit, on aura la chance de participer à des queues interminables et surtout, on aura le grand plaisir de se reconnaître, entre gens de bon goût, dans la nuit, grâce à la petite bourse et à la petite carte de crédit. Ces signes extérieurs de richesse culturelle qui me laissent un arrière-goût désagréable : la sale impression que les musées deviennent des lieux où l’on va pour se faire voir plutôt que pour voir.
Mais revenons brièvement à la crise et à sa sortie par la « muséothérapie ».
Nul doute que, pour ceux qui ne sortent plus de chez eux, qui dépriment, qui se terrent, largués par la crise, les licenciements, les délocalisations, pour les petits épargnants naïfs, les working poor, les surexploités parce que sous-qualifiés, nul doute, disais-je, qu’elle sera des plus efficaces.
Allez les endommagés collatéraux du capitalisme triomphant, faites comme tout le monde : allez au musée pour sortir de la crise. Vous verrez, ça ira mieux après.