Magazine Politique
A peine la leader socialiste engage-t-elle une offensive médiatique qu'elle subit le retour d'attaques très vives s'en prenant à sa personne davantage qu'au débat de fond.
C'est désormais systématique, chaque retour en force de Ségolène Royal est accompagné d'accusations diverses à l'exemple de la dernière sur de "supposés mensonges" quant à un prix lié à l'environnement.
Cette technique consiste à considérer que l'opinion ne choisit plus positivement mais élimine. Il faut donc lui donner des raisons pour "voter contre".
C'est une technique très développée dans les campagnes US.
La présidentielle 2004 a été caricaturale en la matière.
Jusqu'en août 2004, Kerry incarnait une figure emblématique de la guerre du Vietnam. Lors des primaires républicaines, après la victoire écrasante de Mc Cain dans le New Hampshire pour la présidentielle 2000, George Bush avait déjà ouvert des hostilités de façon colatérale sur les états de service du Sénateur Mc Cain. Il s'agissait d'insinuer des doutes.
En août 2004, une opération de toute autre envergure est engagée contre JF Kerry. Les républicains font lever tous les tabous et conduisent une attaque en règle contre les états de service de JF Kerry lors de la guerre du Vietnam. C'est la 1ère fois que des attaques seront portées non seulement sur les points faibles d'un candidat mais sur les points forts de celui-ci afin que rien ne résiste à l'affrontement. Cette technique est le résultat de l'apparition dans les équipes de campagne d'une nouvelle fonction : " opposition research ".
Une fonction nouvelle à part entière qui est officiellement appelée " opposition research ", " oppo " dans le jargon quotidien.
Cette fonction consiste à passer au microscope tout ce qui pourrait nuire au concurrent dans sa vie.
Tous les magazines, journaux, votes sont épluchés pour détecter les failles de l'adversaire, ses points manifestement faibles. Bien davantage, aucun point fort n'est désormais reconnu comme insurmontable ou incontestable.
Selon certaines sources dignes de confiance, 40 personnes auraient travaillé dans une cellule de ce type pour chaque candidat à la présidentielle américaine de 2004. Puis, toutes les informations sont intégrées sur ordinateur.
Le RNC ( Republican National Committee ) a même organisé un service interne de logistique qui couvre en permanence les principaux démocrates. Tout est classé par thème. Vous appuyez sur un mot et toutes les déclarations sortent avec leurs contradictions, leurs excès, les votes…
Cette méthode a pris une telle importance que désormais le
1er service des " oppo " consiste à fouiller dans le passé de leur propre candidat pour identifier ses points faibles afin de prévenir et de s'organiser en conséquence. Ils effectuent ce travail avant même de s'occuper des candidats concurrents.
Les campagnes électorales deviennent des vrais lieux de guerre avec pour objectif quasi-déclaré : la destruction pure et simple de l'adversaire. Cette " technique " connaît un développement accéléré avec la place désormais prise par Internet. Le circuit entre l'émetteur et le récepteur est tellement court que de telles " révélations " n'ont plus à être filtrées par un intermédiaire extérieur comme un journal. L'informatique offre des possibilités de stockage et de croisement d'informations qui démultiplient les possibilités d'un telle approche. Lors de l'élection présidentielle de 1990, chaque membre influent de l'état-major de campagne de Bill Clinton avait sur ordinateur une documentation classée par thème relative au Président sortant : promesses non tenues, financiers des campagnes, votes … Tout était ainsi réuni pour répondre sur l'instant à une initiative de leur concurrent.
Cette approche rencontre une conjoncture d'autant plus porteuse que les programmes politiques ont perdu de leur importance.
L'enjeu n'est plus d'analyser un programme mais de mieux connaître une personnalité, son histoire, son tempérament.
L'enjeu n'est plus de croire dans l'opposition entre un candidat honnête et un opposant malhonnête. La malhonnêteté est partagée. Ce qui l'est moins c'est d'établir le degré de gravité.
Cette approche n'est pas limitée aux USA. Le 1er leader européen a avoir repris cette organisation a été Tony Blair lors de l'élection de mai 1997. Au 1er étage de la Millbank Tower, une tour défraîchie au bordd e la Tamise, il a installé le modèle " Excalibur ".
Ce modèle comprenait un programme " rapid rebuttal " ( riposte rapide ) très directement inspiré des techniques de la " war room " de Bill Clinton.
En 30 minutes, ce programme informatique mettait en évidence toutes les contradictions d'un concurrent, ses votes défaillants…
Lors de la présidentielle 2008, l'équipe de Barack Obama se préparait à une offensive de ce type ; ce qui avait justifié initialement l'effort financier pour acheter 30 minutes sur toutes les chaînes TV influentes dans la dernière semaine du vote. Mais la crise financière était passée par là et avait totalement changé la donne. Les 30 minutes ont été occupées pour un autre message.
Avec la réforme de la santé, on voit actuellement sortir les "vieux dossiers" à l'exemple notamment des données sur la "vraie nationalité" de Barack Obama ... ; tous ceux qui étaient prêts pour novembre 2008 mais impossibles à utiliser dans cette conjoncture exceptionnelle.
Le rapport systématique sur les "dossiers diffusés" contre Ségolène Royal impose désormais de se demander si la France est entrée dans cette logique ?
La leader socialiste ne devrait pas prendre avec indifférence l'impact de cette méthode qui est souvent comparée à la façon d'éventrer un oreiller de plumes par jour de vent. On ne sait jamais où les plumes partiront mais elles partiront et se déposeront ...
L'équipe Obama avait ouvert un site Internet dédié sur lequel les rumeurs les plus "folles" étaient reprises, assumées et faisaient l'objet d'un argumentaire détaillé. A quand l'ouverture d'un tel site par l'équipe de la leader socialiste ? C'est un enjeu de communication qui impose des arbitrages rapides car la facilité est d'opposer le mépris à la rumeur sans savoir où les "plumes vont se déposer" mais elles se déposeront et laisseront des traces ...
L'altération partielle de l'image de marque de Ségolène Royal dans la période immédiate de la présidentielle 2007 n'est-elle pas liée déjà à l'effet de telles méthodes ?