crédit illustration : Variance Films
Nat-sul, ou encore "Daytime drinking", est un film d'auteur tourné avec un budget plus que limité, et des acteurs (encore) inconnus. C'est aussi un film drôle et réussi, qui passe la Corée au révélateur le plus efficace, celui du soju...
Réalisé en 2008 par le jeune réalisateur Noh Young-sok, dont c'est le premier long-métrage, Nat-sul nous entraîne dans une odyssée affligeante, celle de Hyok-jin, un jeune Séoulite semi-dépressif qui vient de se faire plaquer par sa copine. Un ami, lors d'une soirée bien arrosée, réussit à le convaincre de partir à la campagne quelques jours pour se changer les idées : c'est le début d'un road-movie de looser, un voyage en plein hiver qui sera tout, sauf initiatique. Car Hyok-jin a le chic pour prendre systématiquement les mauvaises décisions, choisir le mauvais chemin, comprendre de travers ; au cours de ses consternantes pérégrinations, il va perdre successivement son sac, son portefeuille, son pantalon, et sa dignité. Et il ne tirera aucune quelconque leçon de ses malheurs.
Le film se déroule dans les montagnes de la province de Gangwon. C'est une véritable invitation au voyage, mais au voyage à la Nicolas Bouvier, à la dure, celui du temps perdu dans des gares routières grises et des gargotes crasseuses, celui des rencontres avec des personnages louches et des motels dépressifs. Une ode tordue au charme cafardeux des petites villes de campagnes de l'hiver coréen, désertes et solitaires, où le seul moyen de trouver du réconfort et de la chaleur humaine est de pousser la porte des petits restaurants, et de commander une bouteille de soju. La Corée de Nat-sul, ce ne sont pas les paillettes artificielles du Sparkling Korea vendu par l'office du tourisme local : elle sent la sueur et les vapeurs d'alcool, elle fatigue de ses conversations d'ivrogne, et on y finit assommé par le soju dans un karaoké miteux. Mais elle est vraie, vivante, et finalement attachante.
Hyok-jin est véritablement assailli par la bêtise de ses contemporains, et ce n'est pas la bouteille d'alcool que l'on sort à tout moment qui va arranger les choses. Tout juste les rend-elle plus supportables. Car l'alcool, sul en coréen, est le véritable sésame du film : il est le seul moyen de nouer des relations, de surmonter les gênes et les conventions sociales asphyxiantes, bref, de briser le carcan. Dans l'ambiance enfumée et sombre des suljib, l'atmosphère se réchauffe, les voix montent, les perles s'enfilent, tandis que les bouteilles vides s'entassent. Une peinture juste d'une société qui, pour affronter ses problèmes, a avant tout le réflexe de lever le coude.
Sorti en 2008, Nat-sul a été présenté à de nombreux festivals, et a même gagné divers prix à Jeonju, Locarno, et Vézoul.