La presse sous contrôle, c'est une réalité qui n'est pourtant pas ou mal acceptée par la plupart des patrons de presse et directeurs de publication qui se disent, à tort, encore indépendants. Ce qui relèverait d'une forme de déni s'ils en étaient vraiment convaincus. En tous cas, si les journaux dont ils ont la responsabilité et qui ne leur appartiennent heureusement pas, sont encore dignes de crédit c'est le fait de salariés qui essaient d'y transmettre l'information en toute conscience et honnêteté.
Parmi les exemples d'indépendance perdue, quasi définitivement et de façon plus ou moins spectaculaire, on peut notamment citer le cas du Nouvel Observateur, volontiers récidiviste.
Avant les vacances, ce bastion supposé de la presse d'opposition socialiste, a préféré consacrer quelques pages d'interview à N. Sarkosy, entrecoupées de publicités glacées très chiques, plutôt que de s'intéresser à un vrai débat de société ou à l'évolution du PS, en butte à ses démons et pour cause. Du « j'aime tellement la gauche que je lui tape dessus en permanence à bras raccourcis », on est passé à « j'ai tellement réfléchi à ce que pouvait être l'opposition que, finalement, j'y renonce et me soumets à la résistible pensée unique ». Le magazine gauche caviar s'est visiblement rangé du côté des Bruni, Val, Lang, BHL, Kouchner et Cie, et glissé dans une des antichambres de la presse people. Ce qui est étonnant, c'est le peu de bruit que cette contorsion a suscité. Pas même un courrier des lecteurs qui lui ait été dédié dans les numéros d'après. Quant à l'efficacité du coup médiatique « pour sauver le journal », il y a de quoi rester perplexe. Voir note précédente.
Du moins dans sa forme traditionnelle, la presse écrite est peut être en train de disparaître définitivement, et du même coup, le meilleur de son contenu échapperait à ceux qui souhaite encore la contraindre.
Désormais on peut compter sur un nombre croissant d'anciens journalistes qui, d'Edwy Plenel - Mediapart -, à Daniel Schneidermann - @rrêt sur images -, en passant par Eric Mettout - Nouvelle Formule -, préfèrent dirent ce qu'ils pensent en dehors des canaux officiels. En passant par le numérique, ils échappent à la censure.
Autre avantage pour leurs lecteurs : la parole de ces insubordonnés devenant diffuse, il leur faut un surcroît d'énergie, de savoir faire et d'intelligence pour la rendre audible ou lisible. Les lecteurs qui sont aussi des blogueurs ont tout à y gagner.
Si ce n'est pas déjà une réalité, une autre presse est donc en train de se mettre en place. Comme son ainée, elle peut être sujette à caution mais au moins la liberté y est-elle protégée de fait comme aux Etats-Unis, et de façon extensive, au-delà de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui autorise des restrictions à cette liberté.
Difficile d'imaginer en effet que la presse internet puisse être aussi bien contrôlée ou muselée que l'actuelle presse écrite concentrée entre les mains de personnes physiques dont les capitaux et/ou connivences politiques sont synonymes de pluie et de beau temps. Même la Chine ne parvient pas tout à fait à baîlloner ses blogueurs récalcitrants.
La partie n'est pas gagnée pour autant et même si le repli vers le numérique s'organise, c'est bien la presse traditionnelle qui pour le moment, est en danger, et qu'il faut aider.
Lors d'une réunion organisée le 26 août dernier à Jarnac par la Convention pour la 6ème République, quelques pistes ont été indiquées par Edwy Plenel. Notamment :
- Généralisation du droit d'accès des citoyens à la « mémoire publique »
- Garantie réelle du secret des sources
- Création d'un statut européen de sociétés de médias à but non lucratif, qui seraient exonérées de TVA
- Re-fondation les droits et les devoirs des journalistes et du public.
Si les contre-pouvoirs démocratiques font de la résistance, c'est tant mieux et c'est à suivre...