Annonce sous la condensation des souffles : train bloquée à quai jusqu'à nouvel ordre. Micro ouvert, micro fermé, la transition grinçante des fiches entre les deux. La plupart des corps immobiles le reste et d'autres se laissent tomber du quai, remontent doucement entre les rails, pas après pas après pas sur les graviers. Les premiers anonymes ont mis leurs masques blancs déjà teintés gris sur les lèvres et on ne se parle pas, les soupirs sous les masques crachotent. Bientôt la nuit, toujours quelques récalcitrants sur le quai, ils attendent, attendent encore, des si jamais accrochés sous les lèvres. Lorsque les lumières de la gare s'éteignent ils perdent espoir, ne l'ont jamais vraiment eu. Ils forcent ouvertes les portes du wagon, s'installent à l'intérieur, déposent tenailles et pieds de biche, s'allongent entre les sièges, masques noirs remontés sur les yeux depuis la bouche. Certaines gorges toussent, on s'écarte. Des familles occupent des rangées entières, s'endorment en chuchotant. J'apprends peu après que l'immobilisation de la ligne est due à un nouveau vol de câbles électriques et qu'aucun train sur cette voie ne pourra reprendre mouvement avant des jours. Je m'installe avec eux et attends venir demain.