Depuis le début de l’été, nous vivons dans la psychose d’une pandémie de grippe dévastatrice. Psychose savamment distillée par des pouvoirs publics hyperactifs, désireux de montrer à quel point ils s’occupent bien de notre santé, entretenue parfois sans beaucoup de vergogne par des médias ravis de meubler la trêve estivale, absorbée sans réel discernement par un public rattrapé par une peur ancestrale et viscérale de toutes les formes de maladies fortement contagieuses.
Il est vrai que le gouvernement a mis le paquet pour créer la panique. Le scénario agité depuis trois mois est celui d’une grippe de type espagnol, particulièrement virulente, à même de répandre le chaos sur son passage, de tuer des millions de personnes et d’enfoncer l’économie dans une dépression durable. Les médecins les plus sérieux, les instituts économiques les plus compétents, les responsables politiques les plus influents se sont amusés à se faire peur et ont ainsi contribué à semer la panique.
Ce scénario est-il crédible ? Rassurez-vous, pas le moins du monde. Il s’agit en réalité d’une remise au goût du jour de celui qui avait été échafaudé dans les officines administratives en 2005, au moment de la grippe aviaire. A l’époque, on estimait qu’une personne sur deux infectée par le virus était condamnée à mort et qu’il pourrait y avoir, en cas de pandémie, des millions de victimes. On n’a compté en réalité que quelques centaines de morts, mais le risque était là et il convenait de s’y préparer.
La grippe porcine actuelle n’a rien de commun avec la grippe aviaire. Dans ses prévisions les plus pessimistes, l’OMS estimait au début de l’été que 30 % de la population pourrait être concernée et que la mortalité pourrait être de 4 pour 1000. A l’échelle de la France, cela représente environ vingt millions de malades et quatre-vingt mille morts. Cinq canicules ou encore quinze ans d’accidents de la route en quelques mois, ce qui est loin d’être négligeable bien sûr.
Mais la réalité a toutes les chances d’être bien plus modeste. Sur la base des enseignements collectés en Nouvelle-Calédonie, où la pandémie a atteint son point culminant, on peut raisonnablement estimer que la grippe ne devrait toucher que 15 % de la population au maximum et que la mortalité devrait être très inférieure à 1 pour 1000. Il pourrait y avoir de l’ordre de 5000 décès, à peu près autant que dans le cas d’une grippe saisonnière.
Ces chiffres étant connus de tous les responsables, pourquoi tant d’hystérie et pourquoi n’a-t-on pas fait retomber la pression ? Pourquoi continuer à agiter le spectre de fermetures d’administrations, d’entreprises et d’écoles qui ont extrêmement peu de chances de se produire ? Pourquoi s’obstiner à vouloir vacciner toute la population alors que ce type de mesure n’a jamais permis d’endiguer une pandémie dans le passé et que les effets secondaires de la vaccination sont loin d’être maîtrisés ? Voir à cet effet le communiqué du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) daté du 1/9/2009 : il estime que la vaccination massive de la population contre la grippe H1N1 présentait des risques en raison de certains composants du vaccin et de tests jugés trop peu nombreux.
Les arguments médicaux annoncés ne tiennent pas la route. La mutation du virus en une souche beaucoup plus virulente dans un délai très court est hautement improbable, pour ne pas dire impossible. Une telle mutation rendrait par ailleurs totalement inutile la vaccination de masse envisagée puisque le vaccin aurait très peu de chances d’être efficace contre le virus mutant.
L’explication de l’acharnement politico-médiatique auquel nous sommes confrontés est plus prosaïque. La pseudo-pandémie dont on nous rebat les oreilles depuis trois mois est au fond le fruit empoisonné du mariage très bling bling entre la politique spectacle et le principe de précaution. Reconnaître que l’on s’est trompé reviendrait donc à perdre la face, ce qui n’est pas bon en politique. Persévérer dans l’erreur et continuer à soutenir mordicus qu’il y a péril en la demeure et que les mesures prises sont justifiées est au contraire sans risque : si la pandémie est en définitive plus grave que prévue, le public applaudira et louera la prévoyance de ses dirigeants ; dans le cas contraire, on pourra toujours prétendre qu’un risque n’est par construction jamais certain et que les précautions prises étaient donc justifiées.
La limite de l’épure est le coût du dispositif. S’il se limite au milliard des vaccins commandés et à quelques frais accessoires, il sera vite passé par pertes et profits et oublié. Le risque est cependant que la facture ne soit bien plus conséquente. Une psychose durable au cours de l’automne pourrait durement pénaliser les secteurs de la distribution, des transports, du tourisme et des loisirs et enfoncer ainsi encore plus l’économie dans la récession. L’addition pourrait en définitive grimper à un point de PIB ou plus. Dans ce cas, le citoyen-électeur-malade potentiel pourrait être beaucoup moins indulgent et demander des comptes lors des élections à venir. Et nous assisterions ainsi à un énième remake de l’arroseur arrosé…