Lecture, roman et édition: auteur ou éditeur?
Raymond Viger Dossier Art et Culture
Suite à un article de François Richard sur une fraude qu’un auteur Québécois, Léandre Bergeron, a subi en se faisant copier son livre par un Tunisien nommé Mohamed Anouar Brahim, un débat a lieu sur la pertinence d’éditer à compte d’auteur ses livres.
Le débat débute avec une affirmation de M. François Richard qui en a fait sauter plus d’un:
Les éditeurs existent pour séparer les bons manuscrits des mauvais et proposer aux acheteurs de leurs livres des produits de qualité. Il existe une multitude d’éditeurs qui assurent une diffusion aux ouvrages les plus divers… Si un auteur n’a réussi à se faire publier par aucun éditeur professionnel, c’est peut-être parce que ce qu’il écrit est inintéressant, voire déplacé et haineux comme dans le cas des écrits de M.Brahim, ou simplement mal rédigé. Peut-être l’auto-édition n’est-elle qu’une façon d’offrir une tribune à des gens qui n’en méritent pas.
Des auteurs réagissent
Même si M. Richard a reçu plusieurs commentaires d’auteurs qui passent par l’auto-édition, je me devais de prendre position dans ce débat. N’oublions pas que les Éditions TNT ont commencé par être une auto-édition de mes livres avant d’offrir aux jeunes que notre organisme accompagne de pouvoir publier leurs livres par l’intermédiaire des Éditions TNT.
Comment fonctionne une maison d’édition
Les maisons d’édition fonctionnent par budget. J’en connais une qui édite 2 à 3 livres par année. Ils ont décidé d’aller chercher des auteurs étrangers qui ont déjà publié et que leur livre a déjà connu un certain succès.
Un autre éditeur se spécialise dans les livres dont le sujet a été très médiatisé, voire un scandale. Ils espèrent ainsi que le battage publicitaire permette d’assurer la rentabilité du livre. Les personnes ayant vécu ces événements étant rarement de bons auteurs, le livre est écrit par un ghost-writer, c’est-à-dire un rédacteur qui fait tout le travail de l’auteur. Personnellement, quand ce n’est pas clairement identifié, j’appelle cela de la fausse représentation. On leurre le public en leur faisant penser que telle personne a écrit le livre.
Il y a aussi les éditeurs qui lancent un livre. Après 6 à 12 mois, si les ventes n’obtiennent pas le volume espéré, le livre est alors envoyé au pilon, c’est-à-dire détruit et retiré des librairies. Cela ne veut pourtant pas dire que le livre n’est pas bon ou mal écrit. Cela veut dire qu’il ne vend pas assez.
Plusieurs éditeurs québécois sont en fait des maisons d’auto-édition. Après avoir mis en place leur propre maison d’édition, ils offrent leur service à d’autres auteurs. Question de rentabiliser les services mis en place pour l’édition de leur livre personnel.
Il y a ensuite les éditeurs spécialisés qui font en réalité de l’auto-édition. Les Éditions Protégez-vous en est un bel exemple. Un organisme communautaire qui a une mission de protection du consommateur. Il publie des livres qui traite des sujets reliés à leur mission. Certains organismes et entreprises qui font de l’auto-édition comme Protégez-vous assurent une qualité dans les livres publiés. Mais en est-il de même pour tous les autres? Le spectre de qualité est très large passant des Éditions Protégez-vous jusqu’à l’Église de Scientologie et Rael!
Les Éditions TNT
Début des années 1990, j’avais écrit plusieurs textes. Des gens que je croisais dans des différents lieux ne cessaient de me demander de faire des photocopies. Tanés de faire ces photocopies et trouvant que ça commençait à coûter cher, j’ai décidé que mes livres seraient édités.
Le premier livre que je voulais éditer, Après la pluie… Le beau temps, est un livre de recueil de textes à méditer. Un livre spirituel de croissance personnelle. J’ai rencontré quelques connaissances dans le milieu. Premier commentaire: "Si tu en vends 75, c’est beau." Ensuite, si je voulais le faire éditer, il fallait que j’accepte certaines contraintes: conférence de presse, tapage publicitaire, mettre ma photo derrière le livre, mettre de l’emphase sur mon vécu pour que ça soit "plus" vendeur…
Pas intéressé à ce genre de présentation, j’ai décidé de l’auto-éditer. Par choix et pour respecter le cheminement que je voulais vivre avec mes livres. Je ne voulais pas que l’on pousse trop vite sur le livre. Je voulais qu’il prenne tranquillement sa place. Le mot "tranquillement" ne fait pas parti du vocabulaire des éditeurs commerciaux.
C’est ainsi qu’en 1992, Après la pluie… Le beau temps a été publié. J’en suis rendu à près de 4 000 exemplaires vendus. J’ai reçu beaucoup de lettres et de commentaires de gens qui l’ont utilisé et qui ont été aidé par ce livre. Et je continue encore d’en vendre.
Un éditeur communautaire
Suite à la publication de mes livres, j’ai décidé de donner les Éditions TNT à l’organisme communautaire dans lequel je m’implique. Cela permet à Reflet de Société de publier des livres, des CD de musique, des documentaires de jeunes que nous accompagnons.
Les auteurs des Éditions TNT sont majoritairement des auteurs qui n’auraient jamais été publiés par un éditeur conventionnel. Des auteurs qui ne cherchent pas nécessairement une rentabilité financière dans la première année. Mais ce sont des auteurs qui ont le droit de s’exprimer et de prendre leur place. Les Éditions TNT leur permettent de faire une auto-édition et d’avoir un encadrement pour avoir une présentation le plus professionnelle possible avec les moyens dont nous disposons.
Cela a aussi permis au Café-Graffiti d’avoir un livre, Opération Graffiti, qui présente sa méthode d’intervention, la relation créé avec les jeunes… Un livre qui n’aurait jamais vu le jour si nous avions attendu après un éditeur conventionnel.
Les éditeurs conventionnels ne peuvent pas garantir une variété complète. Ils font ce qu’ils peuvent avec les budgets qu’ils ont et la mission commerciale qu’ils doivent soutenir.
L’auto-édition fait parti de la liberté d’expression et de presse qui est essentielle pour toute société. Cette liberté d’expression m’est très précieuse. Elle fait partie intégrante de la mission de l’organisme. C’est ce qui permet à des auteurs comme François Richard de s’exprimer et de dire le contraire de ce que je pense, tout en travaillant en équipe avec lui.