Tout au long du mois d’aout, mes plus fidèles lecteurs auront suivi nos aventures trépidantes et hautement improbables dans l’empire du milieu. Bien qu’il suive le véritable trajet de notre voyage, ce récit reposait sur un certain nombre de spéculations et d’anecdotes imaginaires et humoristiques. Comme promis, voici aujourd’hui le récit authentique, saignant et moyennement drôle de nos véritables aventures.
Jour 1 : Le voyage et l’arrivée à Beijing (Pékin).
Comme je l’ai écrit précédemment, nous avons emprunté une compagnie russe pour nous rendre à Pékin. 415 euros aller-retour entre Paris et Beijing, difficile de faire mieux. À ce prix là, je m’attendais à un niveau de service et de confort minimal, corroboré par la réputation noire de d’Aeroflot. Ce fut la première bonne surprise de notre voyage. Le service est irréprochable : Personnel souriant, repas de bonne qualité, peu ou pas de retard et propreté de l’avion irréprochable. L’organisation et l’amabilité des douanes russes fut en revanche assez contestable : Longue attente dans le plus parfait désordre avant de se faire admonester par une matrone acariâtre. Pendant cette escale, nous avons sympathisé avec un coupe d’étudiants chinois qui rentraient au pays. Le copain dénonça le manque d’organisation des Russes, arguant que si la Chine faisait ça, elle ne pourrait pas se développer.
Nous arrivons à Beijing comme prévu en milieu de matinée. Nous récupérons nos bagages après une rapide inspection sanitaire. Quand nous sortons de l’aeroport, l’atmosphère est lourde et saturée en humidité. Le ciel est totalement masqué par un mélange de brume et de pollution. Il est d’un blanc laiteux assez inquiétant. L’achat des tickets de bus pour le centre ville fut notre premier contact avec les mœurs chinoises. Un seul guichet placé au milieu du trottoir devait pourvoir tous les passagers, lesquels se précipitaient vers l’unique officiant à coup d’épaule et le bras tendue avec la somme requise. Pour être clair, c’est la loi de la jungle. Là, j’ai repensé aux critiques de notre ami chinois sur l’organisation russe et j’ai compris que c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité.
Après une longue discussion dans un chinois sommaire et le guide à la main, nous finissons par monter dans le bus, ensevelis sous nos bagages. Le chauffeur nous dépose quarante minutes plus tard au bord de la rue. Là, je dois avouer que nous sommes un peu perdus. Nous venons de débarquer et nous n’avons aucune idée de notre position. Les rues sont très bruyantes, sales et bordées d’immeubles gris. Un conducteur de pousse-pousse qui nous a abordé parvient à nous indiquer la station de métro la plus proche. Le métro pékinois est un havre de paix et d’organisation dans une ville et un pays assez bordélique. Les noms de stations sont écrits en pinyin (avec l’alphabet latin), les couloirs sont propres et les lignes assez bien indiquées. Le côté le plus désagréable du métro pékinois, ce sont en fait les pékinois eux-même. Ils ont tendance à doubler systématiquement les gens pour acheter les billets, même quant il n’y a que trois personnes qui attendent. Sans un caractère conciliant et une certaine indifférence envers les affronts j’aurais eu recours à la violence dès le premier jour. Une fois sur le quais, la coutume est de rentrer dans le métro avant que les passager ne descendent. Certains parisiens font la même chose me direz-vous, certes, mais avec une fréquence bien moindre. Nous arrivons à notre hôtel en début d’après-midi, un peu K.O.. Il se situe dans un quartier de hutongs (petites ruelles), à l’ouest de la vieille ville. Le guide vantait le caractère pittoresque de ces quartiers aux vieilles maisons de briques. Au gré de nos déambulations, j’ai plutôt eu l’impression de m’égarer dans des bidonvilles, au milieu de maisons délabrées, au bord de rues sans trottoirs où les gens jettent des bassines d’eau. Notre hôtel était quant à lui assez joli et agréable. Il s’agissait d’une ancienne siheyuan, maison traditionnelle, aménagée autour de ses deux cours.
Une fois installés, nous avons passé un coup de téléphone à deux amis chinois que j’avais contacté sur Internet. Ils sont arrivés environ une heure plus tard. Ils ont commencé par nous offrir des cadeaux de bienvenue : Un miroir pour une amie commune, des boissons traditionnelles et un superbe jeu de pierres de go. Il s’agit de pierres yunzi typiquement chinoises. Les pierres noires sont opaques quand on les pose sur le plateau mais sont vertes à la lumière. Avec ma boîte de calissons d’Aix, je me sentais un peu mal à l’aise. Depuis l’antiquité, dans tout échange de cadeaux on doit veiller à un certain équilibre. On appelle ça le don/contre-don.
Nous décidons d’aller visiter le palais d’été en leur compagnie. Nous partons en taxi pour une longue course au nord de la ville. Les taxis en Chine sont très bon marché par comparaison à l’Europe, même pour les chinois. Une petite course à Beijing coûte entre un et deux euros, parfois moins dans les villes de province. Le Palais d’été est une pure merveille d’architecture. Chaque porte, chaque bâtiment, chaque colonnade mérite le déplacement. Les bâtiments et les temples s’étendent autour d’un gigantesque lac artificiel où la moindre parcelle du paysage a été façonnée par la main de l’homme. Au cours de la promenade, un groupe de jeunes chinois me demande de les prendre en photos. Une fois la photo effectuée, ils m’ont rappelé pour poser en leur compagnie. Le premier d’entre eux vint se placer à côté de moi et me demandant de poser mon bras sur l’épaule, puis il est remplacé par le deuxième et ainsi de suite. Ça, c’est le côté le plus sympa en Chine. Beaucoup de gens sont très curieux avec les Occidentaux et nous demande quotidiennement de poser sur des photos. Après cette expérience, je suis immédiatement allé me moquer de Fabrice, qui, lui, n’avait pas été photographié. “Ah ! Ah! Tu vois, ici je suis connu. Je suis une star, comme Chuck Norris, alors que toi, personne ne te connait !”
En sortant du Palais d’été, nous proposons aux amis de manger dans un restaurant de leur choix. Ils nous emmènent manger la grande spécialité de Beijing, le célèbre canard laqué. Je ne savais pas exactement comment était préparé cette spécialité. J’imaginais une sorte de canard rôti avec une sauce pimentée, plutôt sec. Il s’agit en réalité d’une préparation beaucoup plus compliquée.