Grippe A : pas de panique!

Publié le 31 août 2009 par Tnlavie

   Fin avril 2009, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) annonçait qu’un nouveau virus de la grippe A avait fait son apparition aux Etats Unis: cette souche A(H1N1)2009, n’avait jamais circulé précédemment chez l’homme. Le lendemain, le Mexique publiait le bilan alarmant d’une épidémie liée au même virus. Le 11 Juin, en raison de la rapide propagation du virus, l’OMS relevait le niveau d’alerte de la phase 5 à la phase 6, signant le début de la pandémie.

Une « drôle de guerre » débute alors mobilisant pouvoirs publics, experts et professionnels de santé, relayée par des médias d’emblée très alarmistes. Il ne fait aucun doute que l’ennemi annoncé a un large potentiel pandémique, probablement très sous estimé, mais l’immense majorité des cas sont pour le moment relativement bénins. En même temps, la survenue d’un petit nombre de formes graves et de décès, chez des personnes plutôt jeunes, inquiète et à juste titre. La France prépare son plan de résistance et l’opinion s’interroge : en fait-on trop, pas assez, au bon moment ?

Après ces huit premières semaines, la France semble moins touchée que d’autres pays européens dont la population est équivalente. L’Institut de Veille Sanitaire (InVS) souligne qu’en métropole “la circulation du virus est actuellement avérée mais reste limitée”, données labiles dès lors que surviendront les premiers regroupements d’enfants et le retour d’un climat plus froid et humide.

Il est estimé qu’environ une personne sur deux sera infectée et qu’une personne sur 3 sera symptomatique. Le risque de contagion semble faible pour les personnes de plus de 60 ans, vraisemblablement parce qu’elles ont déjà rencontré des virus semblables dans le passé. Ce sont les enfants et les adultes de 20 à 40 ans, n’ayant pas d’immunité protectrice, qui sont d’ores et déjà les principales cibles du virus.

L’objectif poursuivi par les pouvoirs publics est celui dit d’ « atténuation » du pic de l’épidémie, par mise en œuvre une politique de ralentissement de la transmission du virus. Elle a notamment pour but d’éviter la surcharge du système de soins, qui doit rester opérationnel pour prendre en charge les cas graves.

Au XXe siècle, on a dénombré trois pandémies grippales. En 1918-1919, la pandémie de la “grippe espagnole” (virus A/ H1N1) a touché le monde entier. Les estimations, disponibles sur le site de l’OMS indiquent qu’au moins 40 millions de personnes en sont décédées. Les pandémies suivantes ont été beaucoup moins sévères : en 1957-58, la “grippe asiatique” (virus A/H2N2) et en 1968-69, la “grippe de Hong-Kong” (virus A/H3N2).

La grippe A(H1N1) est une infection respiratoire aiguë contagieuse due aux virus Influenzae. Les virus grippaux se répartissent entre différents types : A, B et C. Les virus A et B sont à l’origine des épidémies saisonnières mais seul le virus A est responsable de pandémies, le virus C occasionnant des cas sporadiques. Les virus grippaux se caractérisent par leurs fréquentes mutations. Cette évolution génétique se fait soit par glissement (« shift ») lors des épidémies saisonnières, soit par cassure (« drift »). Ce dernier phénomène ne concerne que les virus de type A, qui est responsable de l’apparition de nouveaux virus contre lesquels la population n’est pas immunisée et génère des pandémies grippales.

Le virus de la nouvelle grippe A(H1N1) résulte de phénomènes de recombinaisons à partir de virus de porc, humain et aviaire se révélant être transmissible d’homme à homme. La transmission du virus se fait principalement par voie aérienne mais peut également être manu portée.

Les symptômes comprennent un syndrome respiratoire aigu (toux, dyspnée) brutal accompagné de signes généraux, fièvre>38° ou courbature ou asthénie. Les symptômes durent de quelques jours à une semaine. La contagiosité débute 24H avant les débuts des signes et peut persister jusqu’à 7 jours, nécessitant l’isolement respiratoire de la personne pendant toute cette durée.

La létalité directe (et non globale) de la nouvelle grippe A(H1N1), d’abord considérée comme équivalente à celle de la grippe saisonnière, a été évaluée 100 fois supérieure à celle de la grippe saisonnière, comme le rapporte récemment la revue PLoS Currents Influenza. La mortalité associée à la grippe a trois causes principales: une décompensation de pathologies sous-jacentes, une surinfection pulmonaire bactérienne (le plus souvent à pneumocoques) et une origine virale directe, conduisant à une pneumonie et un syndrome de détresse respiratoire aiguë. Ces complications surviennent essentiellement sur un terrain débilité comme une immunodépression, une maladie chronique (insuffisance respiratoire, cardiaque, rénale, diabète…) une obésité ou chez des personnes fragilisées en raison de leur jeune âge (nourrissons) ou chez les femmes enceintes.

En présence de ces facteurs de risque, le risque de devoir être hospitalisé est estimé à 2 à 5 % des malades. A l’échelle de la France, cela pourrait représenter 500 000 personnes. Il est estimé qu’un malade hospitalisé sur 3 nécessitera une hospitalisation en soins intensifs. Le risque de décès est estimé à 1 à 4 personnes pour 1 000 malades.

La moyenne d’âge des patients hospitalisés est de 25 ans, celle des cas graves de 43 ans. On ne retrouve pas de terrain particulier pour 39% des patients hospitalisés. Selon le bilan global publié par l’OMS le 28 aout 2009, la grippe A (H1N1) a été responsable du décès d’au moins 2 185 personnes (proportion infime quand on estime à plusieurs centaines de milliers le nombre de cas!!!); 40% des décès concernerait néanmoins de jeunes adultes en bonne santé.

En comparaison, la mortalité imputable à la grippe saisonnière est évaluée à environ 4 000 à 6 000 décès chaque année et concerne essentiellement les sujets âgés de plus de 65 ans.

PRISE EN CHARGE DES CAS

Devant des signes grippaux, il est actuellement recommandé d’orienter le patient vers la consultation de son médecin traitant. Si l’examen ne retrouve pas de signe de gravité ni de facteur de risque de complication, il est prescrit un traitement symptomatique sans traitement antiviral systématique ni examen complémentaire, le port de masque anti-projections, le repos à domicile, accompagné de recommandations d’isolement jusqu’à la fin des symptômes grippaux. En cas d’aggravation, les patients doivent contacter le centre 15 pour une réévaluation de leur situation.

En cas de facteur de risque de complication, la prescription peut comporter un traitement antiviral d’oseltamivir (Tamiflu®) administré de manière optimale dans les 48H suivant l’apparition des symptômes. Le médecin traitant devra s’attacher à rechercher l’exposition d’une personne à risque accru de complication dans l’entourage du cas afin de le faire bénéficier si nécessaire d’une chimio-prophylaxie antivirale.

Si l’examen médical révèle un signe de gravité, le patient est adressé vers une consultation hospitalière spécifique « grippe » où un prélèvement naso-pharyngé y sera réalisé avant mise sous traitement antiviral. Il est réalisé uniquement dans le cadre hospitalier, à l’aide des dispositifs prévus et adressé à température ambiante aux laboratoires P3 labellisés « grippe » sous triple emballage. En cas de test positif du prélèvement, le laboratoire P3 adresse le prélèvement au CNR de Paris ou de Lyon pour complément d’analyse.

Les antiviraux peuvent atténuer les symptômes, réduire la durée de la maladie et limiter le risque d’une forme grave ou de décès. Le virus de la grippe A (H1N1) est encore sensible à l’oseltamivir (Tamiflu®) et au zanamivir (Relenza®), bien que des cas de résistance au Tamiflu® commencent à être rapportés. En raison de la bénignité de la maladie à ce stade de la pandémie et de l’importance du nombre de cas, les traitements antiviraux doivent être réservés aux seules formes sévères ou survenant sur des terrains à risques de grippe grave. Son utilisation repose sur un fragile équilibre entre le bénéfice lié au ralentissement de la circulation du virus dans la population et le risque d’apparition de résistance.

VACCINATION

Afin d’assurer une protection efficace de sa population, la France a acquis 94 millions de doses de vaccins, auprès de quatre laboratoires différents : GlaxoSmithKlein, Sanofi-Pasteur, Novartis et Baxter.

Les premières vaccinations volontaires et gratuites contre la grippe A(H1N1) pourraient intervenir dès la mi octobre. A la date prévue de début de livraison des vaccins, les études cliniques prévues ne seront pas terminées, mais le plan pandémie prévoit une procédure rapide d’autorisation si l’urgence le justifie, tout vaccin nécessitant l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) avant distribution et administration.

Le vaccin A (H1N1) 2009, tout comme celui de la grippe saisonnière, est un vaccin inactivé. En raison des caractéristiques nouvelles de ce virus, il sera sans doute nécessaire de faire 2 doses de vaccin à 3-4 semaines d’intervalle. L’effet protecteur du vaccin n’est pas encore précisément connu, des modèles expérimentaux animaux étant encore en cours.

Grâce à un adjuvant plus immunogène contenu dans ces vaccins, on s’attend néanmoins à ce que la protection vaccinale soit plus élevée que celle obtenue par les vaccins contre la grippe saisonnière. Pour cette même raison, les autorités sanitaires prévoient une plus grande fréquence de réactions inflammatoires aiguës. Ces symptômes durent 24H et disparaissent spontanément. Les réactions allergiques graves à un composant des vaccins sont très rares et surviennent alors dans les minutes ou les heures qui suivent la vaccination.

Ces vaccins étant nouveaux, il est à ce jour encore impossible d’exclure un risque rare (1 à 10 par million) d’effets indésirables inhabituels ou graves. Ce risque est cependant beaucoup plus faible que le risque de complications de la grippe A H1N1 (2-3 pour cent) dans une population vulnérable.

Une polémique concerne le risque de survenue de syndromes de Guillain-Barré (SGB), trouble aigu auto-immun affectant le système nerveux consécutif à la vaccination. La vaccination de masse contre la grippe porcine lancée aux USA en 1976 a été en effet associée à une augmentation de risque de SGB (1-3 cas supplémentaires par 100 000 personnes vaccinées). Deux hypothèses ont été évoquées : un effet inducteur de SGB de la souche influenza de 1976 ou une contamination bactérienne des œufs utilisés dans la production des vaccins en urgence.

En raison de la politique de contrôle qualité des vaccins menée, le risque d’une augmentation du nombre de SGB est attendu comme aussi faible que pour n’importe quel vaccin contre la grippe saisonnière.

Les recommandations de vaccination sont actuellement en préparation par le Haut Conseil de Santé Publique. A ce jour la situation n’exige pas une vaccination rapide de toute la population. Le gouvernement a cependant pour objectif de la proposer à terme à l’ensemble de la population. Toutefois, dans la mesure où l’approvisionnement sera progressif, il est très probable que la vaccination soit réservée d’abord en priorité à certaines personnes, comme celles présentant un risque élevé de complications en cas d’infection, le personnel soignant ou les professionnels devant assumer des tâches indispensables au bon fonctionnement de la société. La vaccination ne sera pas probablement pas recommandée aux enfants de moins de 6 mois. Des précautions devront être prises pour les personnes allergiques aux protéines de l’œuf ou aux composants des vaccins.

Par ailleurs, la vaccination contre la grippe A (H1N1) ne dispense absolument pas de vacciner contre la grippe saisonnière sujets âgés ou à risques élevés de complications. Il n’y aura à priori aucune contre-indication à recevoir les deux vaccins mais les premières données font penser que les deux vaccins ne pourront pas être administrés en même temps.

A ce jour, aucun expert ne dispose d’éléments permettant d’évaluer l’impact précis de cette pandémie sur la population, que ce soit l’impact sanitaire ou socio-économique, ni le moment où les vagues successives vont survenir et encore moins de préjuger des capacités mutationnelles du virus A(H1N1).

Le défi va résider dans la capacité à utiliser nos ressources sanitaires et économiques de façon adaptée et mesurée, en réservant les moyens les plus importants aux phases les plus graves de la pandémie.

Les recommandations rapportées dans cet article étant largement susceptibles d’évoluer, les professionnels de santé sont invités à consulter régulièrement les sites d’information mis à leur disposition.