Aucun journaliste parisien ne dissertait, l'air grave, sur les morts iliens. La Réunion n'était qu'une colonie, lointaine et oubliée, et la télé n'avait pas encore été inventée. Aujourd'hui, on éternue avant même d'avoir pris froid. On tremble, on gagne kap-kap, à la seule idée d'embrasser la femme qu'on aime. On ne s'embrase plus sans masque. La grippe fait son carnaval. Pour faire l'amour, il faudra sérieusement envisager une panoplie de tissu et de plastique : une capote pour le sida, un masque pour la grippe H1N1. Et puis tant qu'on y est, des gants. Comme les criminels qui ne souhaitent pas laisser d'empreintes.
Dire qu'au départ, c'était une grippe porcine. Et qu'aujourd'hui elle nous empêche toute vélléité de faire des choses cochonnes... Pendant ce temps, à la Réunion, on meurt plus du diabète, d'alcoolisme, de mort violente, que de la grippe. Et on meurt plus, ici comme en métropole, de la bonne vieille grippe classique que de la H1N1, qui, comme toutes les stars, a droit aux sunlights de TF1 et à la une du Jir.
Pendant ce temps, en Afrique, on meurt du sida, mais aussi de faim. Une petite fille de cinq ans est morte à la Réunion, avec des symptômes de grippe ? Des centaines meurent tous les jours en Afrique simplement de n'avoir pas assez mangé. Et à Mada, du palu. Et en Irak, sous les bombes...
Et ça, ça ne fait éternuer personne.
François GILLET