Heureusement. Il existe ainsi, des instants qui ne correspondent à aucun autre. Et on se trouve placé là où il le faut, au bon moment.
Après avoir passé une semaine dans une ville située au milieu de l’Europe. Mais où se trouve-t-on vraiment au milieu de l’Europe ? Après le bonheur d’avoir eu à chaque instant la tête envahie par l’architecture ; des façades qui bouleversent, des arcades mystérieuses et de purs dessins jetés vers les hauteurs. Art nouveau, art moderne, renaissance d’un style roumain perdu…
En un mot, après avoir pris un maximum de plaisir à longer chaque jour, au plus près de chez moi, puis en m’inscrivant dans un cercle plus large, ces rues de Bucarest où se mélangent encore les somptuosités endormies, les écroulements magnifiques et les perles revenues à la surface, j’ai repris l’habitude du vert maximum.
Revenir de Bucarest où la verdure et les fleurs semblent s’infiltrer, partout où elles le peuvent, pour s’enfoncer dans mes Ardennes, dans un espace où, au sens propre, les maisons font un effort pour réapparaître sous la frondaison des arbres, demande une adaptation qui n’est pas immédiate.
Chaque exotisme me rattrape quand j’ai réussi à apprivoiser pour un temps celui du pays où je vis.
Et en cette fin de mois d’août, il y a en effet un moment qui ne correspond à aucun autre, sinon à celui que l’on a peut-être eu la chance de capter, à une année d’écart. Et encore, si le brouillard ne vient pas trop tôt, si l’été ne se casse pas trop vite sur les angles de l’automne.
Ce moment où le soleil doré vient prendre de biais les prairies de bords d’eau, les saules grisés, les aulnes chancelants, les frênes moutonniers et les balsamines géantes, ces impatiens glanduleuses parvenues à maturité de leur floraison.
Juste ce moment là. Avec un minimum de vent. Une humidité en équilibre vers la rosée du soir. Une lumière qui n’a pas la froideur de l’hiver ou la douleur de celle de l’été.
La douceur.
Juste cela.