Après un premier article consacré au taux d’équipement d’Internet des foyers français, cet article aborde son utilisation et plus particulièrement la manière dont celui constitue un outil d’arbitrage pour des consommateurs « malins ».
Utilisation : des copains et des infos
Internet est désormais largement diffusé en Europe. Aujourd’hui, sur le Vieux continent 178 millions d’individus1 (soit 60% de la population globale) déclarent se connecter régulièrement en semaine. 66% des Français disent se rendre généralement sur Internet en semaine et 60% le week-end. Parmi les internautes européens, les Français sont les plus « accros au surf quotidien » : 2/3 d’entre eux déclarent surfer quotidiennement, contre une moyenne européenne de 55%.
Parmi les principales utilisations de ce média, la communication et l’information restent les principales motivations : 83% des internautes français déclarent davantage rester en contact avec ses amis ou des connaissances et 60% davantage comparer les produits et les services.
Cette optique de comparaison nécessite que l’on s’y attarde un moment.
Une volonté d’arbitrage facilité qui fait exploser le e-commerce
Les ventes sur le net ont augmenté de 29% pour atteindre en 2008 un total de 20 milliards d’euros2 . Plus de 22 millions d’acheteurs ont fait la démarche dont 2.5 millions de nouveaux acheteurs. Alors que le sentiment d’une baisse du niveau de vie est prégnant au sein de la population française depuis fin 2006, l’année 2008 sera pour la première fois conforme aux perceptions.
Dans ce cadre d’obsession du pouvoir d’achat, Internet, grâce à la transparence dans la comparaison des prix et grâce à la multiplication des sites de ventes à prix cassés, constitue une source d’économies substantielles. 77%3 des Français estiment ainsi qu’Internet facilite la comparaison des offres et des prix (contre seulement 66% en 2004). et 3 sur 4 considèrent que les offres et les prix sont intéressants.
Les arbitrages économiques opérés par les consommateurs en cette période de crise se voient ainsi facilités par l’accès aux informations. Ces arbitrages répétés permettent également un sentiment de confiance et de plus grande transparence.
Une tendance de fond qui s’est accélérée depuis 2005
Depuis 2004, les commandes passées sur Internet ont littéralement explosé : la part de personnes déclarant avoir déjà réalisé une commande sur le net est ainsi passée de 23% à 41% en 2006 et à 55% en 2008). Face à la baisse progressive d’acheteurs par courrier, le net est ainsi en passe de devenir le premier média de commande à distance. Comme l’on pouvait s’y attendre, l’augmentation est spécifiquement marquée chez les 18-44 ans.
La proportion d’acheteurs exclusifs par Internet a également été multipliée par 3 en quatre ans (de 7% à 23% de la population totale entre 2004 et 2008).
Les achats concernent principalement les biens culturels, le tourisme et le voyage, le high-tech et l’habillement.
Le profil des e-acheteurs
Le baromètre du e-commerce 2008 de TNS Sofres indique que plus de 70% des 25-34 ans sont désormais des e-acheteurs. Comme l’on pouvait s’y attendre, les « CSP+ » sont globalement sur-représentés (au total 45% des cyber-acheteurs, alors que cette catégorie ne représente que 26% de la population française). Notons en particlier un +5 pour les cadres et professions libérales mais surtout un +10 aux professions intermédiaires, ce qui tend à relativiser justement le côté « CSP+ » de cette population. Celui-ci peut d’autant être relativisé que parmi la part de nouveaux acheteurs, on trouve principalement des CSP- (41% des e-acheteurs pour seulement 31% en 2007) avec une notable progression des ouvriers (+8 points par rapport à 2007).
Cette tendance pourrait laisser penser à un effet rattrapage de ces catégories de population, qui suit le rattrapage du taux d’équipement mentionné dans notre précédent article. Le nombre des e-acheteurs pourrait encore progresser puisque 95% d’entre eux expriment l’intention de continuer et que 24% des non-acheteurs ont l’intention de s’y mettre.
L’étude du Credoc permet d’affiner encore ce profil. Les hommes sont sur-représentés : ils représentent 59% des cyberacheteurs contre 53% des internautes et seulement 48% de la population totale. Les habitants de l’Ile-de-France connaissent le même phénomène : 27% des cyberacheteurs contre 24% des internautes et 19% de la population totale.
Autre enseignement : l’achat par ce biais augmente avec l’ancienneté de la fréquentation du net. En effet, 63% des internautes dont la pratique d’Internet remonte à plus de quatre ans y ont déjà effectué une transaction, contre seulement un quart (26%) de ceux qui ont découvert la toile il y a moins d’un an.
L’e-acheteur affiche également une sensibilité au prix supérieur à la moyenne : 61% d’entre eux estiment que le prix les « incite beaucoup à acheter ce produit » contre seulement 51% de la population totale. Cet élément tend à confirmer la recherche d’arbitrages rationnels soulignée ci-dessus.
Effet de substitution ou gain net pour les distributeurs ?
La forte pénétration d’Internet dans les réseaux de distribution pourrait a priori nourrir deux effets contradictoires :
- un effet de substitution : les internautes ayant accès à des produits moins chers ou introuvables délaisseraient alors les réseaux de distributions classiques pour consommer principalement sur la toile ;
- un effet cumulatif : les gains réalisés par les arbitrages ainsi que les informations glanées sur les produits permettent aux internautes de consommer sur le net tout en continuant de s’alimenter sur les réseaux de distribution traditionnels.
Il parait en fait très difficile de trancher clairement pour une des deux hypothèses : un cyberacheteur sur quatre pense globalement « acheter plus » depuis qu’il utilise Internet comme mode d’achat quand un sur trois déclare « acheter moins en magasin ».
Outre la pure intuition qui pourrait laisser penser que l’effet cumulatif prédomine légèrement, un élément tendrait à valider ce scénario. Le sentiment d’acheter plus s’accroît au fur et à mesure de l’accumulation des achats. Comme le souligne l’étude du Credoc, « 13% des personnes ayant effectué entre un et trois achats en ligne ont déclaré « acheter plus » avec Internet, le taux monte à 44% chez les gros cyber-acheteurs ».
Cette hypothèse reste pourtant difficile à valider puisque plus de la moitié des cyberacheteurs (53%) déclarent acheter moins en magasin depuis qu’ils consomment sur Internet (pour seulement 23% des cyberacheteurs débutants). Ainsi, il semble plus probable que les deux phénomènes co-existent, certains utilisant Internet comme un « fournisseur» complémentaire alors que d’autres, notamment les plus expérimentés, en ont fait un outil de substitution.
Un bémol : le problème de conservation des données privées
Une étude réalisée par IPSOS pour la CNIL met en évidence une importante défiance à l’égard du niveau de protection des données privées sur Internet : 71% des Français considèrent cette protection insuffisante. Les 18-24 ans se montrent les plus dubitatifs avec une proportion de 78%. Les cadres supérieurs expriment également une défiance particulièrement forte avec un taux de 85% estimant la vie privée insuffisamment protégée sur Internet. Ce chiffre est de 15 points supérieur à la moyenne nationale. C’est très certainenement sur cette question que se situe le principal levier d’augmentation des transactions sur Internet.