On pourra dire d’un système économique moderne qu’il fonctionne «bien» si le taux de chômage qu’on y constate n’est pas supérieur à 5% de la population active. Alors, le chômage en moyenne n’est que “frictionnel”, ne dure pour chaque personne concernée que le temps de passer d’un job à l’autre, trois mois environ. Mais quand il dépasse 8% de la population, comme actuellement en moyenne dans les pays de l’OCDE, voire 9%, comme en France ou aux Etats-Unis, et même 18% en Espagne, il devient “structurel”.
Les perspectives de l’emploi demeurant mauvaises (l’OCDE s’attend à un taux de chômage supérieur à 10% avant la fin de 2010), on est obligé de considérer que la crise économique n’est pas terminée, nonobstant un rebond boursier de quelque 50% depuis le début de l’année.
Dans ces conditions, comme il ne s’agit certainement pas d’un simple événement “cyclique”, ou “naturel”, il est encore et toujours temps de s’interroger sur les causes réelles et profondes de cet accident. Ce que l’on fait couramment en pareilles circonstances dans tous les autres domaines… Pourtant, s’agissant de la présente crise économique, on attend toujours la première «commission d’enquête», nationale ou internationale…
Deux écoles économiques (policières) semblent s’affronter : les partisans de nouvelles réglementations, en tête desquels le président Sarkozy ; et ceux qui sont plutôt sceptiques sur l’intérêt de cette obsession, représentés par les Allemands et les anglo-saxons.
Mais les uns et les autres sont d’accord pour garder le système, quitte à le rafistoler.
Les débats qui résultent de cette fausse alternative (plus de réglementations, ou pas) emplissent les colonnes des journaux, de la presse écrite ou de la télé. Faut-il légiférer sur les bonus des traders ? Faut-il limiter la rémunération des dirigeants des banques ? Faut-il
taxer les super-bonus ? …
Autant de sujets à la fois passionnants et parfaitement secondaires.
Qui n’apportent en tout cas aucune réponse aux questions autrement plus importantes :
- pourquoi ce développement extraordinaire de la finance, c’est à dire le financement par le crédit plutôt que par l’épargne ?
- pourquoi toujours plus de crédits délivrés par les banques, s’appuyant sur toujours moins de fonds propres de celles-ci, proportionnellement ?
- pourquoi une masse monétaire augmentant systématiquement plus rapidement que l’activité économique ?
- pourquoi des taux d’intérêt à court terme variant dans des proportions incroyables (entre +6% et 0% depuis 2000) ?
Or il y a un point commun qui apparaît clairement quand on fait une enquête sérieuse sur ces différents dysfonctionnements : c’est le rôle joué par les Etats, leurs gouvernements, leurs administrations, et les institutions qui dépendent d’eux.
Car l’histoire économique et financière depuis un siècle a été principalement marquée d’un coté par l’accaparement par les Etats de la fonction monétaire. Et de l’autre par la spoliation généralisée des fortunes privées. L’un permettant l’autre. Celle-ci s’appuyant sur celle-là.
Les banques centrales, émettrices de monnaie, sont apparues au XIXème siècle. Elles sont aujourd’hui près de 200. Elles étaient assujetties à l’or – juge de paix de la finance internationale, reconnu comme tel par tous – et faisaient les fins de mois des gouvernements impécunieux. Elles sont devenues soit disant «indépendantes», non pas tant du pouvoir politique, mais de l’or, cette «relique» barbare, honnie par le bon Karl Marx… C’est elles qui inondent le monde de fausse monnaie
Et comme cette fausse monnaie, il faut bien la refiler aux agents économiques, ménages et entreprises, gogos finaux, ce sont les banques qui s’en chargent. Et qui, pour y parvenir, sont obligées de surpayer leurs commerciaux, et en particulier leurs traders, qui sont aux avants-poste de cette manoeuvre.
Prenez l’exemple des crédits subprime aux Etats-Unis. Il fallait rémunérer les courtiers, puis les ingénieurs qui titrisaient, puis les commerciaux qui écoulaient à grande échelle, puis les traders…
Mais le point de départ de l’affaire, et de la crise, est bel et bien l’excès de monnaie, l’excès de crédits, contrepartie exacte de l’insuffisance de moyens et de capitaux, des ménages et des entreprises, qui caractérise ce qu’on appelle «le capitalisme financier» et qu’on ferait mieux d’appeler «le faux capitalisme public».
Le capitalisme, le plus puissant des moteurs économiques jamais inventé (d’ailleurs par personne, si ce n’est par la sagesse accumulée par l’humanité…) ne peut fonctionner durablement, sans échauffement et sans bulle, qu’avec le carburant qu’il génère naturellement, à savoir les fonds propres des entreprises qui ne sont rien d’autres que des profits accumulés au fil des années. Ce qui suppose que l’essentiel des profits soit effectivement laissé aux entreprises, et à leurs propriétaires personnes physiques.
Le capitalisme est incompatible avec une fiscalité confiscatoire. Surtout quand, de surcroît, elle s’accompagne d’un endettement public qui ajoute la confiscation de l’épargne à celle des revenus.