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Règlement intérieur : vers une nécessaire simplification

Publié le 31 août 2009 par Soseducation

Le 3 juillet 2008, à la questure de l’Assemblée nationale, l’association SOS Education remettait son prix de l’Excellence éducative à un principal méritant, qui avait spectaculairement redressé le collège Paul-Eluard de Châtillon. Lorsqu’il en avait pris la direction, en 2006, cet établissement considéré par euphémisme comme « difficile » connaissait de sérieux problèmes de discipline – sans parler d’une très sensible baisse du niveau scolaire. De nombreux parents déposaient des demandes de dérogation à la carte scolaire pour éviter que leurs enfants n’y soient scolarisés. Pourtant, à la fin de l’année scolaire, la situation était retournée, la discipline restaurée et le niveau redressé. Par quel coup de baguette magique ? « Les professeurs avaient besoin de se sentir écoutés et soutenus en face des élèves, expliquait à SOS Education le chef d’établissement. Je me suis appliqué à créer avec eux un travail d’équipe dynamique, à fédérer les projets, à décider et à trancher, mais toujours en toute clarté. Je me suis également employé à établir un règlement intérieur très clair, qui définissait les droits et les devoirs de chacun dans le collège. »

On ne peut établir une discipline que si les élèves connaissent la « règle du jeu » et les principes fondamentaux sur lesquels elle repose. C’est cette règle du jeu et qui est exposée dans le règlement intérieur de l’établissement.
Dans son principe, le règlement intérieur est quasiment aussi vieux que l’école. En 1684, saint Jean-Baptiste de la Salle crée la Congrégation des Frères des écoles chrétiennes, introduisant une innovation considérable : la classe. Jusqu’alors, les leçons étaient données individuellement à chaque élève. Les Frères inventent l’enseignement simultané, qui s’adresse à des groupes d’élèves répartis par classe, selon leur niveau de connaissances et leur âge. Cela suppose une organisation, un ordre, une discipline acceptés par tous. Le règlement d’école est précisé (comme d’ailleurs le règlement intérieur de la communauté des Frères elle-même) lors d’une assemblée générale qui se tient à Reims en 1686. Il organise les prières, les cours et les récréations et ses principes s’appuient sur l’expérience vécue des maîtres.

Cet enseignement est concurrencé à partir de 1815 par une nouvelle méthode venue de Grande-Bretagne, l’école mutuelle, favorisée par les milieux anticléricaux pour remédier à la pénurie de Maîtres et faire pièce au développement des congrégations religieuses. Un seul maître dirige plusieurs centaines d’élèves, avec l’assistance des élèves eux-mêmes en fonction de leur niveau de connaissance : moniteurs généraux, moniteurs intermédiaires, etc., jusqu’aux moniteurs débutants. Chaque élève apprend à son propre niveau et enseigne à ses condisciples du niveau inférieur au sien. Le règlement, très minutieux, régit l’organisation de cet enseignement dans ses moindres détails.

Ces écoles mutuelles disparaissent après 1833, lorsque Guizot crée les écoles normales : on en revient alors à la méthode de l’enseignement simultané.

Rien ne change vraiment jusqu’aux événements de mai 1968, qui ébranlent l’édifice administratif traditionnel. Dès lors, le règlement intérieur devient la colonne vertébrale de chaque établissement scolaire, ce qui conduit l’Education nationale à s’y intéresser de plus en plus souvent, multipliant les consignes et les précisions.

Ainsi la circulaire n° 2000-106 souhaite-t-elle que le règlement intérieur définisse « les règles de fonctionnement ainsi que les droits et les obligations de chacun de ses membres » et précise-t-elle qu’il « ne peut en aucune façon se réduire, comme c’est parfois le cas, à un énoncé de dispositions relatives aux obligations des seuls élèves et au régime des punitions et des sanctions les concernant. » Il doit indiquer aussi « les modalités d’exercice de leurs droits, dans le cadre scolaire ».

Le même texte précise que la réglementation des droits et des obligations des élèves peut « faire l’objet de recours devant les tribunaux administratifs ». Conséquence : on judiciarise l’Ecole. « Cette dimension juridique et normative du règlement intérieur implique que chaque adulte doit pouvoir s’appuyer sur lui pour légitimer son autorité, en privilégiant la responsabilité et l’engagement de chacun. »

Cette judiciarisation conduit à expliciter non seulement les principes du règlement intérieur, mais aussi « son contenu et notamment les éléments essentiels et indispensables qu’il doit contenir, ainsi que les modalités selon lesquelles un tel règlement est adopté, élaboré, modifié. »

Selon cette circulaire, le règlement intérieur devrait donc exposer :

  • les principes qui régissent le service public d’éducation ;
  • les règles de vie dans l’établissement, concernant son organisation et son fonctionnement;
  • l’exercice des droits et des obligations des élèves, et les modalités d’exercice de ces droits;
  • la discipline, les sanctions et punitions ;
  • les « mesures positives d’encouragement » : actions dans lesquelles les élèves ont pu faire preuve de civisme, d’implication dans le domaine de la citoyenneté, d’esprit de solidarité, etc. ;
  • les relations entre l’établissement et les familles ;
  • les situations particulières (élèves majeurs, conduite à tenir en cas d’incidents aux entrées et aux sorties, internat, stages…) ;
  • Chacune de ces rubriques comporte une quantité impressionnante de sous-rubriques. L’ensemble transforme le règlement intérieur en un fourre-tout indigeste et quasiment illisible par les élèves, voire par les parents.

Le problème qui se pose concernant le règlement intérieur tient, comme l’explique sans s’en émouvoir Philippe Meirieu dans son Petit dictionnaire pédagogique, à sa double nature de document ayant une valeur juridique et d’outil pédagogique ; d’où une double fonction : dans le premier cas, il relève de la loi, et dans le second des règles.

Puisque la complexité du règlement intérieur tient à la judiciarisation, sa nécessaire simplification passe par la fin de ladite judiciarisation, qui a par ailleurs les conséquences les plus néfastes sur l’éducation et l’enseignement, puisqu’elle aboutit à opposer les droits des élèves à l’autorité des professeurs et des responsables éducatifs, en plaçant les premiers et les seconds dans une situation de pseudo-égalité juridique. Cette dangereuse évolution se ressent en particulier lorsqu’on aborde le chapitre des sanctions, peut-être le plus important du règlement intérieur.

« On en est arrivé à un tel point qu’aujourd’hui les élèves traduits devant le conseil de discipline se font de plus en plus souvent assister d’un avocat ! », témoigne Véronique Bouzou, Professeur de français et auteur de Ces profs qu’on assassine (éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2009). « Alors qu’il faut avoir commis un acte grave, ou avoir reçu plusieurs d’avertissement sérieux, pour être traduit devant le conseil de discipline, les élèves se considèrent comme des victimes et ne sont plus sensibles aux sanctions. Les sanctions intermédiaires, comme une exclusion de deux ou trois jours, sont plutôt considérées comme une chance que comme une punition. Et même si le conseil de discipline exclut le fautif de l’établissement, il sait qu’il le quittera pour un autre collège, selon le principe des vases communiquants. Face à la judiciarisation de l’école, je conseille aux professeurs de porter plainte à la moindre menace, non seulement pour se protéger, mais parce qu’il est important que les élèves prennent conscience de la gravité de leurs actes. Voyez le film Entre les murs : l’élève coupable d’avoir blessé sa condisciple en plein cours ne craint pas tant d’êtres exclus du lycée, ce qui lui importe peu, que d’être renvoyé au Mali par ses parents. »

Pour corriger cette dérive, il est donc indispensable de simplifier la nature même du règlement intérieur, en lui retirant toute valeur juridique pour ne lui laisser que sa fonction proprement réglementaire.

Le chef d’établissement serait seul responsable de son contenu et de son application, sans devoir se conformer à des consignes venues du ministère ou à des circulaires. On parviendrait par ce biais à établir enfin des règlements intérieurs clairs et relativement courts, allant à l’essentiel et qui pourraient être aisément insérés dans le cahier de correspondance, avec de fortes chances d’être vraiment lus par les élèves et leurs parents, ce qui ne paraît pas être le cas actuellement comme le montre par exemple la synthèse d’une réunion organisée par l’Inspection académique du Cher, qui constate à propos du règlement intérieur : « Le règlement est quelquefois long et n’est pas lu attentivement. » * Et pour cause ! Il n’est pas rare que ces documents comptent 10 pages.
Nous ne sommes pas les seuls, ni les premiers, à en arriver à cette conclusion. Conscient du problème, le sénateur Christian Demuynck, maire de Neuilly-Plaisance, préconisait en 2004, dans un rapport adressé à Jean-Pierre Raffarin et intitulé « La rue dans l’Ecole ? Connaître, prévenir et maîtriser l’intrusion de la violence dans les établissements scolaires », de « clarifier les règlements intérieurs ».

« Parmi les mesures les plus souvent prises pour lutter contre les violences scolaires, on retrouve toujours la gestion du règlement intérieur, écrivait-il. Base de l’organisation sociale à l’intérieur des établissements, il en constitue une des pierres angulaires. Or, on nous a souvent signalé la nécessité de simplifier des règlements trop techniques et trop complexes, ne permettant pas de définir une échelle des sanctions claires pour les élèves. Ils deviennent donc trop difficiles à expliquer et par voie de conséquence à appliquer. Comment les élèves pourraient-ils respecter des règles qu’ils ne comprennent pas ?

Comment gérer ce problème ? Une solution a été trouvée par une équipe enseignante et un chef d’établissement : il s’agit de rendre le règlement intérieur de l’établissement abordable en simplifiant et clarifiant les règles.

Elle constituera une version simplifiée du règlement intérieur et permettra d’un simple de coup d’oeil de percevoir le type de sanction qui s’appliquera selon le type d’acte commis.

Dans tous les cas rencontrés, la réussite de l’équipe pédagogique passe par un comportement clair. »
Clarifier et simplifier, c’est tout un. Mais on ne parviendra pas à cette clarification tant que le règlement intérieur gardera sa nature juridique.
A quoi un règlement intérieur simplifié et clarifié pourrait-il ressembler ? Partant de celui du lycée Saint-Louis de Gonzague à Paris, qui tient sur deux pages, nous avons imaginé d’en dresser un modèle :

Règlement intérieur du lycée

Les élèves sont tenus de respecter certaines règles inhérentes à toute vie en communauté :

1. statut des élèves :

Présence obligatoire de la première heure de cours à la dernière, concernant :

  • la demi-journée pour les externes
  • la journée pour les demi-pensionnaires
  • la semaine pour les internes (voir règlement internat)

En fonction de l’emploi du temps officiel de la classe (voir carnet de liaison).

En cas d’absence de Professeur ou de suppression de cours par l’Administration, les entrées seront retardées et les sorties avancées, sauf avis contraire écrit des familles.

2. Utilisation du carnet de liaison

C’est un outil de communication officiel entre famille/élève, enseignants et Administration. Il sera remis en début d’année scolaire à l’élève, qui devra constamment l’avoir en sa possession.

Il doit également permettre aux parents de motiver :

  • les absences, signalées dans les plus brefs délais par téléphone (01 23 45 67 89)
  • les retards, à éviter sous peine de se voir interdire l’accès en classe
  • les demandes d’autorisation de sortie exceptionnelle (obligatoirement signées par les parents)
  • les dispenses d’EPS (Attention ! Celles-ci ne donnent pas l’autorisation de quitter le lycée, le professeur se réservant le droit de garder l’élève en cours, sans participation active)

Par son intermédiaire, les élèves régulariseront leur absence ou retard, au bureau de la Vie Scolaire, avant de reprendre les cours, faute de quoi ils ne pourront être admis en classe.

Quel que soit le motif invoqué, les sorties anticipées par rapport aux dates de vacances officielles ne sont pas autorisées.

3. Périodes hors classe

Les entrées et sorties des élèves s’effectueront uniquement par le portail du lycée, uniquement aux horaires d’ouverture de ce dernier.

En dehors des heures de cours, les élèves gèrent leur temps libre à leur convenance dans l’enceinte du lycée. Ils peuvent sortir dans la cour, se rendre au foyer, au CDI, éventuellement travailler dans une salle avec autorisation de la Vie scolaire.

Entre 12h et 13 h, seul l’accès au foyer reste possible dans le bâtiment. Toutefois, les élèves qui le désirent pourront rejoindre la salle d’étude ou le CDI, lieux strictement réservés au travail.

En aucun cas les élèves ne doivent se rendre en salle des professeurs.

4. Repas

Les élèves du lycée se présenteront au Self, munis de leur carte-restaurant ; en cas d’oubli ou de perte, ils passeront en fin de service, leur passage devant être géré différemment. De toute évidence, doubler ou provoquer des bousculades dans la file d’attente ne peut être toléré.

Les externes désirant participer à un repas retireront au préalable un ticket de cantine à la Réception (entre 7 h 45 et 11 h 55), qu’ils remettront au surveillant en entrant au réfectoire ; ils seront alors considérés comme demi-pensionnaires pour la journée concernée.

5. Attitudes et comportements

Les élèves sont responsables de la propreté des lieux qu’ils fréquentent et du matériel qu’ils utilisent.

Ils n’apportent à l’Institution que les affaires strictement indispensables au travail scolaire (l’établissement décline toute responsabilité en cas de perte, vol ou détérioration).

L’usage des téléphones portables, i-pod, lecteurs MP3, etc., est proscrit dans l’ensemble des bâtiments et des circulations de l’établissement ainsi que sur les terrains de sport.

Une tenue correcte est de rigueur dans l’établissement. Elle exclut :

  • les provocations, agressions verbales et les débordements affectifs ;
  • les tenues vestimentaires négligées, les piercings, les boucles d’oreille chez les garçons.

L’usage du tabac est interdit dans l’enceinte de l’établissement.

6. Devoirs surveillés

Un programme concernant les dates des différents devoirs sera affiché au début de chaque trimestre.

Afin que les épreuves se déroulent dans les meilleures conditions :

  • les élèves doivent avoir en leur possession tout le matériel nécessaire au travail
  • le silence absolu est requis dès l’entrée dans la salle
  • ceux qui, malgré les recommandations, terminent en avance (15 minutes par heure) rendent leur copie et quittent la salle sans déranger les autres.

Attention ! toute tentative de fraude fera l’objet d’un rapport sur la copie de l’élève et sera enregistrée sur un document spécifique mis à la disposition de l’équipe enseignante. Le professeur concerné prendra toute disposition qu’il jugera nécessaire.

7. Sanctions

Celles-ci s’échelonnent du mot sur le carnet de liaison à l’exclusion définitive prononcée par le Conseil de discipline. Cette décision n’est pas susceptible d’appel.

Elles se répartissent sur deux domaines distincts : « Enseignants » et « Vie scolaire ».

Les cas d’indiscipline et de manque de travail sont inscrits dans le carnet de liaison que les parents viseront systématiquement. L’inscription de 4 observations entraîne un Avertissement Ecrit. Un second Avertissement Ecrit provoque une exclusion temporaire.

Les problèmes d’ordre administratif : oublis à répétition de carte-self, de carnet de liaison, de justificatif d’absence ou de retard, se traduiront par des retenues le mercredi après-midi ou le samedi matin. La perte de carte-self ou de carnet de liaison (remplacé aux frais de l’élève) entraîne une observation écrite ou une retenue en cas de récidive.

Tout élève reconnu coupable d’un acte délictueux (vol, agression caractérisée, possession ou trafic de stupéfiants, etc.) sera immédiatement traduit devant le Conseil de discipline et les autorités publiques seront informées.

A l’issue du conseil de classe, des récompenses seront attribuées sous forme d’encouragements, de félicitations ou d’inscription au Tableau d’Honneur. Elles peuvent également être retirées aux élèves qui manqueraient à leurs devoirs.
L’inscription d’un élève au lycée vaut, pour lui-même comme pour sa famille, adhésion aux dispositions du Règlement Intérieur et engagement de s’y conformer pleinement.

Signatures précédées de la mention « lu et accepté » :

Les parents :

L’élève :

On notera que, volontairement, aucune allusion n’est faite dans ce règlement intérieur aux actes interdits par la loi sur tout le territoire national (drogue, injures, agressions…). Car cela doit aller sans dire, et l’écrire en toute lettre ne ferait que contribuer à l’affaiblissement de l’impératif de la loi.

* Formulaire de restitution d’une synthèse, Inspection Académique du Cher, Fiche N° 15 – Comment lutter efficacement contre la violence et les incivilités ?


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