J’ai récemment fait l’acquisition d’un ordinateur portable via le site internet de Dell Computer. Jusque-là, pas de problème. Un coursier m’a livré mon laptop dix jours plus tard à mon domicile.
Flickr Biotwist
Parmi les nombreuses options proposées au cours du cheminement de la commande, Dell me proposait un design pour la capot mon ordinateur. Mon choix etait toutefois restreint à un nombre limité de propositions. Les versions allaient d’une couverture unie couleur aubergine, simple, à des compositions artistiques plutôt complexes. Quid, cependant, si j’avais voulu reproduire sur la coque un dessin de mon crû ? Une photo de mes enfants ? Ou la vue de mon appartement lors de mes dernières vacances d’été ?
Si Dell embrassait une véritable logique de « sur-mesure » pour sa clientèle de masse (Mass Customization), j’aurais sans doute été capable de télécharger sur le site le modèle que je souhaitais reproduire au lieu de me contenter d’une présélection, même étendue.
Où en sommes-nous du sur-mesure de masse ?
D’accord. On me rétorquera peut-être que les techniques d’impression sur plastique sont encore coûteuse. Que la technologie n’est pas encore au point. Les producteurs de matériel électronique ne sont pas encore prêts de fournir une machine à laver dans l’exact vert olive que je souhaite, afin de l’assortir aux murs de ma buanderie.
Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre d’entreprises pratiquent et vivent maintenant du modèle du sur-mesure de masse. Elles permettent à leurs clients d’être en partie les concepteurs de leur achat.
Les sociétés de vente de vêtements en ligne telles que Threadless, Lafraise ou Spreadshirt, par exemple, n’ont pas de gamme propre. Les acheteurs sont aux commandes. Chacun peut faire imprimer un symbole, un graphe, une reproduction de tatouage, un message tel qu’il l’entend. Cafe Press users, une service d’impression sur vêtements permettant aux artistes de faire connaître leurs oeuvres, a vendu pour 100 millions $ de Tee-shirts au motif conçu par des tiers.
Grâce à internet, la « Mass customization » gagne du terrain. Les exemples sont plus nombreux: création de son propre vin, en choisissant soi-même le mélange des cépages (Custom Wine Label); création d’instruments de musique insolites; de meubles…
Frank Piller, un chercheur au RWTH Aachen University, en Allemagne, a foi dans l’avenir de la mass customization. Même si nous n’en sommes toujours qu’aux premières heures :
“The market for mass customization still is a tiny niche, but growing rapidly. Confirming the research we recently finalized for our SERVIVE project (an EU funded project on mass customization or apparel), the Spreadshirters confirmed our assumption that customized products are still addressing a very small fraction of the market only. The core task today is to educate the market, not so much surprising it with ever new offerings. Most consumers just have never heard about the opportunity that there is something else then ready-made stuff on the shelves. Sounds strange to you when you are reading this blog and this lengthy posting until here, but these people exist. And they are the majority!”
Vers le crowdsourcing
Personnellement, j’attends avec impatience de voir les constructeurs automobiles laisser leurs clients définir eux-mêmes leurs propres teintes de carrosserie ou la forme du tableau de bord, sans dépendre d’un catalogue prédéterminé.
Le fabricant de jouets Lego ne fait vraiment autre chose, d’ailleurs, avec sa plate-forme à succès Lego Mindstorm, via laquelle les fans de lego peuvent concevoir leur propre robot, machine, camion, etc.
Néanmoins, le groupe danois ajoute quelque chose. Les meilleures réalisations individuelles sont mis en production et commercialisés (1). En échange, chaque concepteur perçoit une portion des royalties. Dans ce cas, le « sur-mesure de masse » croise la notion dite de crowdsourcing. Dans le crowdsourcing, une entreprise recourt au public, à la foule, pour concevoir un produit ou une gamme de produits.
Défi logistique
L’essor du principe de mass customization ne sera pas sans impact sur les processus de gestion de la chaîne logistique et l’organisation des entreprises. Mais peut-être pas tant que cela, finalement. Nous vivons déjà dans une économie de flux tendus, ainsi que le vivent des groupes comme Dell, Nike or Levi-Straus show. Avec la mass customization, le défi pour les entreprises sera d’élargir l’éventail des choix possibles, en ôtant les limites d’une présélection d’options. Elles s’achemineront alors vers une véritable individualisation des offres. Une autre façon d’innover.
1 En phase test au Japon