La politique et le couple

Publié le 30 août 2009 par Roman Bernard
« Tagué » par l'excellent H16, je dois en principe répondre à la question suivante : « Pour supporter votre conjoint(e) qui est d'un autre bord politique que vous, quel petit plat succulent préparez-vous le dimanche ? » Le problème, cher H16, c'est que, bobo néo-parisien que je suis, je me lève trop tard le dimanche pour manger autre chose qu'un brunch. Et, machiste que je suis, je me fais davantage préparer des plats (croquettes au chèvre-salade) que je n'en prépare.

Mmmhhh...

La question posée par H16 étant sans objet, revenons à la question initiale de la « chaîne » : « Peut-on vivre à plein temps avec une moitié de droite (si l'on est à soi-même à gauche), ou à gauche (si l'on est soi-même à droite) ? ». Délicate question dont je me suis longuement entretenu avec l'Intéressée avant de passer à la rédaction de ce trivial billet.
Sur son blog, l'Intéressée (à ne pas confondre avec l'Irremplaçable chère au non moins excellent Didier Goux) se définit comme une « prolétaire aliénée ». Vérification faite, l'Intéressée se dit « de gauche », mais la gauche façon Isabelle Adjani dans La journée de la jupe.
La gauche qui pense, comme le veut l'évidence des faits, que « c'était mieux avant ».
Ça tombe bien, parce que j'ai longtemps (23 ans sur 26 environ) pensé que j'étais de gauche, et que, selon la formule consacrée donc, « c'était mieux avant ». Avant, c'est-à-dire avant que la décadence soixante-huitarde ne ruine la civilisation occidentale.
Disons que je me serais bien reconnu, une fois le second rêve impérial brisé, dans la gauche représentée par Jules Ferry et Léon Gambetta. Une gauche qui, aujourd'hui, serait à n'en pas douter horrifiée devant le désastre de la société post-moderne, et ne manquerait pas d'être vite « extrême-droitisée » par les nouveaux chiens de garde.
Une gauche qui, si elle n'avait pas été supplantée par les communistes puis par les gauchistes, fournirait aujourd'hui, comme moi, les bataillons du néo-conservatisme.
C'est dire si, en dépit du fait que l'Intéressée - Amel pour ne pas la nommer - et moi nous définissons respectivement de « gauche » et de « droite », nous partageons les mêmes valeurs, ce qui a infiniment plus d'importance que la toponymie politicienne.
Parmi ces valeurs se trouve celle du progrès, que, contrairement à mes amis de la « réacosphère », je continue à revendiquer. Et pour cause : ce n'est pas moi, le partisan du nucléaire et des OGM, qui suis réactionnaire. Ce sont ceux qui refusent le progrès scientifique et technologique qui le sont !
Ce sont les écologistes, altermondialistes et autres décroissancistes qui sont les réactionnaires, l'extrême-droite de notre temps. La pseudo-Révolution culturelle de Mao Zedong a été une réaction culturelle, saluée par une « intelligentsia » germano-pratine prétendument progressiste. Le « Kampouchéa démocratique » a constitué le plus délirant projet de retour au Néolithique jamais envisagé, là encore avec l'odieuse complaisance de la Rive gauche, soi-disant tournée vers l'avenir. La « Révolution » islamique iranienne de 1979 a, de même, bénéficié du soutien de la gauche française, du journal Le Monde au président de centre-gauche Valéry Giscard d'Estaing, qui croyait judicieux d'accorder l'asile à l'ayatollah Khomeyni. C'est de la gauche que viennent les excuses pour ces fantassins de la Régression que sont les islamistes.
Je n'éprouve donc aucune difficulté à persister à me proclamer progressiste et anti-gauche, anti-socialiste, que ce socialisme prenne la forme de l'assistanat mitterrandien ou celle de l'étatisme chiraco-sarkozyen. D'où vient, cependant, que la gauche continue à se prétendre progressiste, alors qu'elle est, de toute évidence, de plus en plus réactionnaire ? C'est son monopole de l'interprétation, dans les médias, dans l'éducation, qui lui permet de faire croire cela aux Français. C'est le fait que les journalistes et les économistes universitaires soient ultra-majoritairement de gauche qui leur permet de faire croire que la crise que nous vivons est le résultat du libéralisme, alors que l'influence de celui-ci sur la société française est nulle.
Dès lors, la question n'est pas de savoir si je suis de « droite » ou de « gauche », et si ma conjointe l'est. Ce qui compte, c'est de savoir que nous sommes progressistes.
Si je ne puis pas envisager une relation avec une militante NPA, ce n'est pas parce que je serais trop conservateur et elle trop progressiste, non : c'est le contraire...
Le jour où les noms auront été rectifiés, notre société sera proche de la rémission.
Roman Bernard