Banques et crédits si affinités
En préparant son futur livre, le romancier cherchait un ancrage avec le monde moderne : en vain, l'époque ne lui inspirait rien. Et retourner à James Bond, ça va cinq minutes. Mais vint la révélation : dans le quartier de Notting Hill, la bohème avait changé d'esprit. On y trouvait des gens travaillant pour Goldman Sachs (voir un article exceptionnel à propos de cette banque d'affaires), avec des salaires de 5 millions £ annuels...
De la société atomisée...
Le thème du livre s'est alors imposé : le monde financier, complètement déconnecté du monde, vertigineux dans ses ascensions, catastrophiques dans ses moments de déprimes. À l'image de notre monde, avec des écrans qui remplacent les communications, et des informations que l'on trouve sur le net sapant tout bonnement la quête de connaissances réelles. « Nous vivons dans une société fracturée », estime Sebastian. Chacun dans son coin, une atomisation qui représente une menace, selon lui.
... à la fracture sociale ?
Son roman avançait : en 2005, il avait bouclé 50.000 mots, mais dut marquer une pause pour achever Devil Mai Care. Trois ou quatre mois après la sortie du livre, le monde allait basculer : la crise arrivait, le système bancaire était sur le point d'imploser. Et dès lors, son livre avait plus d'actualité encore. « Ce qui me trouble le plus, c'est la dépendance de plus en plus importante que nous entretenons à l'égard » des téléphones portables et des ordinateurs.
Une sensation qu'Hassan expérimentera : le kamikaze/terroriste islamique qu'il a placé dans son livre tente à plusieurs reprises d'interrompre des personnes, sur le pont de Westminster. Mais rien n'y fait : toutes sont enfermées dans leur univers d'iPod ou de kit mains libres... « Ils parlaient dans le vide. Tous écoutaient des voix, leur répondaient, mais il n'y avait personne », constatera le personnage.
Le Digital natives heureux dans son ignorance
Un écho qui se répercutait déjà dans les colonnes de BibliObs, justement touchant au dossier Internet rend-il encore plus bête, évoquant un parallèle entre le Phèdre de Socrate et la génération de digital natives. « Enfin, j'imagine nos Phèdre, ces adolescents nés numériques, guettant du coin de l'œil leurs vieux censeurs tout en consultant les résultats de leur dernière recherche sur l'écran de leur portable, opinant nonchalamment, persuadés du caractère absolument inoffensif des commentaires de leurs parents, lointains camarades de Socrate. »
L'avènement d'internet prolonge cette tension. « Il y a probablement une nette diminution du savoir que nous avons en tête », lance Sebastian. « Internet est sûrement bien pour une recherche rapide, ou l'achat d'une paire de chaussures, mais en tant que dépositaire d'une pensée et d'une sagesse profonde, il y a encore beaucoup à faire. »
Perfectible, l'Homme ? Faut espérer
Réseaux sociaux, addiction aux jeux de rôle en ligne contrebalancés par l'accès simplifié à des connaissances ? « Il y a des dangers très graves. En même temps, je ne suis ni complètement déprimé ni pessimiste quant à la façon dont tout cela va finir, parce que nous sommes, tout du moins, une espèce qui s'adapte. » Rousseau aurait même peaufiné : perfectible. D'autant que Sebastian ne pose pas de réponse : seuls les politiques ou les religieux en ont. « Tout ce que je propose est une sorte de vague humanisme. »