La vie intérieure, c’est l’intérieur de la vie. Voilà ce qui intéresse Dieu, bien plus que l’extérieur. Ce qu’il veut, ce sont nos cœurs. Voilà ce qu’il essaie d’expliquer aux Pharisiens, à tous ses disciples, à nous-mêmes aussi.
Il est tout à fait possible d’apparaître comme un chrétien irréprochable aux yeux des autres tout en étant au fond de parfaits égoïstes. On peut aller à la Messe régulièrement, en évitant tous les péchés publics, récitant des prières pour se faire voir par les autres, faire tout cela extérieurement, et pendant ce temps nourrir des pensées mauvaises et des désirs égoïstes dans notre cœur.
Mais ce comportement schizophrène, appelé hypocrisie, ne peut pas durer. Comme le dit l’adage, à moins de vivre comme on pense, on finira tôt ou tard par penser comme on vit. Ou, comme le dit Jésus ailleurs dans les Evangiles (df. Mt 6, 21), là où est notre cœur, là aussi sera notre trésor.
Les vrais disciples de Jésus ne peuvent jamais se satisfaire d’une piété purement extérieure, ou, pour le dire autrement, nous ne pouvons pas nous estimer supérieurs aux autres, uniquement parce que nos péchés se voient moins. Voilà pourtant ce que faisaient les Pharisiens, et ils en étaient devenus aveugles pour l’amour de Dieu. En fait, cela a fait d’eux des ennemis de Dieu. La vraie religion comporte évidemment des manifestations extérieures, mais elles devraient être le fruit et l’expression de l’expérience du cœur.
Le cœur est le lieu où nous décidons en harmonie ou en opposition avec notre conscience, pour ou contre la volonté de Dieu. Notre amitié avec le Christ, et l’énergie, la force et la vigueur qui en découlent, dépendent de notre attachement intérieur à lui, et ne pourront jamais être remplacés par une petite couche de vernis. Jésus ne se soucie pas de l’impression que nous faisons aux autres, mais de ce que nous sommes en vérité. Nous devrions en faire autant.
De temps à autre, l’on entend des critiques au sujet de l’Eglise catholique à propos de cette hypocrisie par rapport au sacrement de la confession. On prétend que la confession est comme un feu vert pour toutes sortes de péchés. Un catholique peut, dit-on, commettre tous les péchés possibles et imaginables le samedi soir, car il sait qu’il peut aller se confesser le dimanche matin, prier quelques Je vous salue en pénitence, et aller communier tranquillement. Cette critique a fait son chemin même dans la littérature populaire.
Ken Follett, un auteur de bestsellers du New York Times, a écrit un roman sur les bâtisseurs de cathédrales au Moyen Âge. Mais Mr Follett n’étant pas chrétien lui-même, sa description de la foi catholique n’est pas parfaitement pertinente. Dans un chapitre, un groupe de chevaliers va se confesser juste avant la bataille, pour que le prêtre leur pardonne d’avance pour tous ceux qu’ils étaient sur le point de massacrer. Voilà quelque chose d’apparemment hypocrite : leur pardonner d’avance pour un péché qu’ils auraient pu éviter, s’ils l’avaient voulu.
Mais ces critiques ne font que s’en prendre à des fausses idées de la confession. S’il y a des catholiques pour penser qu’une confession effacera leurs péchés sans contrition aucune, ils sont dans l’erreur. Dieu nous a donné le sacrement de la confession, car il sait que nous vivons dans un monde déchu, et ce n’est pas facile. Il veut nous assurer de son vouloir et de son pouvoir à pardonner même les péchés les plus graves. Mais ce sacrement n’agit pas comme un distributeur automatique de boissons gazeuses ou de billets de banque, indépendamment de l’attitude intérieure, pourvu que nous y mettions le pièce d’argent exacte. Si un pécheur va se confesser, sans avoir la contrition de ses péchés, il ne peut pas recevoir dans son cœur le pardon de Dieu, tout comme un mendiant ne peut pas recevoir une aumône s’il n’ouvre pas les mains.
Nous tous ici, nous nous disons catholiques. Et donc, nous devons nous efforcer de vivre comme catholiques. Cela veut dire au moins deux choses. Cela veut dire d’abord que nous ne cessons jamais de penser, de parler et de nous comporter comme Jésus le veut. Il ne s’agit pas d’éliminer toutes nos attitudes, paroles et actions égoïstes et peccamineuses en un clin d’œil, mais plutôt d’un effort permanent. Notre vie spirituelle ressemble en un sens à un jardin. Un bon jardinier ne peut jamais abandonner purement et simplement le jardin à lui-même, même si les plantes sont vigoureuses et saines. Pour que le jardin puisse porte des fruits, le jardinier doit régulièrement l’arroser, mettre de l’engrais, protéger et en arracher les mauvaises herbes. Nous aussi, nous devons faire constamment des efforts pour mieux connaître le Christ et conformer notre vie à ses exigences. Si nous baissons la garde, les mauvaises herbes prendront le dessus.
Deuxièmement, cela signifie que nous devons accepter et adhérer à tous les enseignements officiels, et non pas à des morceaux choisis qui nous plaisent particulièrement. Un catholique de façade, qui choisit et qui sélectionne parmi la doctrine catholique comme on choisit ce qu’on achète dans un supermarché, n’est pas un catholique fidèle. Nous devons certainement nous former au sujet de tout ce que le Catéchisme nous enseigne, et cela veut dire honnêtement faire face, quelquefois, à certaines difficultés. Mais cette doctrine n’est pas au choix. Elle fait partie du dépôt de la foi, que Dieu nous a donné pour notre salut. Il est le médecin, nous sommes les patients. Notre santé et notre bonheur dépendent de la manière dont nous observons les prescriptions du médecin.
Au moment où Jésus s’apprête à renouveler son engagement envers nous, renouvelons aussi le nôtre envers lui en lui disant avec force et détermination notre volonté de vivre comme des catholiques de cœur, comme disciples fidèles et consciencieux du Christ, et non des pharisiens hypocrites.