Tout le monde a peur : qui dit numérique évoque en filigrane le piratage des livres, et ébouillantée par les secteurs de la musique et du cinéma, l'édition craint l'eau de ce futur bain. C'est oublier un peu vite que l'on ne numérise pas un livre comme on copie ou grave un CD, mais dans l'idée, difficile de faire comprendre cela.
Pour en discuter avec un acteur impliqué dans le domaine numérique, Challenges a rencontré Jean Arcache, le PDG de Place des éditeurs. Au menu de son catalogue, Acropole, Belfond, Convergences, Hemma, Hors Collection, Langue au chat, Le Pré aux Clercs, Lonely Planet, Omnibus, Presses de la Cité, Solar, rappellent nos confrères.
Internet, le buzz et la promotion des livres
Son avis sur le nouveau paysage de l'édition est assez intéressant : en quelques points, il détaille le marché actuel, à commencer par internet. Gardons les pieds sur terre, « le papier reste notre principale source de revenus » ; nul besoin de mettre obligatoirement les livres en ligne. Cependant, le Web dispose d'atouts supplémentaires pour la promotion des livres et « la possibilité de créer le buzz ».
Un point qui rejoindra la promotion actuelle et la dynamique des maisons : si le chiffre d'affaires est resté égal, voire a pu augmenter, le budget pub, lui, n'a jamais été réduit. Le secteur aurait donc « moins souffert que d'autres acheteurs de publicités ».
Piratage, mon amour
Concernant le piratage, il est amusant de comparer le devenir de l'ebook à l'apparition de la photocopieuse. Personnellement, il n'a pas peur : « Le pire qui puisse arriver sera la copie de 20 ou 30 best-sellers, pas plus. Nous avons de la chance par rapport au secteur des jeux vidéo qui est le plus touché. Presque toutes les 50 principales références — qui correspondent à 80 % des ventes — sont piratées. C'est la même chose pour les DVD. En ce qui concerne les CD, 500 références font 80 % des ventes, et là aussi presque la totalité est piratée. Dans le monde du livre, 3.000 références ne correspondent qu'à 50 % des ventes. Or, avant même que ces 3.000 ouvrages soient piratés, on aura le temps de se retourner. »
Conserver les gros lecteurs qui vieillissent
Mais avant de parler de piratage, encore faut-il que les Français lisent. Et il est certain que les gros lecteurs de 4/5 livres par an sont des denrées rares. « Cependant, leur durée de vie s'allongeant, on les gardera plus longtemps », place-t-il. Les intéressés apprécieront. Pour les plus jeunes, l'approche sera marketeuse, car « ils fonctionnent dans une logique de saison comme avec les sitcoms. Le projet est d'attendre d'avoir deux tomes avant de lancer le premier. Il faut créer un rendez-vous annuel pour fidéliser les jeunes lecteurs ».
Vendre du livre en hard discount ?
Et vu le coût du livre, la crise passant par là, un nécessaire impact s'est ressenti. Pas forcément pour les éléments que l'on soupçonne. « Le commerce du livre correspond en grande partie à de gros volumes le plus souvent vendus en hypermarchés. Or, la baisse de fréquentation de ces grandes surfaces conduit à une réduction du temps passé dans les rayons livres. » Autrement dit, en allant moins en supermarchés, et plus en hard discount, pour faire des économies, on achète moins de livres, ces derniers n'en proposant pas.