Ce court roman traduit de l’allemand est composé de phrases simples, limpides, tranchantes ; sous cette apparente clarté, c’est toute la complexité de l’âme d’une enfant qui est explorée. Dureté de la vie de famille : père en voyage, frère violent découvrant la sexualité. Elle aussi découvre le désir, dans des épisodes étranges, rapportés de façon clinique. Puis elle tombe amoureuse, éperdument, d’un jeune homme distant qu’elle voit tous les jours à la piscine. Un amour impossible, mortel.
Je suis consciente que ce résumé sommaire ne doit guère inciter à la lecture ; sexualité infantile, atmosphère morbide, Sombre printemps est dérangeant. Mais il y a quelque chose de vraiment fascinant dans la franchise et la sécheresse du récit.
Jusqu’au dénouement où l’enfant devient cette poupée désarticulée de Bellmer, dénouement qui préfigure la fin de l’artiste elle-même, qui se défenestra en 1970, après avoir souffert pendant de nombreuses années de troubles psychiatriques.
Elle aperçoit un cercle d’enfants assis et recueillis, qui se serrent autour d’un groupe d’hommes paraissant des étrangers. A la vue du plus grand d’entre eux, son cœur se met soudain à battre. Il ressemble exactement à l’un des hommes sombres qui, la nuit, dans la salle noire où brûlent les torches, l’attendent pour la tuer. Par un penchant brusque et unique, elle choisit cet homme pour lui vouer un amour profond et secret. Il ne la voit pas, il ne la connaît pas. Il ne sait rien du bouleversement que sa vue lui cause. Enfin elle a son premier grand secret. Ces hommes parlent une langue que les enfants ne comprennent pas. Cela augmente encore l’impression de mystérieux. Prudemment, pour ne pas éveiller son attention elle se lève et entre dans le cercle des enfants. Elle veut être près de lui ! Soudain son visage s’embrase d’excitation et d’une joie folle. En même temps elle se sent infiniment triste. C’est un homme, lui. Il est inaccessible pour elle.