Je viens de lire cela sur Le Figaro Remplacement de profs : Chatel recule. Telle était l’idée géniale, issue du non moins génial cerveau de Xavier Darcos, lancée en mai dernier selon un autre article du Figaro Une agence pour remplacer les profs absents. Les profs ou les instit absents – plus ou moins longtemps – et jamais remplacés sont monnaie courante, j’en entends suffisamment parler autour de moi. Les rectorats disposent bien d’un corps d’enseignants remplaçants mais leur affectation se heurterait aux limites de leurs circonscriptions géographiques.
En bref, dans le département X il manquerait des enseignants remplaçants alors qu’il y aurait pléthore dans le département voisin, Y… Les règles administratives ne permettant pas de «prêter» du personnel enseignant hors de la circonscription. D’où l’idée de cette Agence nationale de remplacement des profs… L’Adecco de l’Educ-Nat ? Pourquoi nationale ? on se le demande bien ! T’es prof remplaçant à Marseille Montpellier ou Toulouse ? On t’enverra à Lille, Brest ou Strasbourg. Les voyages forment la jeunesse. Quid des frais de déplacement et d’hébergement ?
Comment imaginer que le niveau national soit pertinent pour traiter de telles questions ? Si les rectorats ne disposent pas d’assez d’enseignants remplaçants c’est uniquement parce que l’on supprime chaque année un nombre impressionnant de postes et je lis que ce qu’ils osent appeler «l’optimisation des moyens» devrait permettre en outre «le non-renouvellement de 3 000 emplois à la rentrée 2009»… Ite missa (ultralibérale) est. Toujours cette obsession du «dégraissage» (sic !) des effectifs de la fonction publique.
Il est en effet bien connu – surtout chez les beaufs et les politicards de droite - que les fonctionnaires sont des animaux budgétivores par essence inutiles sinon carrément nuisibles au bon fonctionnement des services publics. Air bien connu mais carrément stupide.
En fait, le problème de répartition des profs remplaçants ne semble concerner que la Région parisienne, divisée en 3 Académies : Paris, Créteil et Versailles. D’où ce que l’entourage de Luc Chatel appellerait le «syndrome du périphérique» car une gestion trop rigide des ressources humaines interdirait que les profs remplaçants disponibles dans un ressort administratif puissent en franchir les limites, ce qui de l’avis du ministère entraînerait le sous-emploi d’environ 10000 enseignants remplaçants sur un effectif de 50000…
En province, le ressort des Rectorats me paraît suffisamment vaste pour que les problèmes puissent être réglés sans devoir passer par Paris… Recentralisation ? Et si vraiment la trop grande rigidité des règles est en cause, il serait sans doute nettement plus intelligent d’apporter quelques assouplissements permettant de déroger au principe que d’imaginer une belle «usine à gaz» qui multiplierait très certainement encore plus les situations absurdes.D’ailleurs l’absurdité du système était plus que patente puisque selon ce que je lis, cette structure ne se substituerait pas aux rectorats… qui conserveraient la gestion locale des remplaçants ! D’où un très gros doute quant à sa réelle utilité.
A moins que l’objectif véritable ne fût de «déplumer» davantage les effectifs de titulaires comme en témoignerait l’autorisation de faire appel pour des remplacements de courte durée à des vacataires disponibles immédiatement, au «risque d’assister à une dégradation des conditions de travail des contractuels» comme le craignait Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU (principal syndicat d’enseignants) qui déplorait par ailleurs «l’absence totale de concertation sur ce dossier».
Bien dans la méthode Darcos – inspirée à l’évidence de celle de Nicolas Sarkozy : une idée et l’on y fonce tête baissée sans tenir nul compte des objections, souvent de bon sens, les «partenaires sociaux» n’ayant d’autre choix que d’accepter. Politique du tout ou rien assortie du constant «c’est à prendre ou à laisser» et comme le gouvernement passe toujours en force, l’administration des purges libérales relève de la méthode de gavage des oies et canards pour le foie gras.
Sans même parler de l’improvisation habituelle de la «méthode Sarko» - penser quelque chose et claquer des doigts devrait suffire - qui fut là aussi patente puisque Luc Chatel soulignait en août que l’Agence ne serait pas opérationnelle le 2 septembre 2009, jour de la rentrée scolaire… Ça risque même d’être plutôt rock n’roll dans quelques semaines si la grippe A (H1N1) fait les ravages que l’on redoute dans les effectifs, non seulement des élèves mais aussi de leurs enseignants.
Luc Chatel a été obligé d’écouter les enseignants. C’est Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen-CFDT, qui a rencontré jeudi Luc Chatel, qui est à l’origine de l’information sur l’abandon de ce projet : “Luc Chatel nous a dit qu’il souhaitait trouver une solution au problème des remplacements, mais ne comptait pas créer une agence centralisée. Une mission est créée, non pas pour réfléchir à la création d’une agence de remplacement, mais pour améliorer le système”.
Mieux vaut tard que jamais car Luc Chatel ne semblait nullement hostile à ce projet selon les arguments qu’il avançait encore dernièrement : «On voit souvent des parents qui sont un peu surpris parce qu’un enseignant, absent pour des raisons tout à fait légitimes, en particulier une formation, n’est pas remplacé aussi rapidement qu’on le souhaiterait dans son école».
Tombée à l’eau donc cette flambant neuve mais inepte Agence nationale de remplacements des profs. Les syndicats d’enseignants ne vont pas tirer leur mouchoir ! Celui qui va verser des larmes étant sans nul doute le Directeur qui devait être nommé tout prochainement par décret. Un beau «fromage» qui lui passe sous le nez… Je serais curieuse de savoir à qui Darcos avait promis le poste. Encore du clientélisme.
S’il s’agit, comme je lis «d’assurer une meilleure conti-nuité du service public» que réclament les parents d’élèves avec insistance – ça, c’est Le Figaro ! – nul doute que l’objectif serait bien mieux atteint en ne rognant pas perpétuellement sur les effectifs des personnels enseignants et ATOS.